Plaignant
M. Guy Laflèche
Mis en cause
Mme Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page « Idées »; Mme Josée Boileau, directrice de l’information et le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
M. Guy Laflèche porte plainte contre le quotidien Le Devoir concernant un droit de refus de publier sa réplique, à la suite de la parution d’une lettre dans le courrier des lecteurs qui le mettait en cause. Il juge les propos de la lettre injurieux à son endroit.
Griefs du plaignant
M. Guy Laflèche a fait publier dans Le Devoir du 2 novembre 2007, à titre de professeur de l’Université de Montréal, un texte d’opinion au sujet de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Son texte proposait que l’institution se joigne au projet « Recherche de livres », sur le moteur de recherche de Google. Son texte s’adressait à la direction de la BAnQ et ne visait pas directement sa présidente, Mme Lise Bissonnette.
Selon le plaignant, cette dernière a répliqué en publiant un texte injurieux à son endroit, en page éditoriale du Devoir, le 8 novembre 2007. M. Laflèche souligne que le texte de Mme Bissonnette contenait des insultes à son endroit, l’atteignant personnellement comme personne et comme professeur. Il dénonce particulièrement la phrase suivante : « L’ignorance de ce professeur nous sidère ». Comme Le Devoir a refusé de lui accorder un droit de réplique, M. Laflèche demande au quotidien de se dissocier explicitement de ces propos insultants, en page éditoriale, à l’endroit où ils furent publiés et de préciser que le journal ne lui a pas accordé de droit de réplique.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mmes Josée Boileau, directrice de l’information et Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page Idées :
Selon Mmes Josée Boileau et Marie-Andrée Chouinard, cette plainte ne serait pas justifiée et affirment avoir agi dans les limites de leurs devoirs et responsabilités.
Les mises-en-cause rappellent certains principes énoncés dans le guide Droits et responsabilités de la presse, à l’effet qu’il appartient « aux équipes rédactionnelles des médias le soin de déterminer l’espace qu’elles choisissent d’accorder à la publication ou à la diffusion d’information ». Elles expliquent que Le Devoir reçoit quotidiennement plus d’une cinquantaine de lettres, incluant des textes d’une longueur appréciable destinés à la page Idées. Elles concluent qu’il faut encourager la diversification des signatures, ce qui est l’essence même de l’existence des tribunes d’opinions. C’est ce qui fut exposé au plaignant au moment où il demandait une réplique.
Les mises-en-cause expliquent qu’en plus du grand nombre de lettres que le journal reçoit, la pratique journalistique impose de manière générale, de mettre un terme au débat entre individus après la publication d’un texte de l’une et l’autre partie. Elles soulignent que les pages d’opinion ne sont pas là pour prolonger des débats entre certains protagonistes mais pour permettre l’expression du plus grand nombre.
Selon elles, la chronologie des événements fait voir que M. Laflèche a exprimé son point de vue dans la rubrique « Libre Opinion » du 2 novembre 2007. Par la suite, Mme Bissonnette a cru bon d’y répondre dans la même rubrique, le 8 novembre 2007. Chacun s’étant exprimé, le débat est clos. La réplique de Mme Bissonnette fut publiée puisque l’institution qu’elle dirige était prise à partie. Mmes Boileau et Chouinard affirment que comme pour toute opinion, le style d’écriture appartient strictement à son auteur, à moins de propos « outranciers, insultants ou discriminatoires », auquel cas le journal ne publierait pas. Or, selon Le Devoir, le texte contesté ne relève pas de cette catégorie, bien qu’elles reconnaissent que le style y est ferme et coloré, tout comme l’était celui du plaignant.
Elles concluent en soulignant que de poursuivre l’échange équivaudrait à sombrer dans la personnalisation du débat et ne répondrait pas à la mission d’une page Idées.
Réplique du plaignant
M. Guy Laflèche reproche au Devoir de ne pas avoir pris en considération les éléments de sa plainte. Selon lui, la réponse du quotidien ne comprendrait que des considérations générales.
