Plaignant
M. Christian Bolduc
Mis en cause
M. Patrick Lagacé, journaliste et animateur, l’émission « Les Francs-Tireurs »; Me Denis Bélisle, directeur général des affaires juridique et Télé-Québec et Zone3
Résumé de la plainte
M. Christian Bolduc porte plainte contre le journaliste et animateur M. Patrick Lagacé et la chaîne de télévision publique Télé-Québec, concernant deux épisodes de l’émission « Les Francs-tireurs », soit l’épisode 216 diffusé le 8 novembre 2006, à l’intérieur duquel le plaignant conteste un reportage intitulé « Les théories du complot », et l’épisode 222 où M. Lagacé s’entretient avec l’animateur et journaliste M. Gilles Proulx. Le plaignant dénonce particulièrement le manque d’objectivité et d’équilibre du premier reportage ainsi que l’attitude du journaliste qui serait méprisant et non objectif à l’endroit de ses invités.
Griefs du plaignant
M. Christian Bolduc dépose une plainte visant le journaliste et animateur Patrick Lagacé et l’émission « Les Francs-tireurs » diffusée sur les ondes de Télé-Québec. Ses doléances visent d’abord le reportage intitulé « Les théories du complot » diffusé le 8 novembre 2006, lors du 216e épisode. Il soutient que les informations qui y étaient alors présentées étaient inexactes et que le journaliste aurait présenté celles-ci avec malhonnêteté, mauvaise foi et qu’il ne disposait pas des compétences nécessaires pour traiter des complots et pour livrer son opinion sur le sujet. Il ajoute que M. Lagacé et ses recherchistes auraient dû s’informer davantage sur les ouvrages crédibles à propos des théories du complot, afin de maîtriser adéquatement ce sujet. Pour le plaignant, le journaliste a manqué à son devoir de mettre les faits en contexte et de permettre au public de se faire une idée globale de la situation.
Le plaignant ajoute que ce reportage était biaisé et manquait d’équilibre. Il déplore aussi que l’angle privilégié par le journaliste, soit le discrédit complet des théories « conspirationnistes », sans les expliquer, en invitant un intervenant méconnu et non qualifié, ne visait qu’à ridiculiser une thèse pourtant fort bien documentée par de nombreux spécialistes et ne permettait pas au public de se faire un éclairage multidimensionnel de la problématique des complots politiques aux états-Unis et dans le monde. M. Bolduc soutient également que les intervenants rencontrés par M. Lagacé manquaient de crédibilité et que le journaliste avait, par conséquent, manqué à son devoir d’interroger des gens crédibles sur la question.
Le plaignant dénonce également le style journalistique axé sur la controverse et la confrontation, de même que les méthodes journalistiques pratiquées par M. Lagacé. Il critique le « manque de classe et de respect » du journaliste, envers ses invités, qualifiant notamment son attitude de grossière, d’impolie, d’impertinente et son langage et vocabulaire indignes de ses fonctions invoquant, à ce propos, les deux émissions mises en cause. Ainsi, au sujet de l’épisode 222, au cours duquel M. Lagacé rencontrait l’animateur et journaliste M. Gilles Proulx, le plaignant dénonçait principalement le traitement superficiel de l’information et le comportement « grossier et impoli » de l’animateur des « Francs-tireurs », qui abuserait de familiarité avec M. Proulx. Il dénonce en outre la fin de ce second reportage, où l’on voit M. Lagacé frapper familièrement son invité à l’épaule après l’avoir traité de façon cavalière tout au long de la journée, ce qui démontrerait un comportement non professionnel.
Pour conclure, le plaignant demande à Télé-Québec de démettre M. Lagacé de ses fonctions.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Denis Bélisle, directeur général affaires juridiques, ressources humaines et services techniques, Télé-Québec :
En premier lieu, Me Bélisle rappelle que la série « Les Francs-tireurs » est délibérément provocatrice et ne constitue pas une série d’affaires publiques, mais plutôt un magazine qui provoque et suscite la controverse. Selon le représentant des mis-en-cause, le public de cette série sait à quoi s’attendre et il regrette que le plaignant puisse espérer autre chose après les nombreuses années de diffusion de cette émission. Il ajoute que M. Lagacé, dans ce cadre, n’est pas un journaliste d’enquête.
