Plaignant
M. Giovanni (Wolfmann) Bruno
Mis en cause
M. Serge Chapleau, caricaturiste; M. André Pratte, éditorialiste en chef; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Giovanni (Wolfmann) Bruno porte plainte contre M. Serge Chapleau pour manquements déontologiques en regard de comportements discriminatoires ou racistes dont l’antisémitisme, en regard d’un sujet d’actualité, soit la rencontre de M. Mario Dumont avec des représentants de la communauté juive, dans une caricature publiée le 18 juin 2007, sous le titre « Mario Dumont courtisé par la communauté juive ». De plus, le plaignant accuse M. André Pratte d’énoncer des « faussetés et des demi-vérités » dans sa réponse au communiqué émis par le B’nai Brith Canada.
Griefs du plaignant
M. Giovanni (Wolfmann) Bruno dénonce la caricature de M. Serge Chapleau, pour manquements déontologiques et comportements discriminatoires ou racistes dont l’antisémitisme, dans une caricature parue dans l’édition du 18 juin 2007, représentant M. Mario Dumont dépeint en un juif hassidique. Ainsi, le caricaturiste associerait la communauté juive à un juif hassidique représenté avec « des traits défavorables, négatifs, ridicules ».
De plus, le plaignant accuse M. André Pratte d’énoncer des « faussetés et des demi-vérités » dans sa réponse au communiqué émis par le B’nai Brith Canada, à la suite de la publication de la caricature. M. Bruno rejette l’argument de M. Pratte à l’effet que la caricature ne viserait pas la communauté juive mais Mario Dumont. Or, de son point de vue, M. Dumont et la communauté juive seraient visés par la caricature.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Philippe-Denis Richard, vice-président, Affaires juridiques, Gesca :
Me Philippe-Denis Richard rejette l’allégation du plaignant selon laquelle M. Serge Chapleau, par sa caricature, aurait agi de façon discriminatoire et antisémite à l’égard de la communauté juive et de la communauté hassidim.
Le représentant des mis-en-cause rappelle que le Conseil de presse a reconnu dans de nombreuses décisions que « la caricature est un genre journalistique qui confère à ses auteurs une grande latitude » et qu’elle « constitue un véhicule d’opinions au même titre que l’éditorial », et que la fonction d’un caricaturiste « est d’illustrer ou de présenter de façon satirique ou humoristique, un trait, un personnage, un fait ou un événement. Elle s’inscrit dans un contexte d’actualités qui s’harmonisent avec les événements ».
En vertu de ces principes, Me Richard conclut que le caricaturiste était en droit d’utiliser la satire pour décrire l’action de M. Mario Dumont qui rendait visite à la communauté juive de Montréal et qu’il faut traiter cette caricature en tenant compte des valeurs culturelles québécoises et canadiennes et du seuil de tolérance propre à la société nord-amÉricaine. Il estime donc que M. Chapleau n’a pas manqué de respect face à la communauté juive ou à la communauté hassidim, ni n’a entretenu de préjugés à leur égard. D’ailleurs souligne-t-il, rien ne démontre le contraire dans la plainte de M. Bruno. En somme, selon Me Richard la caricature laissait entendre que M. Dumont était prêt à se prêter à toute rencontre pour arriver à ses fins.
Selon lui, un comportement discriminatoire dérogerait aux rapports civilisés entre individus. Il attaquerait la dignité d’une personne ou d’un groupe : il s’accompagnerait d’une exclusion et d’une blessure dans sa dignité. Dans le présent cas, il rappelle que la caricature portait sur un événement d’intérêt public, soit la rencontre de M. Dumont et de la communauté juive, dans un but de rechercher des appuis; exprimait la perception que M. Chapleau tire de ses observations sur un sujet d’actualité; ciblait M. Dumont comme personnage central avec le caveat que sa prochaine rencontre serait avec les cyclistes nus du Plateau; ne comportait aucun élément dérogeant aux rapports civilisés entre individus, n’était pas irrévérencieuse, ni ne soulevait des sentiments défavorables et de ce fait ne portait atteinte ni à la dignité, ni à l’honneur de la communauté juive ou hassidique, mais traduisait en image un choix politique de M. Dumont, à un moment où le gouvernement en poste présentait son budget à l’Assemblée nationale.
En outre, M. André Pratte, en répliquant au communiqué émis par le B’nai Brith Canada qui dénonçait la publication de la caricature, aurait réagi comme il était en droit de le faire. Selon Me Richard, rien dans la réplique n’enfreint les règles déontologiques, d’autant que l’opinion de M. Pratte était d’intérêt public.
Enfin, le représentant des mis-en-cause souligne qu’il convient d’éviter le standard de ses propres goûts pour bâillonner tout commentateur puisque ce serait là marquer la fin de la critique honnête dans notre société.
