Plaignant
M. Richard Tremblay
Mis en cause
M. Victor Afriat, éditeur et le bimensuel Actualités Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce
Résumé de la plainte
M. Richard Tremblay porte plainte contre le bimensuel Actualités CDN-NDG à la suite d’un texte de l’éditeur, qui répliquait à une de ses lettres, publiée dans le courrier des lecteurs. Le plaignant y dénonce le fait que le journal ne lui ait pas permis d’exercer son droit de réplique. De plus, il demande à ce que le journal se donne des normes de publication en regard du courrier des lecteurs.
Griefs du plaignant
Le plaignant avait fait parvenir au bimensuel, Actualités CDN-NDG, une lettre faisant état de son incompréhension face au refus du maire de l’arrondissement, M. Michael Applebaum de procéder, lors d’une séance municipale, à une minute de silence envers une famille de Côte-des-Neiges, qui fût victime du bombardement au Liban en juillet 2006. Sa lettre fût publiée dans le « Courrier aux lecteurs », le 23 août 2006. Dans cette même édition, sous la plume de l’éditeur, M. Victor Afriat, le journal a répliqué à cette lettre en interpellant directement le plaignant et en appuyant la position de M. Applebaum dans son refus d’accorder une minute de silence pour les victimes libanaises.
à la suite de cette lettre de l’éditeur, le plaignant désirait se prévaloir de son droit de réplique. Il a donc adressé, le 30 août 2006, sa réplique au journal où il expose ses arguments mettant en cause le bien-fondé de la position de M. Afriat, position d’autant plus surprenante, ajoute-t-il que le journal en fait état sur une page commanditée par la Ville de Montréal et l’arrondissement CDN-NDG.
Le journal n’a pas publié la réplique de M. Tremblay. Il souligne que les éditions imprimées ne contiennent d’ailleurs plus de rubrique « courrier des lecteurs ». Il a donc adressé une demande au journal pour que ce dernier reconnaisse son droit de réplique. Cette demande fût envoyée le 12 septembre 2006 et serait demeurée sans réponse.
M. Tremblay souligne que si le journal a publié trois lettres en réaction au refus du maire, de consentir à une minute de silence, il apparaît clair que ce geste avait suscité une vive réaction. Il affirme que ses lettres se voulaient en faveur de la paix et de l’équité entre peuples et sociétés, mais le journal a tranché en faveur de M. Applebaum, et par la suite, il aurait évité de confronter ses arguments à ceux du public.
Selon M. Tremblay, le refus de reconnaître son droit de réplique laisse planer le doute sur la valeur de ses arguments et provoque une ambiguïté sur les intérêts de ce dernier d’une part, et d’autre part, les intérêts du public à une information éclairée ainsi qu’à un débat d’opinion.
Le plaignant conclut en demandant au journal de publier son droit de réplique et de rendre public sa politique sur la rubrique réservée aux lettres des lecteurs.
Commentaires du mis en cause
M. Victor Afriat souligne que si M. Tremblay s’était directement adressé au maire, il ne serait pas intervenu, mais puisqu’il a choisi de dénoncer l’attitude du maire de l’arrondissement dans les pages d’Actualités CDN-NDG, il pouvait s’attendre à ce que le journal prenne position. M. Afriat dit n’avoir exprimé qu’un avis contraire, soit un soutien à la décision prise par Michael Applebaum et le conseil d’arrondissement. Le mis-en-cause se réfère à un article du guide de déontologie du Conseil de presse où il est mentionné que « les médias ont le devoir de favoriser un droit de réplique pour l’une des raisons citées […] ». Or, selon lui, il « n’a ni diffamé, ni mis en cause, ni diffusé d’informations erronées ou préjudiciables envers M. Richard Tremblay ».