Il réitère ses griefs, à l’effet que sa plainte concernait le texte d’opinion de Mme Lise Bissonnette, qui contenait non seulement des sarcasmes, injures et insultes personnelles à son endroit, mais constituait une atteinte publique à sa réputation. Selon lui, Le Devoir n’avait pas le droit de publier de tels propos. Il portait plainte précisément sur la phrase suivante : « L’ignorance de ce professeur nous sidère ». M. Laflèche remet en cause le refus du journal de lui avoir refusé un droit de réplique, dans un cas où des propos outrageants ont été publiés.
M. Laflèche, soulève l’apparence de conflit d’intérêts, de la direction du Devoir, à publier une lettre de l’ancienne directrice du journal. Cette dernière a insulté le plaignant, porté atteinte à sa réputation et, par la suite, M. Laflèche s’est vu refusé un droit de réplique, ce qu’il juge proprement « inique ».
Analyse
Rappelons que le rôle du Conseil de presse n’est pas de déterminer le degré d’atteinte à la réputation d’un plaignant ou d’un groupe, cela relève des tribunaux. Le Conseil a étudié cette plainte sous l’angle de l’éthique journalistique.
M. Guy Laflèche s’insurge contre le fait que sa lettre publiée le 2 novembre 2007, dans la section « Libre Opinion » du Devoir, ait donné lieu à une réponse qu’il juge insultante, le 8 novembre 2007, de Mme Lise Bissonnette, présidente-directrice générale de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), sans qu’il ait pu en contrepartie y répondre.
Dans un premier temps, le Conseil aimerait rappeler que les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient ou diffusent et ne doivent en aucun temps se soustraire aux standards professionnels de l’activité journalistique sous prétexte de difficultés administratives, de contraintes de temps ou d’autres raisons d’ordre similaire. Cette responsabilité englobe l’ensemble de ce qu’ils publient ou diffusent : les informations journalistiques, la présentation et l’illustration de l’information, les commentaires et les informations provenant du public auxquels ils accordent espace et temps d’antenne.
Après analyse du dossier, le Conseil considère que les deux parties ont exprimé leur point de vue et que ces deux lettres ont permis aux lecteurs de se former leur propre opinion, quant à la diffusion sur Internet, des collections de la BAnQ. En aucun cas le Conseil de presse ne pourrait blâmer Le Devoir pour avoir voulu confronter deux avis divergents.
Le grief soulevé par le plaignant, à savoir la lettre de Mme Bissonnette, qui comprenait de nombreuses insultes à son endroit, l’atteignant personnellement comme personne et comme professeur. M. Laflèche relève plus précisément la phrase suivante : « L’ignorance de ce professeur nous sidère ». Le Conseil est à même de constater que la lettre publiée par la directrice de la bibliothèque, bien qu’elle explique la position de la Bibliothèque nationale, utilise un style corrosif, par lequel elle met en doute les qualités personnelles et les compétences professionnelles de M. Laflèche, à transmettre une opinion sensée. Le Conseil dans son guide déontologique recommande aux médias de rester respectueux envers les lecteurs qui décident de partager leurs idées, via leur publication, et ce, sans les dénigrer, les insulter ou les discréditer. Le Conseil appelle à la vigilance dans ces cas.
à cet égard la déontologie du Conseil stipule que les médias et les journalistes ont le devoir, lorsque cela est à propos, de permettre aux personnes de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet. Le Conseil estime, donc ici, que les mis-en-cause ont failli à la déontologie journalistique en ne retirant pas les propos constituant une attaque personnelle sur la compétence de M. Laflèche, ces éléments n’ajoutant rien au fond de la réplique de Mme Bissonnette. Le grief est par conséquent retenu.
Décision
En regard de ce qui précède, le Conseil retient la plainte de M. Guy Laflèche à l’encontre du quotidien Le Devoir et de sa direction.
Analyse de la décision
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C08H Lettres diffamatoires
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image
Date de l’appel
4 November 2008
Appelant
Mme Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page « Idées »; Mme Josée Boileau, directrice de l’information et le quotidien Le Devoir
Décision en appel
Les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.