Plaignant
Mme Micheline Cabot
Mis en cause
Mme Marian Scott, journaliste; M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction et le quotidien The Gazette
Résumé de la plainte
Mme Micheline Cabot reprochait au quotidien The Gazette d’avoir accolé une photo, la représentant en robe de mariée au bras de son père, à un article paru le 18 novembre 2006. Cette photo ne serait qu’un élément sensationnaliste qui porterait atteinte à sa vie privée et qui n’ajouterait rien à l’affaire Coffin qui constitue le fond de l’article.
Griefs du plaignant
Par l’intermédiaire de l’avocat Me François Gendron, Mme Micheline Cabot portait plainte à l’encontre du quotidien The Gazette en regard d’une photo accolée à l’article « Was this man the real killer? » publié le 18 novembre 2006.
Selon Me Gendron, cette illustration serait inspirée d’un sensationnalisme de mauvais aloi et constituerait une atteinte à la réputation et à la vie privée de Mme Cabot. Selon lui, le fait que Mme Cabot soit présentée en robe de mariée avec son père, précisément l’homme qu’elle dénonce comme le meurtrier de Wilbert Coffin, n’ajouterait rien aux prétendues révélations de l’article et constituerait une faute professionnelle qu’un journaliste normalement prudent n’aurait pas commise.
Me Gendron conclut que la journaliste aurait publié la photo car Mme Cabot lui aurait refusé une entrevue.
Commentaires du mis en cause
M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction du quotidien The Gazette rejette l’allégation selon laquelle la publication de la photo représentant Mme Cabot serait une attaque à sa réputation et à sa vie privée pour les raisons suivantes :
1. Selon M. Brassard, Mme Cabot aurait donné des entrevues à d’autres organisations à la suite de l’article du 18 novembre 2006 qui confirmerait l’information rapportée dans cet article. De plus, elle aurait accordé une entrevue à la télévision nationale où elle aurait montré des photos de sa famille. Ceci invaliderait, selon le mis-en-cause l’invasion de la vie privée de Mme Cabot et sa réputation.
2. M. Brassard juge que The Gazette était justifié de rapporter les allégations de Mme Cabot contre son père et de publier la photographie à cause de la gravité de ses accusations et le fait que cela constitue une nouvelle évidence dans le dossier de Wilbert Coffin. Cette affaire est une des plus grosses controverses dans l’histoire du système judiciaire canadien.
3. Le mis-en-cause rejette l’allégation de Me Gendron selon laquelle la photo aurait été publiée parce que Mme Cabot aurait refusé une entrevue à la journaliste. De plus, il confirme que c’est le rédacteur en chef et le directeur artistique qui décident de la mise en page des photographies, selon les standards de l’éthique journalistique du journal, la journaliste n’est nullement responsable de ces choix.
Il termine en soulignant que la décision de publier l’article et la photographie a été prise sur des bases journalistiques en respect des principes éthiques.
Réplique du plaignant
Me Gendron souligne que ce n’est pas le fait d’avoir publié la photo de Mme Cabot qui est une faute professionnelle, mais le fait de publier une photo d’elle en robe de mariée, ce qui constituerait une atteinte à sa vie privée.
Selon Me Gendron, cette photo, comme toutes les photos de mariages serait un document privé qui ferait partie des archives familiales de Mme Cabot. La journaliste l’aurait obtenue d’un tiers avec qui Mme Cabot serait en mauvais terme, en l’occurrence sa fille. Mme Cabot n’aurait jamais donné son consentement à ce qu’elle soit publiée. Il précise que la photo n’ajouterait d’ailleurs rien à l’affaire Coffin et les démarches de la journaliste pour obtenir la photo et la publier sont à son avis contraires aux normes de l’éthique journalistique.
Il confirme que Mme Cabot aurait présenté des photos de sa famille à l’émission « Enjeux ». Mais cela se serait fait avec le consentement de cette dernière, contrairement à la présente plainte. De plus, ces photos ne la représentaient pas en jeune mariée au bras d’un homme qu’elle allait dénoncer plus tard comme un meurtrier.
Analyse
Le Conseil ne se prononcera pas sur les aspects légaux de ce dossier, cela relève des tribunaux. Cependant, le Conseil se penchera sur l’éthique journalistique, en regard de sa déontologie, exercée lors de la publication de la photographie.
Le guide Droits et responsabilités de la presse précise en regard de l’intérêt public : « que ce soit lors de la collecte, du traitement ou de la diffusion de l’information, les médias et les journalistes doivent se soucier d’informer réellement le public, et doivent faire les distinctions qui s’imposent entre ce qui est d’intérêt public et ce qui relève de la curiosité publique ».
Au premier grief reproché par la plaignante, cette dernière considérait que la photo juxtaposée à l’article était sensationnaliste et n’ajoutait rien aux prétendues révélations de l’article. Selon le mis-en-cause, le fait que Mme Cabot ait accordé une entrevue à la télévision où elle aurait présenté des photos de sa famille, invaliderait la prétention à l’invasion de la vie privée de cette dernière ainsi que sa réputation.
La liberté rédactionnelle autorise les professionnels de l’information à sélectionner les images qu’ils jugent le plus à propos pour illustrer l’information qu’ils transmettent. Dans le présent dossier, le Conseil considère que le texte dans son ensemble est respectueux des faits et des personnes impliquées. En conséquence et considérant que la plaignante a choisi de livrer publiquement et en toute connaissance de cause son témoignage en regard de la possible culpabilité de son père dans cet important dossier judiciaire, la publication de la photographie n’était pas sensationnaliste aux yeux du Conseil. Le grief est rejeté.
Au deuxième reproche, la plaignante dénonçait les démarches de la journaliste, qui pour obtenir la photo en cause aurait contacté sa fille avec qui elle serait en mauvais termes. Cette pratique serait à son avis contraire à l’éthique journalistique. Le mis-en-cause considère que le journal était justifié de publier la photo en regard de la gravité des accusations et le fait que cela constituait une nouvelle information dans le dossier de Wilbert Coffin.
Tel que précisé dans le guide Droits et responsabilités de la presse, les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements sans entrave, ni menace ou représailles. Toutefois, lors de la collecte d’information, les journalistes doivent bien soupeser et mettre en équilibre leur devoir d’informer et le respect des droits de la personne. C’est là une question de probité et d’intégrité professionnelles. Le public, pour sa part, a le droit d’être informé sur ce qui est d’intérêt public, et la presse a le devoir de l’en informer. à cet égard, le Conseil ne saurait accuser la journaliste d’avoir agi de mauvaise foi dans sa collecte d’information auprès de la fille de Mme Cabot. Le grief est rejeté.
Décision
En conséquence, le Conseil de presse rejette la plainte de Mme Micheline Cabot à l’encontre du quotidien The Gazette sur le grief concernant la publication d’une photographie.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C23I Violation de la propriété privée
Date de l’appel
19 February 2008
Appelant
Micheline Cabot
Décision en appel
La commission d’appel du Conseil de presse du Québec a étudié l’appel que vous avez interjeté relativement à la décision rendue par le comité des plaintes et de l’éthique de l’information dans le dossier cité en titre.
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.