Plaignant
M. Joël Vallières
Mis en cause
M. Félix Tremblay, journaliste; M. Pierre Sirois, directeur de l’information; l’émission « Le TVA 18 heures » et la station CFCM-TVA Québec
Résumé de la plainte
M. Joël Vallières porte plainte à l’encontre du journaliste Félix Tremblay, en regard d’un reportage diffusé sur CFCM-TVA Québec, dans le cadre de l’émission « Le TVA 18 heures », le 23 mars 2007. Il reproche au journaliste d’avoir présenté, à 48 heures des élections québécoises, un reportage dont la chute était partiale et manquait de rigueur.
Griefs du plaignant
M. Joël Vallières porte plainte à l’encontre du journaliste M. Félix Tremblay pour un reportage, diffusé sur CFCM-TVA Québec, dans le cadre du bulletin de nouvelles du « TVA 18 heures », le 23 mars 2007, qui, selon lui, « se serait terminé sur une note fort curieuse ». Ce reportage portait sur une déclaration du Directeur général des élections au Québec (DGEQ), concernant la possibilité d’aller voter sans dévoiler son visage. M. Vallières reproche au journaliste d’avoir présenté un reportage avec un cadrage valorisant une pancarte d’un candidat de l’Action Démocratique du Québec (ADQ), alors que le reportage n’avait pour objet ni ledit parti, ni ledit candidat.
Le plaignant soutient que le sujet principal du reportage n’avait aucun lien avec la campagne électorale en cours. M. Vallières explique avoir discuté avec un journaliste de TVA, qui lui aurait souligné que l’ensemble des reportages, diffusés durant une campagne électorale, doivent être considérés lorsqu’il est question de partialité. N’étant pas satisfait de cette réponse, M. Vallières prend contact avec le directeur de l’information, M. Pierre Sirois. Ce dernier lui aurait dit qu’il examinerait le sérieux de la plainte et agirait en conséquence. Il aurait finalement conclu qu’aucune erreur n’avait été relevée dans le reportage.
M. Vallières explique les motifs de sa plainte :
1. Le reportage de M. Félix Tremblay concernait la décision du DGEQ et non un parti particulier, soit l’ADQ, en l’occurrence.
2. Les propos tenus par le journaliste au moment du cadrage de l’affiche de l’ADQ sont les suivants : « […] La modification du DGE à la Loi électorale est comme les affiches partisanes, elle n’est bonne que pour une seule élection, ce qui signifie […] ». Or, selon le plaignant, compte tenu du propos général véhiculé dans ce reportage, cette comparaison introduite à cet endroit était maladroite. D’une part, elle ne cadrait en rien avec le reportage et semblait donc être un prétexte à l’image qui l’appui. D’autre part, le DGE étant un organisme non partisan, il était plutôt incorrect de l’associer d’une manière ou d’une autre à un parti politique.
3. Selon M. Vallières, la présentation de l’affiche électorale aurait été volontaire puisque le déplacement de quelques centimètres aurait fait en sorte qu’elle n’aurait pas été cadrée.
4. L’image cadrée serait, par ailleurs, techniquement mise en valeur puisqu’elle résulterait d’un zoom avant, lequel engageait le téléspectateur à fixer davantage son attention sur les éléments visuels à l’écran.
5. Compte tenu du point 3, la présence du journaliste aux côtés de la pancarte accréditait ou rehaussait la valeur de cet élément visuel.
6. Le fait que la scène se déroulait devant les bureaux de la station aurait permis, selon M. Vallières, de contrôler les éléments fixes présentés à l’écran, et donc aussi le champ visuel.
7. En tenant compte des éléments ci-haut mentionnés, le plaignant estime fondamental de considérer le moment de la diffusion du reportage en question, soit au dernier bulletin de nouvelles, 48 heures avant le jour de l’élection. Selon lui, l’élection prochaine aurait dû rehausser le niveau de rigueur du travail de couverture électorale des médias de toute sorte puisque leur impact peut être très grand. Bien qu’il dit comprendre qu’une couverture de campagne électorale ne se résume pas aux seuls derniers jours, et dit ne pas prétendre un travail biaisé par ledit journaliste ou tout autre, il serait cependant faux de prétendre que les informations diffusées dans les derniers jours aient le même impact que celles diffusées aux premiers jours d’une campagne électorale.
8. Finalement, selon M. Vallières, les paroles du journaliste avec l’image à l’appui et en considérant le moment où le reportage a été diffusé et les lieux de ce dernier, il y aurait, selon lui, une invitation tacite, ne serait-ce que pour une seule élection, à voter pour l’ADQ.
M. Vallières termine en insistant sur l’importance de rehausser le niveau de rigueur dans le traitement des informations télédiffusées, particulièrement en campagne électorale. Il souligne s’attendre à un niveau élevé de qualité de l’information de la part d’un réseau qui diffuse le débat des chefs. Il souhaite que la pensée éditoriale ne soit pas mise de l’avant au moment de la diffusion des informations.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Véronique Dubois, conseillère juridique principale, Groupe TVA :
Par l’entremise de Me Véronique Dubois, les mis-en-cause sont d’avis que la plainte est non fondée et ce, pour les motifs suivants. Le reportage en question portait sur la décision du DGE de modifier la Loi électorale afin d’interdire aux électeurs d’aller voter sans dévoiler leur visage.