Le directeur général des affaires juridiques revient ensuite sur l’épisode 216, portant sur les « conspirationnistes ». Il évoque d’abord le cadre dans lequel s’est déroulé ce reportage, alors que l’animateur et journaliste, M. Lagacé, s’est présenté à Sherbrooke pour assister à une assemblée convoquée par M. Nenki, lequel adhère aux théories du complot, soutenant notamment la thèse selon laquelle le gouvernement états-unien est responsable du complot entourant les attentats du 11 septembre 2001.
Malgré cela, le mis-en-cause affirme que M. Lagacé n’est jamais impoli ou grossier envers M. Nenki ou avec les participants à cette assemblée et que c’est plutôt le plaignant lui-même qui dénigre les compétences intellectuelles de M. Nenki dans sa plainte. Il indique également que le journaliste et animateur donne la parole à qui veut la prendre lors des pauses de l’assemblée et ne dénigre aucun des participants. Ainsi, pour Me Bélisle, rien dans ce reportage ne déroge aux principes déontologiques devant guider les journalistes et, bien que M. Bolduc puisse ne pas aimer M. Lagacé et être irrité du fait que ce dernier ne croit pas à la théorie du complot et qu’il l’ait indiqué aux participants, cela n’enfreindrait aucune règle éthique. Il ajoute que le reportage ne cherchait pas à prouver qu’il n’y avait pas de complots ou de conspirations, mais cherchait plutôt à écouter la preuve soutenant ces théories et tentait de comprendre les arguments de ceux qui adhèrent à celles-ci.
Quant à l’épisode 222, lors duquel M. Lagacé passe une journée avec M. Gilles Proulx, le représentant de Télé-Québec raconte qu’en 2005, alors qu’il était à l’emploi du Journal de Montréal, M. Lagacé a rédigé une chronique qui attaquait vigoureusement les propos tenus par M. Proulx à l’endroit d’une jeune fille de 14 ans, violée et laissée pour morte, qu’il avait affublée de plusieurs qualificatifs disgracieux. Ainsi, en 2006, comme la poussière était retombée depuis ces événements, M. Proulx avait accepté de passer une journée avec son détracteur qui souhaitait connaître l’homme derrière l’image et les propos controversés.
En regard de ce second épisode, tout comme le précédent, Me Bélisle soutient que la plainte est non fondée, alléguant que M. Lagacé n’est ni grossier, ni impoli envers M. Proulx. Il soutient que l’on ressent même une forme d’admiration et d’empathie de la part de l’animateur et journaliste envers son invité et que tous les deux semblaient s’entendre parfaitement par moments. Le mis-en-cause croit également que M. Proulx a bien vécu cette journée et que son opinion est positive à l’endroit du journaliste et du reportage puisque, si ce dernier avait eu une opinion contraire, il l’aurait déjà exprimée publiquement.
Enfin, Me Bélisle conclut que l’analyse faite par M. Bolduc des émissions en cause est inexacte, injustifiée et teintée de mépris à l’endroit de M. Lagacé.
Commentaires de Me Julie Lachance, conseillère juridique, Zone3 :
Me Lachance avance premièrement que la plainte est manifestement non fondée, puisque la prémisse de base du plaignant à l’effet que l’émission « Les Francs-tireurs » serait une émission d’affaires publiques serait inexacte. La représentante de Zone3 soutient qu’il s’agit plutôt d’un magazine. à ce propos, elle évoque les décisions antérieures du Conseil de presse, dont la décision D2005-02-065, qui stipulaient que ce magazine de société relève du genre journalistique de la chronique et du commentaire et donc du journalisme d’opinion qui accorde une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information et dans la façon des journalistes de l’aborder et de prendre position. La conseillère juridique indique qu’en plus, Télé-Québec décrit l’émission « Les Francs-tireurs », sur son site Internet, comme un « magazine socioculturel engagé et singulièrement urbain » qui « scrute de façon critique et ludique les phénomènes frappants ou inusités, les tendances aberrantes ou drôlement établies. Deux journalistes qui raffolent de la controverse; un esprit critique vitrioleur; un refus de l’unanimisme et de la langue de bois… », afin d’éviter d’induire le public en erreur ou de ne pas le tromper sur les prétentions de l’émission.