Selon M. Afriat, la réplique envoyée par M. Tremblay n’apportait aucun nouvel éclairage à la question en litige. Il relève les phrases suivantes de la réplique du plaignant : « Y a-t-il si peu de témoignages en faveur de Michael Applebaum que l’éditorialiste de Actualités CDN-CDN se sente obligé de venir à sa défense? » Le mis-en-cause dit ne se sentir obligé envers personne et fait remarquer que le Suburban et le Chronicle ont également appuyé la position de Michael Applebaum. Il souligne que même s’il était le seul à défendre Michael Applembaum, en quoi cela serait-il inacceptable?
Quant au questionnement du plaignant à l’effet que la lettre de l’éditeur était publiée dans une page entière de publicité dont une de l’arrondissement, M. Afriat répond que l’annonceur n’achète que l’espace publicitaire qui lui est dévolue et non la page. Il n’y voit pas de manquement à l’éthique.
à l’effet que le journal « a supprimé la publication du courrier des lecteurs afin d’éviter de se confronter aux arguments du public », M. Afriat précise que l’accusation de M. Tremblay est sans fondement et invite le Conseil à visiter leur site Internet où l’on peut retrouver les publications de 2005 et 2006, dans lesquelles on retrouve la section consacrée au courrier des lecteurs. Cette rubrique repose, toutefois, sur le nombre de lettres reçues et parfois, il n’y en a pas, conclut-il.
En terminant, M. Afriat réitère que M. Tremblay a une opinion qu’il a pu exprimer librement et que lui en a une autre, qu’il a manifestée aussi. Selon lui, le dossier est donc closSelon le plaignant, M. Afriat serait de mauvaise foi lorsqu’il prétend qu’il essaierait de faire prévaloir son opinion sur la sienne par le fait qu’il réclamerait un droit de réplique à un éditorial dans lequel, rappelle-t-il, il est interpellé directement.
Réplique du plaignant
Selon le plaignant, M. Afriat serait de mauvaise foi lorsqu’il prétend qu’il essaierait de faire prévaloir son opinion sur la sienne par le fait qu’il réclamerait un droit de réplique à un éditorial dans lequel, rappelle-t-il, il est interpellé directement.
Il rejette l’interprétation des faits que donne M. Afriat dans ses commentaires. Premièrement, selon M. Tremblay, le mis-en-cause aurait fait une lecture erronée du droit de réplique du guide Droits et responsabilités du Conseil de presse. Selon lui, l’article stipulerait que « les médias doivent s’ouvrir aux commentaires des personnes victimes d’erreurs. Une telle ouverture ne devrait pas se limiter aux seules matières de libelle et de diffamation, mais devrait, par souci de justice, d’équité et d’éthique, s’étendre à la rectification des erreurs d’autre nature que peuvent commettre les médias et les journalistes. » Or, ajoute le plaignant, M. Afriat l’a interpellé directement dans son éditorial et soulevait des points qui demandaient une mise au point. Il réitère sa demande à l’effet que son droit de réplique soit reconnu, étant donné les enjeux sociaux impliqués dans ce débat et puisqu’il est directement concerné. Le refus de M. Afriat est, selon M. Tremblay, inéquitable et sa prétention à l’effet que la reconnaissance de son droit de réplique impliquerait qu’il soit d’accord avec lui est dénuée de fondement et sans rapport à sa demande.
M. Tremblay maintient son questionnement sur le fait que le journal ait refusé de publier sa réplique. Il doute des motifs réels de ce refus. En effet, sur une question d’intérêt public, un journal pourrait errer dans ses opinions en les asservissant à ses intérêts particuliers.
M. Tremblay se défend d’avoir rapporté que « le journal avait supprimé la publication du courrier des lecteurs afin d’éviter de se confronter au public » mais aurait plutôt écrit que le journal voulait « évité de confronter ses arguments à ceux du public ». Le plaignant mentionne qu’il est difficile de savoir si le journal aurait reçu du courrier qu’il n’a pu publier. Il mentionne que lui-même a fait parvenir deux lettres qui n’ont pas été publiées. Il soutient qu’un journal doit avoir une approche active envers sa tribune d’opinion en invitant les lecteurs à y contribuer.
