Plaignant
M. Francesco Arcadi
Mis en cause
M. Michel Auger, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Francesco Arcadi porte plainte contre deux articles, du journaliste Michel Auger du Journal de Montréal, publiés les 9 avril et 22 juin 2006. Ces articles contiendraient des informations inexactes provenant de sources anonymes, ce qui aurait porté atteinte à la vie privée et à la réputation du plaignant.
Griefs du plaignant
Par l’intermédiaire de son avocat, Me Jean Laurin, M. Francesco Arcadi porte plainte contre le journaliste Michel Auger et le Journal de Montréal, au sujet de deux articles, publiés les 9 avril et 22 juin 2006, qui contiendraient des informations inexactes basées sur des sources anonymes, ce qui aurait porté atteinte à la vie privée et à la réputation du plaignant.
Dans le premier article publié le 9 avril 2006 sous le titre « Conseiller de Rizzuto – Arcadi serait en danger de mort », Me Laurin relève plusieurs phrases contenant des informations erronées qui contreviendraient à l’éthique journalistique :
1. « [M. Arcadi serait] considéré comme le bras droit et un proche conseiller du parrain Rizzutto », n’est basé sur aucune source et serait fausse.
2. « [M. Arcadi] était en véritable danger de mort ».
3. « Le Journal de Montréal a appris qu’une grosse dette serait à l’origine d’une querelle opposant certains membres du milieu criminel à Arcadi ». Me Laurin souligne que M. Arcadi n’a de relation avec aucun membre du milieu criminel, n’a pas de casier judiciaire et ne fait l’objet d’aucune accusation devant un tribunal.
4. « Arcadi est ce personnage qui occupe de plus en plus de terrain, dit-on, depuis l’emprisonnement de Rizzuto ». Selon le représentant du plaignant, cette information laisserait entendre que le terrain dont il s’agit serait celui laissé vacant par Vito Rizzuto, ce qu’il nie.
5. « Le rôle d’Arcadi dans le milieu local lui fait apparemment vivre une vie à haut risque, puisque c’est au moins la deuxième fois qu’on veut le tuer », ce que nie le plaignant.
6. « Il avait aussi échappé à un complot d’enlèvement de la part d’un trafiquant de drogue qui estimait avoir été floué par la Mafia… le parrain et son adjoint (le souligné du plaignant) doivent peut-être la vie à un indicateur de police qui avait fait part du complot au détective », ce qui est également nié par le plaignant.
D’autres griefs sont reprochés aux mis-en-cause, relativement au respect de la vie privée et de la réputation de M. Arcadi.
Pour conclure sur cet article, Me Laurin souligne qu’en faisant référence, en début d’article, aux enquêtes de la division du crime organisé de la police de Montréal, le journaliste et l’éditeur ont publié un article manquant de pondération à l’égard de l’information, qui visait le sensationnalisme au mépris du risque de nuire à la réputation et à la vie privée d’autrui.
Dans un deuxième temps, Me Laurin relève les griefs reprochés à l’article publié le 22 juin 2006.
Selon, Me Laurin, dans cet article, le journaliste montre une insistance indue et une absence totale de rigueur de l’information en mentionnant le nom de M. Arcadi et en le décrivant comme un des lieutenants de la mafia montréalaise, à qui le dernier amant de Madame Sharon Simon lui aurait été redevable d’une « énorme somme d’argent ».
Voici les éléments rapportés dans l’article qui contreviendraient, selon le plaignant, à l’éthique journalistique.
1. La mention du nom de M. Arcadi était inutile à la compréhension des faits que le journaliste désirait porter à l’attention du public.
2. L’article faisant écho à celui du 9 avril, la référence à M. Arcadi constituait une insistance malicieuse et indue.
3. La référence à M. Arcadi constitue une grave erreur, un manque de pondération visant le sensationnalisme et une atteinte directe à sa vie privée et à sa réputation.
Selon Me Laurin, il est évident que le but de ces articles étaient de salir la réputation de M. Francesco Arcadi en l’associant à Mme Sharon Simon et à l’entourage criminel de M. Vito Rizzuto, poussant l’outrecuidance jusqu’à insinuer qu’il en serait devenu le bras droit.
Me Laurin affirme que ces allégations sont fausses et que M. Arcadi n’a même jamais fait l’objet d’accusation criminelle susceptible de le relier M. Vito Rizutto et/ou à son entourage et/ou à la commission d’un crime.