Réplique du plaignant
De l’avis de M. Giovanni Bruno, cette caricature découlerait d’une manchette que La Presse a publiée le 14 juin 2007. Il mentionne que l’article rapportait les rencontres de M. Dumont avec diverses communautés, alors se demande-t-il, pourquoi M. Chapleau n’a pas choisi de caricaturer un autre groupe. Il en vient à la conclusion, qu’il était plus facile de prendre la communauté juive comme cible.
Le plaignant reconnaît le talent de M. Chapleau, mais soutient qu’il n’en est pas moins soumis aux règles déontologiques du Conseil de presse. Il ajoute que l’histoire passée ou récente démontre que les gens hostiles aux juifs ou à des groupes de juifs ont souvent utilisé des caricatures pour propager leur antisémitisme. Il est d’avis que la caricature est une arme ou un outil qui doit être utilisée sans discrimination, sans mépris, sans haine mais aussi sans préjugés.
M. Bruno précise que sa plainte dénonçait aussi l’utilisation globale du terme de la « communauté juive » représentée ici par la « communauté hassidique » qui, dit-il, ne représente pas tous les juifs, mais plutôt un groupe minoritaire.
En terminant, le plaignant dit douter de la sincérité de M. Pratte qui dans son discours nierait l’antisémitisme. Car, La Presse publierait des lettres antisémites ou à connotation antisémite, dans le « courrier des lecteurs ». Il conclut en déplorant l’attitude d’un des collaborateurs du journal, M. Pierre Foglia qui invitait les lecteurs à porter plainte contre le B’nai Brith pour incitation à l’imbécillité.
Analyse
Le Conseil tient tout d’abord à rappeler que la caricature est un mode d’expression très particulier qui exige une grande économie de traits et de mots et présente un personnage ou un événement de façon satirique ou humoristique. Elle demande généralement une lecture qui ne s’arrête pas au premier niveau.
M. Giovanni Bruno reprochait à M. Serge Chapleau un comportement discriminatoire et raciste, dont l’antisémitisme, en regard d’une caricature publiée le 18 juin 2007. Le plaignant y dénonçait l’association de la communauté juive à la communauté hassidique, qu’il a représenté par M. Dumont avec des « traits défavorables, négatifs et ridicules ». De plus, selon le plaignant les hassidiques ne représentent pas toute la communauté mais constitue un groupe minoritaire. De l’avis des mis-en-cause, la caricature présentait M. Mario Dumont comme personnage central. Ils affirment que cette caricature ne portait pas atteinte à la dignité, ni à l’honneur de la communauté juive ou hassidique, mais traduisait plutôt en image un choix politique de M. Dumont.
Bien que la caricature ait pu choquer le plaignant, celle-ci ne contrevenait pas pour autant à la déontologie et M. Bruno n’a pas démontré en quoi cette caricature serait antisémite. Au regard de ces principes déontologiques, M. Chapleau pouvait donc exprimer son opinion sur un sujet d’intérêt public par le biais d’une caricature satirique. De plus, la caricature de La Presse n’était pas hors contexte, compte tenu des événements qui se déroulaient alors en politique québécoise. Le grief est rejeté.
Au deuxième reproche, le plaignant déplorait que M. Chapleau n’ait pas ciblé un autre groupe de citoyens, alors que l’article auquel la caricature référait ne ciblait pas que la communauté juive. Il expose que malheureusement l’histoire passée et récente démontre que les gens hostiles aux juifs ont souvent utilisé des caricatures pour propager leur antisémitisme. Le Conseil ne saurait trop répéter que le choix de traiter d’un sujet et le genre journalistique choisi pour le faire, relève de la discrétion du média et nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information. Le grief est rejeté.
Au troisième reproche, M. Bruno dénonçait l’argument avancé dans la réponse de M. André Pratte au communiqué émis par le B’nai Brith Canada, à l’effet que la caricature ne viserait pas la communauté juive mais bien Mario Dumont. Le plaignant estime que ce sont à la fois M. Dumont et la communauté juive qui sont visés par la caricature.
Le B’nai Brith a eu l’occasion de s’exprimer dans les pages de La Presse à la suite de la publication de la caricature de M. Chapleau et, tel que reconnu par le guide déontologique du Conseil, M. Pratte pouvait répliquer à cette lettre. De plus, le Conseil n’a constaté aucune entorse déontologique dans le contenu de cette réplique. Le grief est rejeté.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Giovanni (Wolfmann) Bruno à l’encontre du caricaturiste M. Serge Chapleau, de l’éditorialiste en chef, M. André Pratte et du quotidien La Presse.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18D Discrimination