Plaignant
Télé Inter-Rives Ltée; M. Pierre Harvey, directeur de CKRT-TV
Mis en cause
M. Martin Pelletier, animateur et journaliste; M. Daniel St-Pierre, directeur de l’information; l’émission « Bonjour Grand Portage » et la station radiophonique Ciel-FM
Résumé de la plainte
Télé Inter-Rives Ltée dépose une plainte contre la station Ciel-FM de Rivière-du-Loup concernant des propos tenus en ondes par le journaliste et animateur M. Martin Pelletier les 8 et 9 mars 2006, lors des bulletins de nouvelles et de l’émission « Bonjour Grand Portage ». Le plaignant considère que les remarques du journaliste, accusant un reportage présenté le 7 mars sur les ondes de CKRT-TV d’être litigieux, dans le contexte des élections provinciales, étaient inexactes, trompeuses, relevaient d’un manque de rigueur dans la collecte de l’information et attaquaient la réputation des stations CIMT-TV et CKRT-TV.
Griefs du plaignant
Télé Inter-Rives Ltée, titulaire des stations de télévision CIMT-TV et CKRT-TV, représentée par le directeur de la chaîne CKRT-TV, M. Pierre Harvey, porte plainte contre la station radiophonique Ciel-FM de Rivière-du-Loup et l’animateur et journaliste, M. Martin Pelletier, concernant des propos tenus en ondes les 8 et 9 mars 2006, lors de l’émission « Bonjour Grand Portage » et des bulletins de nouvelles. Le plaignant estime que certains des propos exprimés en ondes étaient inexacts et trompeurs, ce qui contreviendrait au guide déontologique du Conseil de presse, aux chapitres de l’exactitude, de la rigueur et de la cueillette de l’information.
Le plaignant soumet une lettre qu’il a transmise au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), dans laquelle il détaille les motifs de sa plainte.
Le reportage diffusé par les plaignants le 7 et le 8 mars 2007 portait sur l’efficacité d’un réseau de santé public-privé et comportait une entrevue avec un individu ayant été soigné en France. M. Harvey affirme qu’il n’a pas été question de la campagne électorale québécoise qui était en cours à ce moment, comme le laisseraient entendre les mis-en-cause lors des extraits radiophoniques où ils reviennent sur ledit reportage. De plus, pour le plaignant, le sujet des services de santé est pertinent et d’intérêt public, même en contexte électoral.
Le directeur de CKRT-TV conteste également l’exactitude de plusieurs des déclarations diffusées sur les ondes de Ciel-FM les 8 et 9 mars 2007, en regard des questions soulevées par le reportage et de la position du Directeur général des élections (DGE).
à ce propos, Télé Inter-Rives Ltée aurait vérifié les déclarations des mis-en-cause auprès du directeur de scrutin du comté de Rivière-du-Loup. Ce dernier aurait indiqué ne pas avoir pris connaissance du reportage de CIMT-TV, mais aurait confirmé avoir parlé avec M. Pelletier, journaliste et animateur de Ciel-FM, et l’avoir référé au DGE.
Une représentante de Télé Inter-Rives Ltée, Mme Christine Lepage, chef de pupitre, aurait alors communiqué avec le bureau du DGE et discuté avec un agent d’information, qui lui aurait affirmé n’avoir eu aucune discussion avec M. Pelletier concernant le reportage diffusé par les chaînes du réseau Télé Inter-Rives Ltée et ne pas avoir eu connaissance de ce reportage. Mme Lepage aurait ensuite communiqué directement avec le journaliste mis en cause et lui aurait demandé d’identifier la personne au bureau du DGE qui lui aurait confirmé que le reportage transgressait certains aspects de la Loi électorale. Le journaliste aurait alors répondu ne pas se souvenir de son nom. L’agent d’information du bureau du DGE aurait, par la suite, informé Mme Lepage qu’aucune des personnes affectées à ce bureau n’aurait eu de communication avec M. Pelletier, pas plus qu’elles n’auraient indiqué que le reportage présenté sur les ondes de CIMT-TV et de CKRT-TV suscitait des questions en regard de la Loi électorale. Il aurait ensuite indiqué que cette loi garantie la liberté d’expression des médias.
M. Pelletier aurait ensuite recontacté la chef de pupitre de CIMT-TV et de CKRT-TV pour l’informer qu’il avait discuté avec Mme Karine Lacoste au bureau du DGE. Cependant, il soutenait que ce ne serait pas cette dernière qui avait indiqué que le reportage était litigieux, mais plutôt le contentieux, sans fournir un nom en particulier. Mme Lepage aurait ensuite recontacté l’agent d’information qui lui aurait confirmé que Mme Lacoste venait tout juste de parler avec M. Pelletier et lui avait fait parvenir la Loi électorale qui confirmerait qu’au Québec les médias jouissent d’une liberté d’expression, mais qu’il était impossible que le journaliste ait communiqué directement avec le contentieux.
M. Harvey relate enfin que c’est lors du bulletin de nouvelles diffusé à 14 h 15 le 9 mars 2007, sur les ondes de Ciel-FM, que le journaliste Martin Pelletier mentionnait que le reportage respectait finalement « le cadre législatif de la Loi électorale », malgré les interrogations qu’il soulevait. Il indiquait également qu’il avait fallu que le DGE contre-vérifie les exceptions à la Loi électorale pour émettre cette opinion.
Les plaignants ajoutent qu’ils sont bien au fait des exigences règlementaires concernant les obligations pour tout reportage de nature électorale et soutiennent avoir respecté entièrement leurs obligations en ce sens, à l’intérieur du reportage traitant de la médecine privée et publique en France. Ils ajoutent que le statut adéquiste de l’invité n’a jamais été soulevé, ni les propositions de son parti concernant les services de santé.
M. Harvey conclut qu’en véhiculant ces informations inexactes et erronées, Ciel-FM cherchait à attaquer la bonne réputation des stations CIMT-TV et CKRT-TV.
Commentaires du mis en cause
M. Daniel St-Pierre explique que la présence d’un membre connu et militant engagé sous la bannière de l’ADQ pour décrire son expérience des soins de santé privés en France lors d’un voyage leur a semblé questionnable. Le directeur de l’information rappelle également qu’une des priorités de l’ADQ, lors de cette campagne électorale, était de privatiser une partie des soins de santé québécois, ce qui soulevait davantage de questions sur les intérêts de ce témoin qui pouvait alors vanter l’efficacité du système privé, conformément à la plateforme électorale de l’ADQ.
Pour les mis-en-cause, le questionnement concernant ce reportage reposait sur le fait qu’il ne présentait aucune information permettant de savoir que le témoin était un membre engagé de l’ADQ, ce qui risquait d’induire le public en erreur quant à la nature et à la portée des informations sur ce sujet très sensible et ce, au cŒur même de la campagne électorale.
Le directeur de l’information de Ciel-FM précise qu’il a commenté ledit reportage en ondes avant de demander au journaliste Martin Pelletier de vérifier s’il respectait les règles électorales.
Ce dernier aurait d’abord rejoint le directeur du scrutin à Rivière-du-Loup, M. Paul Beaulieu, afin de savoir s’il avait vu le reportage et si des partis politiques s’en étaient plaints. Ce dernier aurait référé le journaliste au DGE. Le mis-en-cause aurait alors téléphoné au bureau du DGE sans s’identifier. Un homme lui aurait alors répondu que le reportage de Télé Inter-Rives Ltée semblait litigieux et aurait alors souhaité le mettre en relation avec une autre personne. Après cinq minutes d’attente, le journaliste a dû quitter la ligne pour présenter ses nouvelles en direct. Il aurait alors mentionné en ondes que le reportage semblait litigieux pour le DGE.
à la suite de la diffusion de ce bulletin d’information, M. Pelletier aurait rappelé le DGE et parlé à Mme Karine Lacoste avec qui il aurait discuté du reportage de CIMT-TV et de CKRT-TV. Mme Lacoste lui aurait alors fait part d’exceptions concernant les médias dans la Loi électorale et aurait effectué plusieurs vérifications, avant de pouvoir fournir des données précises sur certaines parties de la loi, indiquant que les mis-en-cause ou le DGE ne pouvaient conclure que le reportage était litigieux.
Afin de corriger les informations diffusées précédemment, les mis-en-cause ont ensuite lu en ondes, dans les bulletins subséquents, un rectificatif stipulant que le reportage en question ne contrevenait pas à la Loi électorale. Pour les mis-en-cause, leur travail a donc été fait suivant les règles déontologiques. M. St-Pierre rappelle également que le reportage diffusé par les plaignants a engendré un grand questionnement dans la communauté louperivoise. De ce fait, il affirme qu’il était du devoir de la radio de faire état de ces observations et de les vérifier auprès du DGE. Puisque le milieu est petit et que tout le monde connaît les implications politiques de chacun, le représentant des mis-en-cause soutient qu’ils ne pouvaient faire autrement que de se questionner et de faire certaines recherches, ce qui ne relèverait aucunement d’un complot contre un compétiteur.
Réplique du plaignant
Le plaignant déplore d’abord que les commentaires de M. St-Pierre contiennent principalement des explications non vérifiables et très peu crédibles à son avis. Il ajoute qu’une station radiophonique qui se serait conformée à l’éthique journalistique aurait vérifié davantage ses informations avant de livrer ses commentaires en ondes et mentionné ses sources d’information.
M. Harvey réitère que le journaliste et animateur Martin Pelletier a manqué de rigueur et de professionnalisme dans ses recherches et ajoute que les contacts effectués auprès du bureau du DGE auraient pu être plus transparents.