à la suite de la parution de ces deux articles, des mises en demeure furent envoyées au journaliste et à la direction du Journal, exigeant la rétractation complète des allégations mensongères publiées contre M. Francesco Arcadi. Le Journal de Montréal et M. Auger n’ont ni accusé réception de ces demandes, ni publié de rétraction.
Commentaires du mis en cause
Me Bernard Pageau répondra au nom du journaliste, M. Michel Auger et du Journal de Montréal.
En ce qui a trait aux reproches du plaignant selon lesquels l’article du 9 avril 2006 aurait rapporté de l’information inexacte, aurait manqué de rigueur et de pondération visant le sensationnalisme au risque de nuire à la réputation et à la vie privée d’autrui, le mis-en-cause souligne que le journaliste et le Journal ont publié des informations d’intérêt public sur la base d’informations crédibles et vérifiées.
Quant aux éléments relatifs au respect de la vie privée et de la réputation du plaignant, Me Pageau soutient que le Conseil de presse n’a pas à se prononcer sur ces aspects mais plutôt sur les aspects reliés au travail du journaliste et du Journal dans ce dossier.
En ce qui a trait à l’article du 22 juin 2006, le mis-en-cause souligne que les informations rapportées dans cet article sont fondées et proviennent de sources crédibles.
Me Pageau conclut en soulignant que l’arrestation récente de M. Francesco Arcadi et les accusations auxquelles il fait face sont des éléments rapportées par tous les médias confirmant les allégations des forces policières rapportées par le Journal.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
Le rôle du Conseil n’est pas de déterminer le degré d’atteinte à la réputation d’un plaignant, cela relève des tribunaux. Le Conseil étudiera ce dossier sous l’angle de l’éthique journalistique et professionnelle.
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes est synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements.
Le plaignant soutient d’abord que l’information à l’effet qu’il serait associé au milieu criminel est fausse. Il affirme qu’il n’a jamais fait l’objet d’accusation criminelle qui serait susceptible de le relier à M. Vito Rizutto et/ou à son entourage et/ou à la perpétration d’un crime. Les mis-en-cause rétorquent en mentionnant qu’ils ont publié des informations d’intérêt public sur la base d’informations crédibles et vérifiées.
Il apparaît important de rappeler, à cette étape-ci, un principe maintes fois cité par le Conseil à l’effet qu’il appartient au plaignant de faire ses propres recherches sur les griefs formulés afin d’en faire une démonstration qui va au-delà d’une simple dénonciation des mis-en-cause. à défaut de quoi, le Conseil se retrouve devant des reproches non démontrés ne permettant pas d’accueillir le grief.
Le Conseil considère que les informations publiées étaient d’intérêt public. à cet égard, M. Auger pouvait certainement traiter de ces nouvelles à caractère judiciaire. à la lecture des informations publiées, on remarquera que le journaliste introduit, dans presque tous les cas, sa source avant de faire sa déclaration.
Pour le Conseil, comme ces informations proviennent de différentes sources, dont des corps policiers, et que celles-ci se sont avérées exactes par la suite, il n’y a pas lieu de retenir ce grief. Toutefois, en regard des sources anonymes ou confidentielles, le Conseil recommande aux médias et aux journalistes de mentionner au public que les informations recueillies l’ont été sur des bases confidentielles.
Au deuxième point, le plaignant demande au Conseil de vérifier les sources d’information du journaliste. Dans les articles dénoncés, le journaliste attribue, la plupart du temps, l’information recueillie à des sources policières. En regard des sources confidentielles, le Conseil souligne que bien que l’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle, les médias et les journalistes qui se sont engagés à respecter le caractère confidentiel de leurs sources doivent en protéger l’anonymat. à cet égard et à la lumière des derniers événements, soit l’arrestation récente de M. Arcadi qui avec 90 autres accusés devra répondre à près de 1000 chefs d’accusation, en plus du faible argumentaire du représentant du plaignant, le Conseil ne peut que conclure que le journaliste pouvait avoir foi en ses sources afin de publier son information. Le grief est par conséquent rejeté.
Au dernier grief, M. Arcadi affirme que les informations contenues dans les deux articles ne visaient qu’à nuire à sa réputation. Puisque cette atteinte découlerait du fait de fautes professionnelles de la part des mis-en-cause, et puisque aucun grief n’a été retenu, le Conseil rejette donc ce dernier grief.
Décision
Au terme de ce qui précède, le Conseil rejette la plainte de M. Francesco Arcadi à l’encontre du journaliste M. Michel Auger et du quotidien Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15C Information non établie
- C16E Mention non pertinente
- C17A Diffamation
- C17G Atteinte à l’image