En conclusion, M. Tremblay souligne que sa critique portait non pas sur la personnalité des hommes politiques mais sur les actes que ces derniers posent publiquement. Sa critique se fonde sur des arguments précis et non sur son intérêt personnel. Le plaignant relève que pas une seule fois M. Afriat n’a soulevé le point central de son argumentation en faveur du droit à la liberté d’expression de M. Wissam Moussa, un droit qui aurait été nié par le maire de l’arrondissement. Le fait qu’il soulève la question de la détérioration des libertés individuelles, ne permet pas à M. Afriat de l’accuser d’être le seul à détenir la vérité.
Selon M. Tremblay, le mis-en-cause confondrait deux choses. Premièrement, son droit à la liberté d’appuyer ou non M. Applebaum, ce qu’il considère comme un choix qui n’est pas discutable et deuxièmement, les arguments sur lesquels M. Afriat se fonde pour accorder son appui au politicien sont des points questionnables et c’est ce qu’il s’est appliqué à démontrer dans cette plainte.
Analyse
Tout d’abord, le Conseil de presse tient à préciser que le public n’a pas accès de plein droit aux pages des médias écrits. Cependant, la presse a le devoir d’en favoriser l’accès à ses lecteurs.
Le plaignant s’insurge contre le fait que sa lettre publiée dans le courrier des lecteurs ait donné lieu à une réponse non justifiée de l’éditeur du journal Actualités NDG-CDN. Il reproche à ce dernier de lui avoir refusé un droit de réplique, à un texte, qui l’interpellait personnellement. M. Victor Afriat, éditeur du journal, affirme qu’il n’a exprimé qu’un avis contraire, soit un soutien à la décision prise par le conseil d’arrondissement et que la réplique de M. Tremblay n’apportait aucun nouvel éclairage au débat.
Le Conseil fait observer que, dans le cas présent, c’est de plein droit que l’éditeur a exprimé sa position contraire à celle du plaignant. Cependant, par souci de professionnalisme, le bimensuel aurait dû permettre à M. Tremblay de répondre. Les médias, faut-il le rappeler, disposent déjà d’un accès aux pages de leur journal, en plus d’un droit de réplique reconnu aux commentaires des lecteurs. Il aurait été plus équitable de permettre à quelqu’un qui a été interpellé directement, de pouvoir répliquer dans la page réservée à cet effet. Le grief est par conséquent retenu.
Au deuxième point reproché, M. Tremblay s’étonne que le texte de M. Afriat se retrouve sur une page payée par l’arrondissement Côte-des-Neiges et le gouvernement du Canada. M. Afriat répond que chaque annonceur n’achète que l’espace qui lui est dévolue et non la page.
Il appartient aux médias de déterminer l’emplacement de leur contenu informatif ou publicitaire, la déontologie est claire à ce sujet. Dans le présent cas, le texte du mis-en-cause se retrouve sur une page où la rubrique « courrier des lecteurs » est bien identifiée. En regard de la publicité, ces dernières sont aussi clairement identifiées ne laissant aucun doute sur une possible confusion entre l’information et la publicité. Il n’y a donc pas matière à retenir ce grief.
Le Conseil rappelle que les espaces destinés au courrier des lecteurs favorisent le débat démocratique et diversifient l’information. De plus, les médias étant responsables de tout ce qu’ils publient, il est important qu’ils se donnent des normes de publication de lettres ouvertes. Il serait du devoir du bimensuel Actualités CDN-NGD de se doter d’une politique claire à cet effet et qu’il la fasse connaître régulièrement au public.
Décision
Compte tenu des éléments exposés ci-haut, le Conseil de presse retient partiellement la plainte de M. Richard Tremblay, sur le motif de non-respect du droit de réplique, à l’encontre de M. Victor Afriat et du bimensuel Actualités CDN-NDG.
Analyse de la décision
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
- C05A Réplique abusive
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux