Plaignant
Le Conseil canadien des distributeurs en alimentation et Mme Manon Genest, vice-présidente Québec, Affaires publiques et services aux membres
Mis en cause
M. Daniel Joannette, journaliste; M. Jaque Rochon, directeur de l’information et le réseau TQS
Résumé de la plainte
Au nom du Conseil canadien des distributeurs en alimentation, Mme Manon Genest porte plainte contre M. Daniel Joannette, concernant deux reportages diffusés sur les ondes de TQS les 28 et 29 juin 2006 et leurs annonces respectives diffusées sur le site Internet de la chaîne. Les principaux griefs invoqués ont trait au manque de vérification et à la diffusion d’informations inexactes.
Griefs du plaignant
Mme Manon Genest, au nom du Conseil canadien des distributeurs en alimentation, porte plainte contre le journaliste Daniel Joannette et le réseau TQS concernant deux reportages diffusés lors du « Grand Journal TQS », les 28 et 29 juin 2006. Le second reportage était la suite du premier. La plainte concerne aussi les annonces de ces reportages diffusées sur le site Internet de TQS. Ces reportages traitaient de la production, et de la distribution dans les grandes chaînes d’alimentation, de la fraise du Québec en cette forte période de récolte. La plaignante considère que le journaliste a manqué de rigueur en ne vérifiant pas ses informations et en diffusant des informations inexactes.
La première information inexacte apparaîtrait dans l’annonce du premier reportage qui indiquait : « C’est la saison des fraises en ce moment au Québec, mais les producteurs ne savent pas quoi faire de leur surplus qui pourraient bien finir à la poubelle. Tout ça parce que les grandes chaînes d’alimentation ont préféré acheter des fraises amÉricaines. » Selon la plaignante, cette information serait inexacte, non seulement en ce qui concerne le fait que les fraises pouvaient finir à la poubelle, mais aussi en regard de la préférence des supermarchés pour les fraises amÉricaines.
Concernant le premier reportage, diffusé le 28 juin, Mme Genest détaille ses griefs en cinq points :
1. Le journaliste aurait mentionné à plusieurs reprises « les grandes chaînes d’alimentation » alors qu’il n’aurait pas appelé les entreprises Métro et Sobeys pour vérifier ses allégations.
2. M. Joannette aurait parlé à une porte-parole de Loblaws mais il n’aurait pas vérifié l’information qu’elle lui a donnée.
3. Les fraises du Québec étaient en promotion dans les circulaires « des grandes chaînes d’alimentation » cette même semaine, contrairement à ce qu’aurait prétendu le journaliste dans son reportage. En complément, la plaignante apporte au dossier trois circulaires des magasins Loblaws (semaine du 19 juin), Métro et IGA (semaine du 26 juin).
4. Des fraises du Québec identifiées comme telles, se trouvaient en magasin la semaine du reportage. Donc, le journaliste n’aurait pas vérifié ce qu’il avance dans son reportage.
5. Le journaliste n’aurait pas vérifié auprès de l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec si les revendications présentées dans son reportage étaient fondées. Mme Genest joint à ce propos le communiqué de presse émis le 29 juin par l’Association, dans lequel celle-ci se dissocie des informations et des points de vue émis dans le reportage.
Par ailleurs, Mme Genest considère que le reportage du 29 juin 2006 n’a pas corrigé les informations inexactes du reportage de la veille. Ce second reportage n’aurait pas mentionné que les grandes chaînes alimentaires faisaient la promotion et vendaient des fraises du Québec. Il ne ferait que préciser que la surproduction est un problème et que les différents intervenants « se lancent la balle ». La plaignante estime aussi que l’annonce de ce second reportage, titrée « les supermarchés répliquent », ne corrige pas non plus les erreurs du premier reportage. Cette annonce disait : « Le supermarchés affirment qu’il est faux de prétendre qu’ils ont préféré les fraises amÉricaines à celles du Québec cette année. C’est qu’en raison des pluies abondantes des dernières semaines, il y eût surproduction de fraises. Bref, c’est le temps d’acheter les petits fruits, car ils sont à un très bas prix. »
Commentaires du mis en cause
Me Bernard Guérin distingue d’abord les annonces des reportages, des reportages eux-mêmes. Ainsi, sans se prononcer sur la justesse de ces promotions, il considère que le journaliste ne serait pas responsable de ces annonces. Il ajoute qu’elles ont été diffusées sur le site Internet de TQS et qu’elles ne relèveraient pas de la salle de nouvelles.
Ensuite, Me Guérin répond point par point aux griefs avancés par la plaignante :
1- M. Joannette aurait appelé Métro et Sobeys et leur aurait laissé un message concernant la nature du reportage et son échéancier de production et de diffusion, mais il n’aurait pas eu de retour d’appel.
2- Pour le deuxième reportage, M. Joannette aurait parlé à un représentant de Loblaws qui lui aurait refusé une entrevue. Le mis-en-cause considère donc qu’un représentant des supermarchés a eu l’occasion de faire valoir sa version des faits. De plus, Me Guérin prétend que la plaignante n’aurait pas précisé quelle information n’a pas été vérifiée et qu’il ne comprend pas de quelle information il s’agit, d’autant plus que cette conversation avec le représentant de Loblaws avait pour but de vérifier les propos tenus par les producteurs.
