Plaignant
M. Pierre Barnoti, directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (canadienne) – SPCA
Mis en cause
M. Todd van der Heyden, journaliste; M. Mike Piperni, directeur de l’information; l’émission « CTV News » etle réseau CFCF-CTV
Résumé de la plainte
Le directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (canadienne) porte plainte contre le réseau CFCF-CTV pour avoir diffusé un reportage le 1er octobre 2007, comportant des informations erronées et des accusations non justifiées qui mettaient en doute sa réputation ainsi que celle de l’organisme qu’il dirige.
Griefs du plaignant
M. Pierre Barnoti rappelle dans un premier temps quelques faits ayant mené à la diffusion du reportage dont il se plaint par le réseau CFCF-CTV. Il explique qu’en 2007, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (canadienne) (ci-après SPCA) a vu ses revenus liés aux legs testamentaires, chuter de 50 %, ce qui a entraîné la réduction du personnel rémunéré intervenant au sein de l’organisme. Il ajoute que ces coupures ont été comblées par le recours à des bénévoles, afin qu’aucun animal ne soit affecté. Le plaignant précise également que les coupures ont touché en grande partie des manutentionnaires, facilement remplaçables par des bénévoles.
C’est dans ce contexte que M. Barnoti explique avoir accepté de donner une entrevue au réseau CFCF-CTV. Il déplore néanmoins que les passages où il expliquait d’une part, que la SPCA avait connu des moments plus critiques par la passé et qu’elle avait réussi à les surmonter et d’autre part, que des coupures étaient faites chaque année à l’automne en raison d’une baisse d’activités à la fin de l’été n’aient pas été retenus pour diffusion.
En dépit de ces faits, il affirme que le reportage du 1er octobre 2007, contre lequel il porte plainte, dépeint une situation faussement dramatique en affirmant que dix-sept employés clés ont été licenciés, ce qui serait selon lui inexact.
M. Barnoti constate que, tout au long du reportage, le journaliste, M. Todd van der Heyden porterait des attaques contre la direction de la SPCA et s’assurant que celles-ci puissent être attribuées à des tiers. De son avis, ce procédé a eu pour conséquence de laisser aux téléspectateurs l’impression que les animaux sont directement victimes de ces coupures.
Le plaignant conclut en rapportant que le réseau CFCF-CTV a fait parvenir aux bénévoles de la SPCA un document les incitant à se faire le relais des craintes et insatisfactions qu’ils nourrissent à l’égard de cet organisme.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Mike Piperni, directeur de l’information :
Le mis-en-cause réfute l’idée selon laquelle le réseau CFCF-CTV souhaite nuire à la réputation de la SPCA et plus particulièrement à celle de son administration. Il affirme que ce sont bien dix-sept employés qui ont été licenciés et que, selon ses sources, ceux-ci étaient des employés clés de l’entreprise. M. Piperni ajoute que de nombreuses sources sont convaincues que les réductions de personnel ont des répercussions sur le bon fonctionnement de l’entreprise et que, contrairement à ce qu’affirmait le plaignant, l’action des bénévoles ne suffit pas à combler ce manque.
De son avis, la couverture journalistique réservée à la SPCA était d’intérêt public. Il rappelle qu’au-delà de la question du bien-être des animaux dont l’organisme a la charge, se pose aussi la question de son financement et de la manière dont sont allouées les ressources en fonction des différents postes budgétaires.
M. Piperni rapporte que les informations dont le réseau CFCF-CTV disposait se basent sur de nombreuses sources anonymes comme non anonymes. Il précise que le plaignant fut interrogé à trois reprises mais que les restrictions entourant la diffusion du reportage n’a pas toujours permis de rapporter l’intégralité de ses propos.
Réplique du plaignant
M. Pierre Barnoti soutient que, malgré les nouvelles alarmantes relatives aux conditions des animaux à la suite des coupures de personnel médiatisées par le réseau CFCF-CTV, les faits prouveraient qu’aucun effet négatif n’a été constaté. Il explique que la problématique qui consiste à réduire les effectifs au sortir de la saison d’été a été amplifiée dans un effort de sensationnalisme par le réseau et ce, bien qu’il ait été précisé au journaliste, lors de l’entrevue, qu’aucun animal n’en subirait les conséquences. Le plaignant regrette que cette affirmation ne fût pas retransmise en ondes.
Il précise que treize employés ont été licenciés et non dix-sept comme il fut affirmé dans le reportage et que ces derniers étaient des manutentionnaires et non du personnel clé.
Il conclut que le reportage, en ne rapportant que certains des propos qu’il a tenus en entrevue, a transformé ses dires dans le but de cadrer avec le message que recherchait le réseau.
