Plaignant
M. Haydar Moussa
Mis en cause
M. Richard Martineau, journaliste; M. Bruno Leclaire, président et chef de la direction et la société Canoë Inc. « Canoë »
Résumé de la plainte
M. Haydar Moussa porte plainte pour des propos discriminatoires et diffamatoires tenus à son endroit sur le blogue du journaliste M. Richard Martineau, publié sur Canoë, le 13 septembre 2007, sous le titre « à bas les partys de Noël ». De plus, il déplore le manque de contrôle ou de supervision des propos provenant d’autres internautes.
Griefs du plaignant
M. Haydar Moussa s’est dit « traumatisé » par les propos diffamatoires et discriminatoires tenus à son endroit sur le blogue de M. Richard Martineau où les propos suivants ont été tenus « Le problème n’est pas la burqua, no, mais quand le chameau Haydar Moussa (comme l’a si bien appelé Detruzac (sic) à TQS et son vidéo disponible sur youtube) se prend pour un Québécois en son dernier poème L’étranger que j’ai lu » et « Oui, tu es l’étranger ici, un chameau, c’est normal, ta place est au désert, et non dans les universités Québécoise (sic) ».
M. Moussa explique que tout a commencé en février 2007, lorsque son poème s’est retrouvé dans une controverse partout au Canada et principalement au Québec. Malgré le fait que cela date de 9 mois, à partir du moment où son poème a paru à nouveau, cette fois-ci sur le blogue du journaliste, les invectives à son endroit ont recommencé.
Le plaignant souligne que le fait d’avoir encore ramené cette histoire et de s’être fait traiter de « chameau » lui ont causé de sérieux problèmes psychologiques et physiologiques.
M. Moussa précise qu’il a contacté M. Martineau et que ce dernier lui aurait répondu : « Ce n’est pas moi qui a inventé ce que tu as écrit. Assume. »
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Christine Maestracci représentant les intérêts de Canoë Inc. :
Dans une première correspondance, la représentante de Canoë s’objectait à ce que le Conseil procède à l’étude de la plainte, car selon elle, les blogues et commentaires de toute sorte ne relèveraient pas de sa juridiction et que le Conseil ne peut s’attribuer unilatéralement une telle compétence. Elle termine, sur ce point, en mentionnant que Canoë réserve tous ses droits et recours contre le Conseil relativement à cette affaire.
Dans une deuxième correspondance, Me Maestracci, insistait sur le fait que le Conseil ne pouvait avoir compétence sur tous les blogues et babillards électroniques qui se retrouvent sur Internet. D’autre part, elle soulignait que Canoë, n’étant pas membre du Conseil de presse, il était donc impossible pour ce dernier de se saisir de cette plainte. Elle réitère que le Conseil ne peut s’attribuer sans aucun droit une juridiction sur les blogues.
Me Maestracci soumettait que le plaignant n’ayant pas suivi le processus usuel de plainte en ne les contactant pas, Canoë n’avait donc pu être en mesure d’appliquer la procédure de retrait dont elle s’est dotée. Elle confirme d’ailleurs avoir traité la plainte dès sa réception en retirant le commentaire mis en cause.
Elle précisait toutefois que les propos tenus sur le blogue ne sont ni ceux de Canoë, ni ceux du journaliste, mais bien d’un tiers internaute sur lequel ils n’ont pas de contrôle immédiat. De plus, elle soulignait qu’ils ne peuvent vérifier tous les commentaires tenus par des tiers sur un blogue, ce qui serait contraire à la nature même d’un blogue qui privilégie la spontanéité et l’instantanéité. Elle conclut que bien que les propos tenus par l’internaute puissent être désobligeants et offensants pour un particulier, ils ne sont pas de nature à constituer un manquement à l’éthique journalistique.
Réplique du plaignant
M. Haydar Moussa affirme que les propos étaient diffamatoires et que cela constitue une atteinte à sa réputation. Il tient M. Martineau responsable de tous ses maux. Il affirme que ce texte lui a valu des menaces, des insultes et de subir de l’intimidation.
Selon le plaignant, publier des commentaires sans en connaître la source peut causer d’énormes problèmes, s’ils ne sont pas contrôlés par les administrateurs du site. M. Moussa soutient que son poème fut cité hors contexte et que les « attaques » de M. Martineau et de Canoë à son égard dépassent le cadre d’un travail journalistique.
Il demande donc que M. Martineau publie des excuses à son égard dans le même créneau que les propos publiés à son égard.