3- Selon Me Guérin, les circulaires jointes en annexe par le plaignant ne seraient pas pertinentes parce qu’elles concerneraient des fraises biologiques alors que le reportage traitait des fraises ordinaires. Pour lui, il s’agirait de deux marchés différents. De plus, la circulaire de Loblaws datait du 19 juin soit neuf jours avant le premier reportage.
4- M. Joannette n’aurait pas contesté le fait qu’il y avait des fraises du Québec en magasin pendant la semaine du reportage. En fait, les producteurs considéraient qu’il n’y en avait pas assez en magasin, alors qu’on était au plus fort de la saison des récoltes. Ils déploraient le manque de promotion de la fraise du Québec. De plus, M. Joannette aurait demandé à la représentante de Loblaws si sa compagnie vendait en même temps des fraises amÉricaines, mais elle aurait répondu ne pas savoir.
5- Le journaliste affirme avoir eu une entrevue avec un représentant de l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec. Pour Me Guérin, il est normal que les membres d’une même association ne soient pas nécessairement tous d’accord et que l’Association puisse se dissocier des propos tenus par certains de ses membres.
Concernant le reportage du 29 juin 2006, le mis-en-cause soutient que le suivi était juste et qu’il n’était pas nécessaire de rappeler que les supermarchés vendaient effectivement des fraises du Québec en même temps que des fraises amÉricaines. Ce second reportage voulait dénoncer la surproduction, la récolte hâtive et les problèmes de mise en marché de la fraise, ces éléments étant confirmés par le communiqué de presse de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, daté du 29 juin. Il ajoute que des producteurs de fraises ont affirmé au journaliste qu’ils s’étaient vus refuser la vente de leurs fraises par des supermarchés, bien que l’Association se dissocie de ces propos.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a pas présenté de réplique dans le présent dossier.
Analyse
La vice-présidente Québec du Conseil canadien des distributeurs en alimentation, Mme Manon Genest, portait plainte contre M. Daniel Joannette et le réseau TQS concernant deux reportages diffusés les 28 et 29 juin 2006 et leurs annonces respectives diffusées sur le site Internet de TQS.
Le Conseil remarque d’abord que le sujet traité par le journaliste était d’intérêt public, c’est dans le traitement du sujet que le Conseil formule sa décision.
La plaignante reprochait d’abord au journaliste plusieurs inexactitudes qu’elle attribuait à des manques de vérifications.
Elle accusait le journaliste de ne pas avoir contacté les entreprises Métro et Sobeys ni l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec pour vérifier ses informations. M. Joannette répondait, d’une part, qu’il avait contacté les deux chaînes de magasins citées, mais que celles-ci ne lui avaient pas répondu; et d’autre part, qu’il avait obtenu une entrevue avec un représentant de l’Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec. Devant ces deux versions contradictoires, comme le veut l’usage au Conseil, le grief a été considéré comme non démontré.
La plaignante considérait aussi que le journaliste n’avait pas vérifié auprès de l’organisme, l’information donnée par la représentante de Loblaws. Or, le Conseil a relevé que le journaliste a effectivement rapporté les paroles d’une représentante de Loblaws selon lesquelles ce n’était pas vrai que les grandes chaînes de magasins vendaient moins de fraises du Québec que d’habitude. Comme la plaignante n’a pas montré en quoi ces propos étaient inexacts, le grief a été rejeté.
La seconde information en litige était à l’effet que les grandes chaînes d’alimentation ne faisaient pas la promotion des fraises du Québec. Or, les documents au dossier, fournis par la plaignante, démontrent que les supermarchés faisaient une certaine promotion de ce produit. Le Conseil constate que le reportage contenait de l’information incomplète et aurait dû être nuancé. Le grief a été retenu.
La plaignante alléguait ensuite que le reportage du 29 juin ne rectifiait pas les informations du reportage de la veille. Le second reportage n’a cependant jamais été présenté par les mis-en-cause comme une rectification du premier, mais plutôt comme une suite ou un reportage complémentaire; ce avec quoi le Conseil s’est dit d’accord. Par conséquent, les règles relatives aux rectifications ne s’appliquaient pas dans ce cas.
Le Conseil estime que l’équilibre des deux reportages aurait été mieux servi si le point de vue des chaînes d’alimentation avait été présenté. Toutefois, le Conseil considère que le second reportage nuançait suffisamment l’information présentée le 28 juin. Sous réserve de la remarque précédente, le grief est rejeté.
Enfin, Mme Genest dénonçait des inexactitudes contenues dans l’annonce du premier reportage, diffusé sur le site Internet de TQS. Même s’il s’agit de contenu promotionnel et que le Conseil ne traite habituellement pas de publicité, ce dernier a estimé que les deux promotions visées étaient de même nature que les manchettes qui précèdent les bulletins de nouvelles et qu’elles devraient, à ce titre, être considérées comme du contenu informatif et assujetties aux mêmes règles déontologiques. Le Conseil tient aussi à faire observer que le journaliste ne peut être tenu responsable des manchettes de l’émission, qui relèvent de la rédaction.
Le Conseil estime que l’emploi du conditionnel dans le texte diffusé sur Internet évoquait une possibilité qui est confirmée par un producteur de fraise dans le reportage. Le grief est donc rejeté.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse retient partiellement la plainte du Conseil canadien des distributeurs en alimentation contre M. Daniel Joannette et le réseau TQS, aux motifs de manque de vérification, et d’information incomplète.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C15D Manque de vérification