Premièrement, Me Dubois dit noter que lorsque M. Vallières a visionné à nouveau le reportage, ses impressions étaient « beaucoup moins vives ». Comme le souligne le plaignant, le reportage ne traitait aucunement de l’ADQ, ni d’ailleurs de quelque parti que ce soit, mais bien uniquement de la décision du DGE. D’ailleurs, mentionne-t-elle, le journaliste se référait en tout temps durant le reportage, de façon générale, soit aux « chefs des partis politiques » ou aux « chefs des grands partis », sans en nommer un en particulier. Le reportage diffusait aussi des extraits de points de presse de deux candidats, MM. Mario Dumont et André Boisclair, en réaction à la décision du DGE. Ce faisant, le journaliste a respecté les principes d’équité et d’impartialité, souligne Me Dubois.
La représentante des mis-en-cause mentionne que lorsque le journaliste conclut son reportage par les mots suivants : « La modification du DGE à la Loi électorale est comme les affiches partisanes, elle n’est bonne que pour une seule élection », il est alors devant une affiche de l’ADQ, laquelle illustrait simplement ses propos sur le caractère éphémère de la décision du DGE, et par analogie, celle des pancartes électorales. Ainsi, souligne-t-elle, il s’agissait d’une affiche électorale, rien de plus et il n’y avait aucune invitation tacite, implicite, subliminale, quelle qu’elle soit visant à inviter les téléspectateurs à appuyer l’ADQ. Elle ajoute que dans le cadre d’une campagne électorale, il est très fréquent que des prises de vue, avec en arrière-plan une affiche électorale, soient mises en ondes.
Elle termine en rappelant que le reportage de M. Félix Tremblay était intègre et qu’il n’était aucunement déséquilibré ou partisan. Elle conclut qu’il serait futile de tenter d’isoler l’image d’une seule pancarte, dans un reportage donné, pour en tirer des conclusions mal fondées.
Réplique du plaignant
M. Vallières ne partage pas l’analyse de Me Dubois de l’image de la pancarte qui ne serait selon elle : « […] qu’une affiche électorale, rien de plus ». Selon M. Vallières, Me Dubois aurait omis dans ses commentaires de répondre aux aspects techniques de mise en valeur des éléments télévisuels. De plus, la représentante des mis-en-cause aurait négligé la portée éthique des éléments de sa plainte – manque de rigueur en campagne électorale, relation douteuse de l’image (pancarte électorale) avec le sujet traité (DEGQ, organisme légal non partisan). Selon M. Vallières, en ne prenant pas en compte les éléments ci-haut décrits, Me Dubois atténue la « curieuse impression » qu’il avait ressenti à l’écoute du reportage qu’il avait perçu « comme une invitation tacite » à voter pour l’ADQ.
Le plaignant estime que Me Dubois se fourvoie quant à l’appréciation de sa plainte, lorsqu’elle atténue les impressions qu’il aurait eu à la première écoute du reportage. Il précise que la vigueur d’une émotion ou son intensité s’altère avec le temps, et c’est pourquoi il mentionnait qu’après avoir visionné à plusieurs reprises le reportage, « […] les impressions que j’ai eues alors sont nettement moins vives ». Cependant, le fait de revoir le reportage lui a permis de comprendre pourquoi il avait été initialement si remué et d’intellectualiser les éléments du reportage à l’origine de ces impressions premières.
Bien que Me Dubois rappelle le contenu du reportage, elle ne fait pas mention de la comparaison introduite par le journaliste à la fin du reportage et les images qui l’accompagnent alors, dont la pancarte du candidat de l’ADQ. M. Vallières précise que le reste du reportage n’est pas l’objet de sa plainte, bien au contraire. C’est précisément le relâchement de cette rigueur journalistique, à l’endroit précis où est introduite la comparaison de la décision du DGEQ avec les affiches et images servant à appuyer cette phrase, qui l’a interpellé.
Enfin, souligne-t-il, Me Dubois esquive la teneur de sa plainte par des propos généraux, lesquels, rappelle-t-il, ne sont pas en cause dans la présente plainte. Il répète que n’eut été de la comparaison et de l’image qui l’appuie, le reportage de Félix Tremblay était de bonne qualité, mais tient à préciser qu’un reportage est un tout.
Analyse
Le grief invoqué par M. Joël Vallières concerne un reportage diffusé sur CFCM-TVA Québec, le 23 mars 2007. Ce dernier portait sur la décision du Directeur général des élections (DGE) d’interdire aux électeurs d’aller voter sans dévoiler leur visage. Selon le plaignant, la chute de ce reportage s’avérait partiale et manquait de rigueur, ce qui aurait pu influencer indûment le résultat du vote aux élections québécoises du 26 mars 2007.
Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. Ils doivent aussi faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risqueraient ainsi de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise.
Le Conseil s’est penché sur le contexte entourant le reportage en cause, pour déterminer s’il pouvait relever une tentative de manipulation de l’information de la part du média. Après analyse des éléments soumis à son attention, le Conseil conclut que l’information rapportée était d’intérêt public et qu’elle était bien située dans le contexte électoral et que ce serait faire un procès d’intention à la station que de les accuser de manipulation. Le Conseil ne souscrit pas au jugement du plaignant selon lequel les images choisies et leur traitement auraient favorisé un vote pour l’ADQ et le visionnement du reportage n’a pas confirmé cette affirmation. Le grief est par conséquent rejeté.
Décision
Au regard des éléments ci-haut mentionnés, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Joël Vallières à l’encontre du journaliste, M. Félix Tremblay et de la station CFCM-TVA Québec.
Analyse de la décision
- C13A Partialité
- C15A Manque de rigueur