Analyse
M. Pierre Barnoti, directeur général de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA), portait plainte contre le réseau CFCF-CTV pour avoir diffusé un reportage le 1er octobre 2007, comportant des informations erronées et des accusations non justifiées qui mettaient en doute sa réputation ainsi que celle de l’organisme qu’il dirige. Il reprochait dans un premier temps au réseau d’avoir fait parvenir aux bénévoles de la SPCA un document les incitant à dénoncer l’administration pour mauvaise gestion.
D’entrée de jeu, le Conseil tient à préciser que sa décision ne peut être interprétée comme une prise de position pour qui que ce soit sur le sujet d’intérêt public traité dans le reportage en cause. Il ne se penche que sur l’éthique de la démarche et du traitement journalistique du reportage.
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements sans entrave ni menace auprès des différents acteurs. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet en particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence ainsi que le choix des personnes auxquelles ils s’adresseront pour obtenir de l’information relèvent de leur jugement rédactionnel.
Lors de son analyse, le Conseil de presse a porté son attention sur la correspondance entre M. Todd van der Heyden, journaliste pour le réseau CFCF-CTV et les bénévoles de la SPCA qui visait à obtenir de ces derniers certaines informations relatives à une possible mauvaise gestion de l’organisme. Sur ce point, le Conseil conclut que le journaliste pouvait légitimement tenter de collecter de l’information par le moyen de cette correspondance. Il remarque néanmoins que seuls les commentaires des bénévoles insatisfaits des pratiques de la SPCA étaient sollicités, et que ceux qui s’estimaient satisfaits étaient clairement priés d’ignorer sa requête. Cette façon de faire contrevient à l’éthique journalistique et le grief a été retenu.
M. Barnoti ajoutait que le réseau CFCF-CTV ainsi que ses journalistes avaient fait montre de sensationnalisme en exagérant les conséquences du licenciement d’employés, en laissant volontairement aux téléspectateurs l’impression que les animaux en subissaient durement les conséquences.
Il est impératif que les médias et les journalistes fassent preuve de rigueur intellectuelle. Celle-ci ne signifie nullement sévérité, austérité ou conformisme; elle est au contraire la garantie d’une information de qualité. Les journalistes doivent également veiller à traiter l’information recueillie sans déformer ou exagérer la réalité. Une interprétation abusive des faits et des événements risquerait d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises.
Après analyse, le Conseil conclut que, au-delà d’avoir laissé aux téléspectateurs l’impression que les animaux étaient les premières victimes des coupures de postes, le reportage faisait le lien entre les licenciements et le possible désir d’enrichissement de la direction. Or, le Conseil constate que cette impression, en n’étant jamais démontrée au cours du reportage, constitue une interprétation abusive de la réalité et retiendra donc le grief.
Par ailleurs, le plaignant reprochait au réseau CFCF-CTV d’avoir transformé et sélectionné ses dires afin de faire cadrer ceux-ci avec le message que souhaitait véhiculer le réseau.
à cet égard, le Conseil de presse rappelle que les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. Dans son commentaire, le mis-en-cause ne revient jamais sur la question des propos de M. Barnoti qui auraient pu être sélectionnés de manière à transformer ses dires. Néanmoins et ne disposant pas de l’intégralité du matériel journalistique issu de l’entretien entre le réseau CFCF-CTV et le plaignant, le Conseil ne peut prendre position sur cette question.
Enfin, M. Barnoti déplorait que le reportage de M. Todd van der Heyden se soit fait le relais d’accusations portées par des tierces parties contre la SPCA et son administration.
Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit impérativement être accordé aux éléments et aux parties en opposition.
Or, l’analyse a permis au Conseil de constater que, à la suite des accusations d’enrichissement personnel et de manque d’éthique dans les levées de fond portées contre la SPCA et sa direction par le réseau, et dans le cadre du reportage par des sources non révélées, le point de vue du plaignant sur ces questions ne fut présenté qu’au travers de M. van der Heyden qui, en voix off, nous explique simplement que M. Barnoti nie toute accusation portée contre lui. Le Conseil juge que cet espace d’expression laissée à la SPCA était insuffisant sur les allégations qui concernaient sa volonté de faire des profits plutôt que de poursuivre une mission de protection des animaux. Le Conseil retient donc ce grief.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Pierre Barnoti, directeur de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux contre le journaliste M. Todd van der Heyden et le réseau CFCF-CTV.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C17A Diffamation
- C17G Atteinte à l’image
- C23J Intimidation/harcèlement
Date de l’appel
4 November 2008
Appelant
M. Todd van der Heyden, journaliste; M. Mike Piperni, directeur de l’information; l’émission « CTV News » etle réseau CFCF-CTV
Décision en appel
Les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.