Analyse
Dans un premier temps, le Conseil rappelle qu’il a déjà, dans un précédent dossier, répondu aux objections de Canoë, en regard de sa position sur la non-recevabilité de plaintes concernant les blogues. à cet égard, le Conseil réfère donc à la décision 2006-09-017.
Le Conseil ne se prononcera pas en matière d’atteinte à la vie privée ou réputation, cela relevant des tribunaux. Cependant, il se penchera sur le jugement éthique journalistique et professionnel exercé lors de la parution des propos dénoncés par le plaignant.
M. Haydar Moussa dénonçait l’atteinte à sa réputation causée par la publication de propos diffamatoires et discriminatoires à son endroit, sur le blogue de M. Richard Martineau, le 13 septembre 2007, et demandait que le journaliste s’excuse dans le même créneau. De plus, il reprochait le manque de contrôle ou de supervision des propos provenant d’autres internautes.
Au premier grief reproché, M. Moussa s’est dit « traumatisé » par les propos d’un blogueur qui le traitait de « chameau » dans les extraits suivants : « Le problème n’est pas la burqua, no, mais quand le chameau Haydar Moussa (comme l’a si bien appelé Detruzac (sic) à TQS et son vidéo disponible sur youtube) se prend pour un Québécois en son dernier poème L’étranger que j’ai lu » et « Oui, tu es l’étranger ici, un chameau, c’est normal, ta place est au désert, et non dans les universités Québécoise (sic) ». De son côté, Canoë précisait qu’il a traité la plainte dès sa réception et que le commentaire a été retiré, et rappelait que les propos n’étaient tenus ni par le journaliste ou par Canoë, mais par un internaute sur lequel ils n’avaient pas de contrôle immédiat.
En février 2007, M. Moussa s’est retrouvé dans une controverse, à la suite de la parution de son poème qui fut publié dans divers médias. Le poème a suscité plusieurs réactions, par ailleurs assez vives, dans divers médias écrits et électroniques. Selon lui, son poème aurait été repris hors contexte. Il faut bien comprendre que lorsque l’on rend un document public, on doit s’attendre à ce qu’il suscite de bons comme de mauvais commentaires. Cependant, le Conseil est d’avis que ces répliques doivent se faire dans les règles de l’éthique journalistique et les blogues étant un moyen d’expression difficilement contrôlable, il est d’autant plus important que les responsables évitent les propos offensants et ainsi ne dérogent aux règles élémentaires de l’éthique.
Bien que le Conseil reconnaisse que certains mots pouvaient être considérés comme de mauvais goût, il constate que Canoë a rectifié son erreur, en retirant les propos dénoncés. Le Conseil ne prononcera pas de blâme contre les mis-en-cause.
Le Conseil relève que les médias doivent trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. Ils doivent par ailleurs favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qui a été publiée et ce, afin de réparer le préjudice causé de la manière la plus juste possible.
Au deuxième grief, le plaignant reprochait le manque de contrôle ou de supervision des blogues. à cet égard, Canoë mentionnait qu’il était difficile d’exercer ce genre de contrôle et qu’il était impossible de vérifier chaque commentaire, ce qui serait, selon eux, contraire à la nature d’un blogue qui privilégierait la spontanéité et l’instantanéité.
Les blogues journalistiques sont soumis aux mêmes exigences d’authenticité, d’impartialité et de qualité que tout autre type de traitement de l’information. Du fait qu’ils fassent appel au public cela comporte des difficultés particulières, qui découlent principalement de leur caractère de spontanéité, et qui exige du responsable qu’il s’assure, dans la mesure du possible, d’éviter les propos désobligeants, particulièrement quand le sujet est délicat.
Toutefois, il faut reconnaître que le rôle de ceux qui les animent est difficile; il requiert une discipline et un discernement d’autant plus grands que les sujets abordés, en raison des intérêts et des passions qu’ils soulèvent, suscitent la controverse.
Le Conseil recommande à Canoë et à M. Martineau de prêter une attention particulière aux propos tenus sur leurs blogues pour ainsi éviter que ce genre de tribune ne devienne un lieu de diatribes qui n’auraient d’autre effet que de propager des propos offensants. Il serait approprié que les diffuseurs de blogues journalistiques se dotent de services d’un modérateur relevant du service de l’information, comme il est conseillé de le faire dans les émissions de tribunes téléphoniques, ce qui peut éviter des dérapages.
Décision
Sous réserve de ce dernier commentaire, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Haydar Moussa contre M. Richard Martineau, journaliste et la société Canoë Inc.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C17A Diffamation
- C17E Attaques personnelles
- C19A Absence/refus de rectification
- C24C Règles de procédure