Plaignant
M. René Plante
Mis en cause
M. Guy Gilbert Sr, éditeur; M. Bernard Blanchard, rédacteur en chef et l’hebdomadaire L’Œil Régional
Résumé de la plainte
M. René Plante porte plainte contre M. Guy Gilbert Sr, éditeur, et l’hebdomadaire L’Œil Régional, au sujet d’un éditorial paru dans l’édition du 30 juin 2007. M. Plante formule des griefs pour manque de rigueur, d’impartialité et de pondération de l’information, ainsi que pour des manquements en regard du droit de réplique des journalistes comme du droit de réponse du public.
Griefs du plaignant
Dans un éditorial daté du 30 juin 2007, publié dans L’Œil Régional et intitulé « J’ai honte », M. Guy Gilbert Sr, éditeur de l’hebdomadaire, exprime son indignation quant au comportement de certains députés du Parti Québécois qui avaient refusé de se lever pour saluer des soldats du Royal 22ème régiment des Forces armées canadiennes reçus à l’Assemblée nationale du Québec quelques jours auparavant.
Le plaignant, M. René Plante, estime en premier lieu que M. Guy Gilbert Sr emploie des « mots exagérés » dans son éditorial et fait en cela de « l’enflure littéraire » en se disant « ulcéré » et en qualifiant le comportement de certains députés du Parti Québécois comme étant d’une « bassesse innommable ». L’éditorialiste manquerait également d’objectivité en écrivant avoir eu d’autant plus honte de l’attitude de certains députés du Parti Québécois, qu’il a fait partie du Royal 22ème régiment des Forces armées canadiennes. Il aurait manqué de rigueur dans ses propos en insinuant que les députés en question s’en sont pris « personnellement » aux soldats présents à l’Assemblée.
Le plaignant indique également que l’auteur fait preuve de partialité en regard de la mise au point effectuée par un député du Parti Québécois dans l’édition ultérieure de L’Œil Régional, et ce, en refusant de reconnaître avoir mis en doute la capacité d’un gouvernement québécois indépendantiste à protéger les frontières nationales.
Le plaignant réprouve en outre le fait que M. Gilbert Sr utilise sa position d’éditeur pour répondre immédiatement sous la mise au point du député dans les pages du journal, ce qui ne laisserait pas le temps au lecteur de juger de la validité du point de vue de ce dernier. Ces agissements constitueraient un « abus de pouvoir » : il en va de même concernant l’absence de droit de réponse des lecteurs, les lettres de ceux-ci n’ayant pas été publiées dans l’hebdomadaire.
Le plaignant souligne ainsi que le principal motif de sa plainte a trait à l’absence de droit de réponse du public, ce qui est pour lui inacceptable. L’hebdomadaire n’a pas, selon lui, à motiver ce défaut de droit de réponse par le manque d’espace, selon les explications qui lui ont été fournies par la rédaction.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de MM. Guy Gilbert Sr, éditeur, et Bernard Blanchard, rédacteur en chef :
Les mis-en-cause rappellent tout d’abord que le texte, faisant l’objet de la plainte de M. Plante, est un éditorial publié dans une rubrique intitulée « Opinions ». Ainsi, l’éditeur ne peut être taxé de manque d’objectivité ou de partialité dans l’un de ses textes d’humeur répondant au genre du journalisme d’opinion. De plus, les mis-en-cause estiment que si M. Gilbert Sr utilise un ton tranché, « il ne fait d’aucune façon dans la provocation ou l’intolérance ».
En ce qui concerne le droit de réponse du public, les mis-en-cause indiquent que L’Œil Régional « se fait un devoir de publier chaque semaine des lettres de ses lecteurs ». Les réactions que peuvent susciter les opinions de l’éditeur ou du rédacteur en chef sont ainsi publiées dans cette rubrique dans la mesure du possible. Le rédacteur en chef, M. Blanchard, indique que la lettre de M. Pierre Curzi, député du Parti Québécois, entrait dans ce cadre. La publication de cette lettre en priorité se justifiait, car c’est le parti de M. Curzi qui était visé dans l’éditorial de M. Gilbert Sr. M. Blanchard explique que les réactions des lecteurs n’ont pu être publiées dans le journal faute d’espace : en période estivale, la tribune consacrée aux lecteurs se trouve amputée d’une page.
Réplique du plaignant
Le plaignant conteste les propos des mis-en-cause dans leur commentaire : l’éditorialiste aurait a contrario bien fait preuve d’intolérance et de provocation. M. Plante indique que les termes « lavettes », « lâches » utilisés afin de désigner les députés en question dans l’éditorial relèvent de la provocation. Il considère que l’éditorialiste était en droit de faire de la provocation dans son texte à la condition qu’un droit de réponse soit accordé à son lectorat.
