Plaignant
M. Robert Barberis
Mis en cause
M. André Pratte, éditorialiste en chef; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Le plaignant, M. Robert Barberis, accuse M. André Pratte, éditorialiste en chef du quotidien La Presse, de sensationnalisme pour avoir cité des propos « outranciers » tenus par l’animateur Jeff Fillion dans un éditorial publié le 16 février 2007. Il déplore également le manque de rigueur du journaliste et le manque de respect envers Mme Marie-Chantal Toupin (non partie à cette affaire), visée par ces propos injurieux.
Griefs du plaignant
à la suite de propos tenus par M. Pierre Arcand, candidat à l’élection québécoise de mars 2007, traitant M. Mario Dumont de « Jean-Marie Le Pen du Québec », l’éditorialiste M André Pratte dénonçait dans La Presse la réaction de M. Dumont, la qualifiant d’excessive et contraire à la liberté d’expression. Il affirme que M. Dumont avait pourtant soutenu le droit à la liberté d’expression lors de la fermeture de la station radiophonique CHOI-FM. à l’appui de cet argument, M. Pratte reprend dans son éditorial des propos injurieux tenus par l’animateur de CHOI-FM, que M. Dumont défendait alors.
M. Barberis accuse d’abord M. André Pratte de sensationnalisme pour avoir reproduit le « langage ordurier » de l’animateur Jeff Fillion dans son éditorial. Il se dit « offensé et dégoûté par le rappel mot à mot de ces vulgarités ». Il ajoute à ses accusations le manque de respect dû à Mme Marie-Chantal Toupin, visée par les insultes de Jeff Fillion reprises par l’éditorialiste. La reproduction de ces propos lui apparaît « totalement inadmissible ». Pour lui, rien ne peut justifier « le fait qu’André Pratte continue de salir Marie-Chantal Toupin par personne interposée à des fins politiques ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Philippe-Denis Richard, vice-président, Affaires juridiques et secrétaire :
Le représentant des mis-en-cause rappelle d’abord quelques principes généraux sur les droits des professionnels de l’information, et plus précisément des éditorialistes : « l’éditorial témoigne du journalisme d’opinion et est une manifestation de la liberté d’expression consacrée par nos lois et institutions ». Il insiste sur la liberté de l’éditorialiste de commenter les événements ainsi que sur le principe que nul ne peut dicter à un rédacteur le contenu de son éditorial.
Concernant la plainte de M. Barberis à l’encontre de l’éditorialiste en chef de La Presse, il est affirmé que « la teneur de l’éditorial ne comprend aucun manquement à l’éthique journalistique » et que la façon de présenter et d’illustrer l’information relève du jugement rédactionnel de M. Pratte.
Selon les mis-en-cause, l’éditorial en question ne prête pas au sensationnalisme. Ils invoquent le fait que les propos outranciers de l’animateur Jeff Fillion sont connus du public, sous-entendant que M. Pratte pouvait par conséquent les réutiliser dans son éditorial.
Réplique du plaignant
Le plaignant soutient que les arguments des mis-en-cause induisent que M. Pratte peut tout écrire. Alors que pour les mis-en-cause, tous les arguments énoncés par l’éditorialiste dans son article sont fondés, le plaignant dénonce chez M. Pratte une « logique tordue et jésuitique » qui l’aurait conduit à prendre la position exprimée dans l’éditorial sur la réaction de M. Dumont.
Le plaignant réitère les griefs de sensationnalisme exprimés dans sa plainte. Il estime en effet être suffisamment bien renseigné sur le type de commentaires habituellement reprochés à M. Jeff Fillion pour ne pas avoir à lire les injures de celui-ci dans un quotidien.
Analyse
Le plaignant, M. Robert Barberis, accusait M. André Pratte, éditorialiste en chef du quotidien La Presse, de sensationnalisme pour avoir cité des propos outranciers tenus par l’animateur Jeff Fillion dans un éditorial intitulé « Du calme, M. Dumont ». La reproduction des propos de Jeff Fillion dans l’éditorial lui apparaît totalement inadmissible. Il déplorait aussi le manque de respect envers Mme Marie-Chantal Toupin, visée par ces propos injurieux.
Le sensationnalisme désigne la volonté d’induire le public en erreur en exagérant ou en interprétant de façon abusive les faits et les événements.
Parallèlement, l’éditorial appartient au journalisme d’opinion qui laisse « aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire ». Les éditorialistes ont donc la liberté de « relater les événements et de les commenter sans entrave ».
Dans le cas présent, la pertinence de l’éditorial de M. Pratte au regard de l’actualité ne peut être remise en cause. Le journaliste a soutenu son argumentation d’une manière qui peut certes être jugée discutable, en citant des propos injurieux de l’animateur Jeff Fillion, mais non dans une intention délibérée d’induire le public en erreur, les propos cités ici étant déjà connus du public. Le grief de sensationnalisme n’est pas retenu.
Le plaignant invoquait le caractère inadmissible de la citation des propos injurieux tenus par M. Jeff Fillion dans l’éditorial de La Presse ainsi que le manque de respect envers Mme Toupin que constitue la reprise de ces propos.
Le Conseil de presse constate que les propos de M. Jeff Fillion repris dans La Presse sont vulgaires et de mauvais goût. Le Conseil estime que M. Pratte avait la possibilité, de ne pas associer directement les propos en question à Mme Toupin. Il a d’ailleurs pris soin de le faire dans d’autres passages de son éditorial en associant des commentaires disgracieux tenus par l’animateur à « un citoyen ordinaire » ou à « un concurrent ». Un terme générique aurait ainsi pu être utilisé sans que cela nuise à son argumentation ou à la profondeur de son commentaire.
Le Conseil estime toutefois que la manière dont M. Pratte a présenté et argumenté son propos ne contrevient pas aux principes reconnus en matière d’éthique journalistique dans la mesure où il n’a jamais endossé les injures proférées par l’animateur Jeff Fillion. En outre, il est admis que le contenu d’un éditorial relève de la discrétion rédactionnelle du journaliste. M. Pratte avait donc la liberté d’illustrer son propos comme il l’entendait. Ainsi, compte tenu de la latitude accordée aux éditorialistes dans le traitement de leurs sujets, le Conseil ne retient pas le grief.
Décision
Pour les motifs ci-haut exprimés, le Conseil ne retient pas la plainte formulée par M. Robert Barberis contre M. André Pratte et La Presse.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15I Propos irresponsable
- C17G Atteinte à l’image
Date de l’appel
19 February 2008
Appelant
M. Robert Barberis
Décision en appel
La commission d’appel du Conseil de presse du Québec a étudié l’appel que vous avez interjeté relativement à la décision rendue par le comité des plaintes et de l’éthique de l’information dans le dossier cité en titre.
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.