En ce qui concerne les épisodes visés, Me Lachance soutient que M. Lagacé y est respectueux envers les personnes interrogées et leurs opinions. Elle souligne que le journaliste et animateur leur accorde toujours le temps nécessaire afin qu’ils puissent exposer leurs pensées, et ce bien que la chronique accorde en général une grande place à la personnalité des journalistes.
En regard du reportage sur « Les théories du complot » paru dans l’émission 216, la représentante de Zone3 affirme que l’angle choisi lors de cette émission était d’exposer le point de vue de certaines personnes et non de démontrer toutes les thèses appuyant ou contredisant ces théories, comme le souhaitait le plaignant. Elle ajoute que l’intention de cette émission était de ne pas hiérarchiser ou discréditer les opinions et les langages différents ou en marge de la société, mais plutôt de laisser chacun exposer ses points de vues et ses convictions. Ainsi, M. Lagacé interrogerait les divers intervenants sans user de qualificatif péjoratif, sans les ridiculiser et n’émettrait son opinion qu’au moment où on la lui demande, afin de favoriser le dialogue et l’échange. Selon Me Lachance, une pluralité de personnes présentes à la conférence ont émis leurs opinions. Le journaliste a plutôt cherché à pousser leur réflexion et à ajouter à l’information par ses interventions ainsi que par l’ajout de voix hors champ et d’incrustations.
Pour ce qui est de l’intervention d’un psychologue qui élabore sur les inclinaisons de certaines personnes à adhérer à ce type de théories à l’intérieur de ce reportage, la conseillère juridique de Zone3 indique qu’il s’agit d’un choix rédactionnel et discrétionnaire qu’elle juge justifié. Elle explique que cette intervention ne cherche pas à infirmer ou confirmer les théories présentées, mais à expliquer les mécanismes psychologiques et les hypothèses cliniques entourant les croyances en ce type de théories. Ainsi, Me Lachance persiste à croire qu’il s’agit d’un reportage qui correspond en tous points aux règles d’éthique journalistique d’usage au Québec.
Pour ce qui est de l’émission 222 où M. Lagacé tenterait de distinguer le personnage public et l’homme derrière M. Gilles Proulx et essaierait de cerner les raisons expliquant le caractère polémiste de l’homme, Me Lachance soutient que le journaliste se surprend lui-même de la courtoisie du personnage public et du caractère cordial de leurs échanges. Elle ajoute que l’émission permet de déceler un respect mutuel entre les deux hommes, indépendamment du fait que leurs opinions diffèrent. Selon elle, les réparties, et non les insultes, fusent de toutes parts et elles s’accentuent lors de l’émission radiophonique de M. Proulx, preuve de leur caractère professionnel. La représentante de Zone3 considère que l’on discerne bien, dans le cadre de l’émission « Les Francs-tireurs », que leur complicité ressurgie lors des pauses publicitaires de l’émission radiophonique, de même que dans le langage non verbal des deux intervenants. De plus, Me Lachance réplique que l’émission a donné la possibilité à M. Proulx de revenir sur l’épisode de la jeune fille ayant été violée et de mettre son opinion en contexte et même de s’excuser à nouveau.
En terminant, Me Lachance rappelle que la télévision ne peut se permettre de diffuser intégralement l’ensemble du matériel enregistré, comme le précise le journaliste à une dame qu’il interroge lors de l’émission 216, et qu’il est aussi impossible de produire des magazines qui présentent tous les angles possibles.
Réplique du plaignant
M. Bolduc exprime d’abord son insatisfaction en regard de la réplique du contentieux de Télé-Québec et de Zone3 et maintient sa position, selon laquelle les émissions mises en cause contrevenaient à l’éthique journalistique.
Il réplique, dans un premier temps, aux commentaires de Me Bélisle, déplorant que ce dernier n’ait pas répondu aux reproches et aux propos contenus dans la plainte. M. Bolduc maintient que « Les Francs-tireurs » est une émission d’information qui traite de problèmes politiques et sociaux. à ce propos, il invoque les thèmes choisis qui témoigneraient de la mission informative et non de divertissement des « Francs-tireurs ». Le plaignant réitère donc le grief de confusion des genres visant, selon lui, à attirer les cotes d’écoute et les revenus publicitaires, ce qui serait contraire au rôle de la télévision publique.