Ainsi, en ce qui concerne le défaut de droit de réponse du public, le plaignant estime que la lettre du député Pierre Curzi constitue une mise au point – c’est ainsi qu’elle est intitulée dans l’hebdomadaire – et non une réponse du public. L’Œil Régional se devait de publier des opinions des lecteurs dans une édition ultérieure. Cette exigence était pleinement justifiée, selon lui, par l’intérêt que suscitait le débat amorcé dans l’éditorial, également parce que l’éditeur y interpelle les citoyens militants du Parti Québécois.
Analyse
M. René Plante porte plainte contre l’hebdomadaire L’Œil Régional au sujet d’un éditorial intitulé « J’ai honte », rédigé par M. Guy Gilbert Sr. Ce dernier déplorait dans son éditorial le comportement de quelques députés du Parti Québécois qui avaient refusé de se lever pour saluer des soldats des Forces armées canadiennes en visite à l’Assemblée nationale en juin 2007. Le plaignant formule tout d’abord des griefs à l’encontre de l’éditorialiste pour partialité, absence de pondération de l’information et manque de rigueur.
En ce qui a trait aux griefs pour partialité et absence de pondération de l’information, le Conseil tient à rappeler que l’éditorial appartient au genre du journalisme d’opinion. Tel qu’inscrit dans le guide déontologique Droits et Responsabilités de la presse, le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire.
Ainsi, il ne peut être reproché à un éditeur son manque d’objectivité ou son style dans le cadre d’un éditorial. Pour ces raisons, les griefs pour partialité et absence de pondération ne peuvent être retenus.
Concernant le grief pour manque de rigueur, le plaignant indiquait que l’éditorialiste avait insinué que les députés du Parti Québécois qui avaient refusé de se lever s’en étaient pris « personnellement » aux soldats présents à l’Assemblée nationale. Le plaignant affirme au contraire que ce geste constituait un signe d’opposition à la politique menée par les gouvernants que représentaient les Forces armées lors de cette rencontre.
Il n’appartient pas au Conseil de presse de juger de la validité de chacune des interprétations exposées ici. Il reste que les éditorialistes et commentateurs disposent d’une grande latitude pour exprimer leurs opinions, pourvu qu’ils ne contreviennent pas à l’exigence d’exactitude des faits. M. Gilbert Sr était en droit de livrer sa propre interprétation des faits dans son éditorial. Le Conseil ne retient donc pas le grief pour manque de rigueur.
De plus, le plaignant considère comme un abus de pouvoir la réplique que M. Gilbert Sr a adressée à M. Pierre Curzi, un député du Parti Québécois qui avait effectué une mise au point dans l’édition de l’hebdomadaire consécutive à celle dans laquelle fut publié l’éditorial en cause. Le plaignant juge la réplique abusive pour les motifs suivants : figurant immédiatement sous la mise au point, elle ne permettait pas au lecteur de juger de la validité du point de vue exposé dans sa mise au point par le député du Parti Québécois, l’éditorialiste réfutant catégoriquement certains points du texte de ce dernier.
Le guide déontologique Droits et Responsabilités de la presse énonce que le droit de réponse des journalistes est une pratique reconnue dans la presse. Il doit être exercé promptement, avec discernement, dans le plein respect des personnes, et les journalistes ne doivent pas s’en servir pour dénigrer, insulter ou discréditer les personnes faisant l’objet de leur réplique.
L’éditorialiste, M. Gilbert Sr, a affirmé de nouveau dans sa réplique à la mise au point de M. Curzi les opinions qu’il avait exprimées dans son éditorial sans tomber dans l’insulte. Le Conseil estime que M. Gilbert Sr n’a pas contrevenu aux principes édictés dans le guide déontologique au sujet du droit de réponse des journalistes. Le grief pour réplique abusive est donc rejeté.
Enfin, le plaignant dénonce l’absence de publication de lettres de lecteurs dans les éditions suivantes de l’hebdomadaire alors que selon lui, le débat suscité par les propos de l’éditorialiste justifiait la diffusion des opinions du lectorat.
Le Conseil de presse ne retient pas le grief pour absence de droit de réponse du public, un média n’ayant pas l’obligation de publier les lettres des lecteurs, mais invite toutefois L’Œil Régional à se conformer à des pratiques encourageant l’expression des opinions des lecteurs tout au long de l’année.
Décision
Au vu de ce qui précède, et sous réserve du commentaire exprimé ci-dessus, le Conseil de presse rejette la plainte de M. René Plante contre M. Guy Gilbert Sr et l’hebdomadaire L’Œil Régional.
Analyse de la décision
- C05A Réplique abusive
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C13A Partialité
- C13C Manque de distance critique
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15H Insinuations
Date de l’appel
27 May 2008
Appelant
M. René Plante
Décision en appel
La commission d’appel du Conseil de presse du Québec a étudié l’appel que vous avez interjeté relativement à la décision rendue par le comité des plaintes et de l’éthique de l’information dans le dossier cité en titre.
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.