Plaignant
M. John Woolfrey
Mis en cause
M. Andrew Phillips, rédacteur en chef; M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction et le quotidien The Gazette
Résumé de la plainte
Le plaignant, M. John Woolfrey, reproche l’utilisation de l’expression « manly meat market » pour désigner le bar Le Stud, dans un éditorial intitulé « Le Stud mustn’t bar women », paru dans le quotidien The Gazette, le 1er juin 2007. Le plaignant accuse le journal d’avoir publié de fausses affirmations, découlant de l’utilisation de cette expression par l’éditorialiste, dans une intention d’entretenir des préjugés à l’égard des homosexuels.
Griefs du plaignant
L’éditorial en cause fait suite à une controverse impliquant le bar montréalais Le Stud. En mai 2007, Mme Audrey Vachon se rendait dans ce bar, accompagnée de son père; elle fut sommée de quitter l’endroit, un employé affirmant que les femmes n’y étaient pas admises. Mme Vachon a porté plainte contre l’établissement Le Stud auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec à la suite de cette affaire.
Le plaignant conteste l’utilisation dans l’éditorial de l’expression « manly meat market » pour désigner le bar Le Stud. Selon lui, cet établissement n’a jamais fait sa promotion par ces mots, contrairement à ce qui serait affirmé par l’éditorialiste. En outre, cette expression ne figurant pas à l’extérieur du bar, les clients, dont Mme Vachon, ne peuvent connaître la nature de l’endroit, explique le plaignant. Dans ce cas, l’affirmation contenue dans l’éditorial selon laquelle « the nature of the place is pretty evident » serait fausse.
Le plaignant s’interroge par ailleurs sur l’utilisation d’une telle expression ainsi que sur les intentions du journal, car les affirmations contenues dans l’éditorial pourraient selon lui inciter à des comportements haineux à l’égard des homosexuels.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Andrew Phillips, rédacteur en chef :
M. Andrew Phillips explique en amorce de son commentaire que les mots « manly meat market » n’ont pas été inventés par l’éditorialiste du quotidien The Gazette, contrairement à ce que laisserait entendre le plaignant. Le mis-en-cause explique que l’établissement Le Stud emploie ces mots dans sa propre annonce dans les Pages Jaunes en ligne, figurant sur le site Montrealplus.ca. Ces mots furent également utilisés dans plusieurs articles rédigés à la suite de la controverse impliquant l’établissement Le Stud et Mme Audrey Vachon. M. Phillips cite notamment les sites Internet CTV.ca et LifeSiteNews.ca sur lesquels furent publiés de tels reportages, pour justifier ses dires. Il joint par ailleurs des copies de ces articles en annexe de son commentaire.
Le mis-en-cause indique ensuite que, l’expression « manly meat market » étant utilisée par l’établissement Le Stud lui-même pour faire sa promotion, l’éditorialiste n’a donc pas livré une fausse information en écrivant au sujet du bar : « promoted as a truly « manly meat market » ». Selon M. Phillips, l’auteur de l’éditorial n’aurait pas utilisé cette expression pour décrire le bar avec quelque mauvaise intention que ce soit.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique, le plaignant souligne que l’expression « manly meat market » n’apparaît pas à l’extérieur du bar Le Stud, contrairement à ce que semblerait suggérer l’éditorialiste dans la phrase « With that name, in the heart of Montreal’s Gay Village, and promoted as a truly « manly meat market », the nature of the place is pretty evident. » Selon le plaignant, l’intention de l’auteur était de faire croire que la mention en question était visible aux clients du bar.
Le plaignant affirme que l’éditorialiste aurait plutôt dû utiliser les termes « leather bar » pour désigner Le Stud, ce qui serait l’expression consacrée pour définir « un bar de ce genre ». Selon lui, The Gazette a choisi de publier « manly meat market » pour « provoquer ceux qui trouvent répugnant la vie des hommes gais ».
Analyse
M. John Woolfrey portait plainte contre le quotidien The Gazette au sujet d’un éditorial paru le 1er juin 2007. M. Woolfrey formulait des griefs ayant trait au manque d’exactitude de l’information ainsi qu’au manque de respect dû aux groupes sociaux.
Le premier grief portait sur des manquements en regard de l’exactitude de l’information. L’éditorialiste a, selon le plaignant, utilisé une expression non appropriée, « manly meat market », pour désigner le bar montréalais Le Stud, situé dans le Village gay. Pour le plaignant, l’expression apparaît impropre dans la mesure où Le Stud n’aurait jamais fait sa promotion sous ce qualificatif. Cette inexactitude en engendrerait une autre, d’après le plaignant : contrairement à ce que laisserait entendre l’éditorialiste, la nature de l’établissement n’est dans ce cas pas du tout évidente pour ses clients potentiels.
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements.
Le Conseil de presse estime que les informations apportées dans l’éditorial sont exactes, dans la mesure où le bar Le Stud fait lui-même sa promotion par l’expression « a manly meat market » sur Internet. Il n’était donc pas inexact d’écrire, au sujet de cet établissement, « promoted as a truly « manly meat market » ». De même, l’éditorialiste n’indique pas que ces termes figurent à l’extérieur du bar et qu’ils sont visibles aux clients. Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle la nature du bar est tout à fait évidente (« the nature of the place is pretty evident »), cette opinion peut se justifier au vu des informations qui précédaient dans l’éditorial. Le Conseil tient à rappeler à ce stade que les éditorialistes et commentateurs disposent d’une grande latitude pour exprimer leurs opinions, pourvu qu’ils soient fidèles aux faits. Les griefs pour manquements en regard de l’exactitude de l’information sont rejetés.
Le plaignant formulait un deuxième grief, pour manquement en regard du respect des groupes sociaux. Par l’utilisation de l’expression « manly meat market », l’éditorialiste entretiendrait des stéréotypes concernant les homosexuels et inciterait à « la haine » à l’encontre de cette communauté.
L’utilisation de l’expression « manly meat market » visait ici à définir l’établissement Le Stud, conformément à la façon dont celui-ci fait sa promotion sur Internet. Cette mention peut donc être jugée pertinente, et ne semble pas appeler à la haine ou au mépris à l’égard des homosexuels.
L’accusation d’incitation à la haine envers la communauté homosexuelle relève d’un avis personnel du plaignant et n’est pas démontrée. Le grief ayant trait à un manquement en regard du respect des groupes sociaux est rejeté.
Décision
Pour l’ensemble des motifs précédemment exposés, le Conseil de presse rejette la plainte de M. John Woolfrey contre le quotidien The Gazette.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11H Terme/expression impropre
- C18C Préjugés/stéréotypes