En regard du reportage de l’épisode 216, le plaignant réaffirme qu’il contrevient aux principes éthiques par son déséquilibre et le manque de crédibilité des points de vue qui y sont énoncés et qu’il ne permet pas de favoriser la compréhension du public sur la théorie des complots qui y est présentée. Il soutient également que M. Lagacé ne disposait manifestement pas des compétences politiques et historiques nécessaires au traitement d’un tel sujet.
M. Bolduc répond ensuite aux commentaires de Me Lachance représentante de Zone3, la maison de production de l’émission « Les Francs-tireurs ». Il juge que les arguments de cette dernière, selon lesquels cette émission serait un magazine et ne répondrait pas, par conséquent, aux critères éthiques d’une émission d’affaires publiques ne tient pas la route puisque les thèmes qui y sont traités, dont les théories du complot, sont d’intérêt public et donc qu’il n’y a pas de raison pour que les deux animateurs se soustraient à leurs obligations éthiques en la matière. Il rappelle à ce propos que l’animateur mis en cause est d’abord un journaliste, qui devrait répondre aux exigences professionnelles de ses fonctions. Le plaignant cite également plusieurs définitions du terme « magazine » afin d’illustrer qu’elles ne s’appliquent pas, selon lui, à la mission de l’émission « Les Francs-tireurs ». Enfin, M. Bolduc estime que ces épisodes constituent de la désinformation pure et simple et que l’émission « Les Francs-tireurs » n’était pas soustraite de se conformer aux responsabilités journalistiques.
Analyse
La plainte de M. Christian Bolduc vise le journaliste et animateur M. Patrick Lagacé et les épisodes 216 et 222 de l’émission « Les Francs-tireurs » présentée sur les ondes de Télé-Québec.
Après étude de la plainte, le Conseil constate que les griefs évoqués par le plaignant découlent principalement d’un désaccord entre les partis, en regard du genre journalistique auquel répond l’émission; le plaignant soutenant qu’il s’agit d’une émission d’information du type affaires publiques et les mis-en-cause répliquant qu’elle répond plutôt au genre de la chronique et du commentaire. Le Conseil se penchera premièrement sur ce point, également soulevé par le plaignant au chapitre de la confusion des genres.
La jurisprudence du Conseil est claire en regard du genre journalistique auquel appartient l’émission mise en cause et des règles et libertés auxquelles elle est soumise et, à l’écoute des épisodes impliqués dans la plainte, il apparaît clairement au Conseil que « Les Francs-tireurs » répondent toujours, par la forme et le traitement, au genre du journalisme d’opinion.
« Or, selon le guide de principes déontologiques du Conseil, le journalisme d’opinion auquel appartient le genre journalistique de l’émission accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire. Ce genre journalistique laisse donc une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information et il permet même aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. » (D2005-02-056)
Ainsi, tel qu’il l’a établi précédemment et qui se confirme dans les émissions visées par la présente plainte, le Conseil estime que l’émission « Les Francs-tireurs » est bien un magazine de société qui répond au genre du journalisme d’opinion. Conséquemment, en regard de ce genre journalistique, le journaliste et animateur Patrick Lagacé pouvait librement livrer son opinion et présenter l’information de façon imagée, en fonction de la latitude reconnue à ce genre journalistique, ce qui ne constitue pas une faute. Le Conseil note également que, dans la présentation de l’émission sur le site Internet de Télé-Québec, de même que dans les amorces des reportages, ce genre journalistique est clairement annoncé au public, ce qui correspond aux attentes du Conseil en la matière.
M. Bolduc dénonçait ensuite le style journalistique axé sur la controverse et la confrontation, de même que l’attitude et le comportement du journaliste envers ses invités, soutenant que ce dernier n’agit pas de façon professionnelle et empêche les intervenants de parler librement, en plus de chercher à ridiculiser le thème des complots. Le plaignant soutient également que M. Lagacé ne disposait pas des compétences nécessaires pour intervenir à propos des complots, lors de la réalisation de l’épisode 216, alors qu’il y livrait son opinion personnelle. Le plaignant conteste également l’angle de traitement emprunté par le journaliste et l’équipe de l’émission, qu’il juge partial.