Le directeur de CKRT-TV soutient enfin que le ton employé par le représentant des mis-en-cause dans ses commentaires démontre bien son manque d’objectivité lorsqu’il traite de sujets touchant les stations affiliées à Télé Inter-Rives Ltée.
Analyse
Télé Inter-Rives Ltée, représentée par le directeur de CKRT-TV, M. Pierre Harvey, déposait une plainte contre l’émission « Bonjour Grand Portage » et des bulletins d’information diffusés les 8 et 9 mars 2007, sur les ondes de Ciel-FM, mettant en cause le journaliste et animateur, M. Martin Pelletier et le directeur de l’information, M. Daniel St-Pierre. Le plaignant dénonçait certaines informations erronées diffusées sur les ondes en regard d’un reportage de CKRT-TV sur le système de santé privé. Pour le plaignant, ces allégations relevaient d’un manque de rigueur et portaient atteinte à la réputation de Télé Inter-Rives Ltée et de ses stations affiliées.
Le plaignant affirmait d’abord que le journaliste Martin Pelletier aurait manqué de rigueur au niveau de la cueillette de l’information et qu’il aurait diffusé des nouvelles non confirmées préalablement par le bureau du Directeur général des élections du Québec (DGE).
Le guide déontologique du Conseil prévoit que les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont ils doivent faire preuve représente la garantie d’une information de qualité.
Dans le présent dossier, les versions des faits diffèrent entre le plaignant et les mis-en-cause en ce qui concerne la collecte de données et les informations recueillies au bureau du DGE.
Dans ce contexte, le Conseil ne peut prendre position, puisque cela reviendrait à livrer un procès d’intention aux parties. Néanmoins, le Conseil tient à rappeler aux mis-en-cause que les médias doivent s’assurer de la rigueur et de la véracité des informations qu’ils diffusent et ne doivent en aucun temps se soustraire aux standards professionnels de l’activité journalistique sous prétexte de contraintes de temps. Le Conseil met donc en garde les responsables de Ciel-FM, considérant que l’information ne semblait pas avoir été validée officiellement. De plus, il aurait été plus convenable que le journaliste parle du litige au conditionnel, l’information n’étant pas entièrement validée. Outre cette mise en garde, le grief est rejeté.
Le deuxième grief évoqué par le représentant de Télé Inter-Rives Ltée concernait des informations erronées diffusées sur les ondes de Ciel-FM, au sujet du reportage présenté à l’antenne de CIMT-TV et CKRT-TV. Le plaignant soutenait que le reportage sur les soins de santé privés ne contrevenait pas à la Loi électorale et avait été réalisé sans intention malicieuse. Il déplorait également les interventions répétées, sur les ondes de Ciel-FM, contestant le bien-fondé de ce reportage.
Après avoir pris connaissance des extraits radiophoniques présentés par le plaignant, le Conseil a constaté que quatre de ceux-ci étaient présentés dans le cadre de l’émission « Bonjour Grand Portage » et deux l’étaient dans le cadre des bulletins d’information.
Il appert clairement que les extraits diffusés lors de l’émission répondent au genre du journalisme d’opinion. C’est dans ce contexte que l’animateur exprimait son désaccord avec le reportage. Or, ce genre journalistique accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent. En conséquence, le Conseil estime que l’animateur a livré son point de vue tout en demeurant respectueux envers la chaîne CKRT-TV et ses artisans, conformément à la latitude permise par la déontologie journalistique. Le grief est donc rejeté.
Les deux derniers extraits déposés en preuve par les plaignants concernent des bulletins d’information présentés par le journaliste M. Pelletier. Après analyse de ces extraits, le Conseil conclut que ce dernier y livre d’abord une information erronée en affirmant que le reportage diffusé à la télévision CKRT et CIMT, est déclaré litigieux par le DGE. Toutefois, lors du dernier extrait soumis par le plaignant, le journaliste mentionne que ce même reportage respecte en fait le cadre législatif de la Loi électorale. Le second bulletin de nouvelles constituait donc un rectificatif au premier.
Le Conseil estime que, dans son correctif, le journaliste aurait dû revenir sur l’ensemble du dossier. Si la précision rétablissait le fait que le reportage du plaignant ne contrevenait pas à la Loi électorale, elle ne contenait aucune référence au fait que jamais le DGE n’a fait d’enquête sur ce dossier. Le correctif, bien que fait avec célérité par les mis-en-cause, était donc incomplet.
Décision
Au terme de ces observations, le Conseil de presse retient partiellement la plainte de Télé Inter-Rives Ltée contre l’animateur et journaliste M. Martin Pelletier et la station radiophonique Ciel-FM.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C15A Manque de rigueur
- C15D Manque de vérification
- C15H Insinuations
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image