Plaignant
M. Kadey Maitourama
Mis en cause
M. Eric Aussant, rédacteur en chef par intérim et le quotidien Métro
Résumé de la plainte
Le plaignant, M. Kadey Maitourama, reproche au quotidien Métro d’avoir publié une lettre de M. Abdeslam Daouzli dans la rubrique « Paroles » de son édition du 3 avril 2007. Dans sa lettre, celui-ci rapportait notamment avoir vu écrit « Mort aux Nègres » sur une affiche de la Société des transports de Montréal (STM). Le plaignant juge que la publication de ces mots dans le courrier des lecteurs du journal Métro est inacceptable, et constitue une insulte ainsi qu’une incitation à la haine raciale de la part du journal qui a choisi de publier la lettre.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M. Kadey Maitourama, reproche au journal Métro d’avoir publié une lettre de M. Abdelslam Daouzli dans laquelle celui-ci rapportait avoir vu l’inscription « Mort aux Nègres » sur une affiche de la STM. Le plaignant dénonce la « gravité des propos » et ne peut concevoir « que de tels messages soient rendus publics ». D’après lui, la publication de cette lettre a permis de diffuser anonymement des propos racistes.
Selon le plaignant, bien que la lettre de M. Abdeslam Daouzli dénonce le racisme et l’incompréhension entre communautés, rien ne prouve que l’auteur de cette lettre n’ait pas rédigé celle-ci uniquement dans l’optique de voir paraître l’expression « Mort aux Nègres » dans les pages du journal. L’auteur de la lettre publiée jouerait un double jeu, d’après le plaignant, et le journal Métro serait blâmable pour avoir relayé ce message haineux. En portant « un tel message à l’endroit du public », Métro aurait amplifié les préjugés contenus dans ces propos.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Eric Aussant, rédacteur en chef par intérim :
Le mis-en-cause affirme que la lettre de M. Daouzli, publiée dans la rubrique « Paroles » du quotidien Métro, intitulée « Pour relier les communautés », présentait un point de vue intéressant à la suite des élections de mars 2007. Cette lettre, plaidant pour une société plus unie, n’incitait pas à la haine raciale.
M. Aussant souligne que les mots qui ont choqué le plaignant, à savoir « Mort aux Nègres », étaient utilisés dans un contexte dénonçant la haine et le racisme. à l’appui de ceci, le mis-en-cause cite dans son commentaire un extrait de la lettre de M. Abdeslam Daouzli : « Je souhaite que les phrases haineuses et racistes comme le graffiti que j’ai pu voir sur un panneau de la STM […] »Mort aux Nègres » disparaissent à jamais des murs de Montréal. »
Pour tenter de répondre aux allégations du plaignant selon lesquelles le message « Mort aux Nègres » pourrait émaner de l’auteur même de la lettre, le mis-en-cause indique qu’une photographie du graffiti en question a été jointe par M. Daouzli à la missive qu’il a envoyée au journal. Le mis-en-cause affirme avoir cru à la bonne foi de M. Daouzli qui voulait dénoncer des messages haineux dans son courrier, et avoir donc sciemment décidé de publier la lettre.
Réplique du plaignant
Le plaignant considère que le mis-en-cause n’apporte aucun argument valable dans son commentaire. Le plaignant maintient que M. Daouzli a « enrobé » le message haineux « Mort aux Nègres » de propos antiracistes pour permettre sa publication. En publiant cette expression dans ses pages, le quotidien Métro l’a portée à la connaissance d’un large public et a donné « une existence durable » à ces mots. Le quotidien doit donc, selon le plaignant, assumer l’entière responsabilité du message publié.
Analyse
Le plaignant, M. Kadey Maitourama, reproche au journal Métro d’avoir publié une lettre de M. Abdeslam Daouzli dans le courrier des lecteurs de l’édition du 3 avril 2007. Cette lettre contenait les mots « Mort aux Nègres » : l’auteur de la lettre expliquait avoir vu ces mots écrits sur un panneau de la Société des transports de Montréal (STM). Il exprimait le souhait que ce genre de graffiti disparaisse définitivement des murs de la Ville.
Le plaignant considère que le journal Métro, qui a publié cette lettre, se rend par là coupable d’insultes et d’incitation à la haine raciale. Selon le plaignant, il était de la responsabilité du quotidien de ne pas publier la lettre contenant ces propos à caractère discriminatoire.
Le Conseil estime que cette lettre, dénonçant le racisme et l’effritement des liens entre communautés, ne contrevient pas au principe de respect des personnes et des groupes. Les propos en cause doivent être réinsérés dans leur contexte de diffusion. Ainsi, la lettre dont il est question ne fut pas rédigée dans le but d’attiser la haine, d’encourager la violence, ou d’attenter à l’image d’une communauté. Par conséquent, le Conseil ne retient pas le grief de discrimination à l’encontre d’un groupe.
Par ailleurs, les médias et les professionnels de l’information doivent encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue, en publiant les lettres des lecteurs, des documents, des communiqués, des opinions, des études, des sondages, des analyses.
En outre, le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes.
Le plaignant considérait que le journal aurait dû s’interdire de publier la lettre. Or, il apparaît, au vu des principes énoncés ci-dessus, que le journal Métro a satisfait aux exigences des règles déontologiques en vigueur en publiant la lettre en question. Le quotidien permet par ce biais l’accès du public aux médias et favorise ainsi le débat démocratique. De plus, la discrétion rédactionnelle des professionnels de l’information oeuvrant dans cette publication leur laissait l’entière liberté de diffuser ce courrier. Le Conseil ne retient donc pas le grief.
Finalement, le Conseil précise que le lien supposé entre le graffiti et l’auteur de la lettre n’est absolument pas démontré et que l’anonymat de ce graffiti n’a aucun impact sur la décision de publier ou non la lettre en question.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil rejette la plainte de M. Kadey Maitourama contre le journal Métro.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C18E Discrimination (citation)