Sur ce point, le Conseil rappelle d’abord que, bien que les chroniqueurs ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude de l’information, le genre journalistique de la chronique confère aux journalistes qui le pratiquent une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Ainsi, le journaliste pouvait, à sa convenance, adopter le style qui lui est propre et confronter les personnes et les idées, tout en respectant les règles d’éthique. Il pouvait également livrer son point de vue personnel sur les théories du complot, d’autant plus que ce dernier lui a été demandé.
Après écoute des émissions en cause, le Conseil estime que le journaliste cherchait à susciter la discussion en demandant à chaque participant à la conférence sur les complots leur avis personnel et en osant les confronter par l’expression d’un avis contraire, ou en répliquant à M. Proulx de la même façon que ce dernier le fait en ondes, mais qu’à toutes ces occasions M. Lagacé respecte les règles de politesse et de convenance, dans les limites reconnues par son genre journalistique.
Par ailleurs, rien ne permet au Conseil d’établir que le journaliste aurait été malhonnête dans son traitement des émissions en cause et aurait agi de mauvaise foi. De plus, dans l’épisode 216, visé par le grief, il appert clairement au Conseil que le journaliste cherche à obtenir les réactions et les opinions de divers intervenants et participants sur les sujets qu’il choisit de traiter, ce qui est conforme aux exigences éthiques en la matière.
Pour ce qui est des compétences de M. Lagacé, le plaignant n’a pas été en mesure de démontrer en quoi elles auraient été insuffisantes. De plus, le rôle du journaliste n’est pas de connaître toutes les théories sur un sujet, mais d’en comprendre suffisamment les enjeux pour poser les bonnes questions aux intervenants et rapporter adéquatement leurs propos.
Le Conseil rappelle également que la façon de présenter et d’illustrer l’information relève du jugement rédactionnel et demeure une prérogative des médias et des professionnels de l’information. Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entraves ni menaces ou représailles. Ainsi, les responsables du média pouvaient choisir l’angle de traitement de leur choix, en autant qu’ils respectaient l’éthique journalistique, notamment au niveau de l’équilibre de l’information, ce qui est le cas. Pour l’ensemble de ces considérations, le deuxième bloc de griefs exposés par le plaignant a été rejeté.
M. Bolduc soutenait ensuite que certaines informations et théories présentées dans l’épisode 216 étaient inexactes ou incomplètes et que les intervenants invités à s’exprimer au sujet des complots ne disposaient pas des qualifications nécessaires pour ce faire.
La déontologie du Conseil de presse indique que les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmettent. Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de ces sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent.
Dans le cas à l’étude, la source contestée par le plaignant, M. Nenki, est clairement identifiée dans le reportage. Bien que M. Bolduc, tout comme le journaliste et animateur à certains moments au cours de l’émission, remettent en question la crédibilité de cette source, ce dernier est une personnalité publique qui donne des conférences et qui est respecté par une partie des adeptes des théories du complot. Le public était à même de se faire sa propre idée sur cet intervenant. Le Conseil note que le reportage présente également les propos d’un psychologue et de plusieurs participants à la conférence qui présentent d’autres informations. Enfin, le plaignant ne démontre pas quelles seraient les informations inexactes qu’il déplore. Il évoque plusieurs auteurs et théories qu’il aurait souhaité voir présentés dans le reportage, ce qui ne démontre pas que les informations sélectionnées par le journaliste soient inexactes. Ce troisième bloc de griefs a donc été rejeté.
Le plaignant déplore que le contexte entourant les théories du complot, leurs croyances et les « conspirationnistes » ne soit pas présenté. Il évoque également un traitement superficiel de l’information découlant d’un manque de recherche et de rigueur.
Les journalistes doivent situer les nouvelles dans leur contexte pour permettre au public de bien les comprendre et traiter des faits et des situations de façon complète. Il appert au Conseil que le contexte autour duquel le journaliste a décidé de traiter des théories du complot a été largement décrit dans le reportage qui a également présenté certaines statistiques sur le sujet. Ce dernier bloc de griefs a donc été rejeté.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Christian Bolduc à l’encontre de M. Patrick Lagacé, journaliste et animateur de l’émission « Les Francs-tireurs » et la société Télé-Québec.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C01D Opinion sans couverture préalable
- C03B Sources d’information
- C06H Affectation des journalistes
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C13C Manque de distance critique
- C15A Manque de rigueur
- C15D Manque de vérification
- C15H Insinuations
- C20A Identification/confusion des genres