Plaignant
M. Hubert Lapointe, journaliste
Mis en cause
M. Denis Bolduc, éditeur; MM. Daniel Paquet et André Monast, rédacteur en chef et le quotidien MédiaMatin Québec
Résumé de la plainte
M. Hubert Lapointe, journaliste pour Canoë.com, porte plainte contre le quotidien MédiaMatin Québec pour avoir publié, à la une de son édition du 11 décembre 2007, une photo grand format de lui associée au titre « Viol d’une femme », ce qui laissait l’impression aux lecteurs qu’il était l’auteur de l’agression.
Griefs du plaignant
M. Hubert Lapointe précise d’abord que sa plainte porte sur la publication d’une photo de la une en couverture de l’édition du 11 décembre 2007, du quotidien MédiaMatin Québec. Le plaignant considère que la juxtaposition de sa photographie, occupant l’essentiel de la page et portant la mention, en haut à gauche, les mots « Viol d’une jeune femme » est malicieuse puisqu’elle laisserait penser qu’il serait l’auteur du viol.
De son avis, il est de notoriété publique qu’une grande partie de la population ne fait que regarder les photographies et titres de couverture sans lire l’information que contiennent les articles, ce qui lui aurait été d’autant plus dommageable.
Pour M. Lapointe, la publication de cette photographie s’est faite sans égard au respect de sa vie personnelle et celle de sa famille et viendrait par ailleurs entacher sa réputation. Les journalistes de MédiaMatin Québec auraient manqué à leurs responsabilités face à leur devoir d’informer adéquatement le public.
Le plaignant conclut en mentionnant qu’il ne se plaint pas contre les informations rapportées par les journalistes dans la même édition dudit quotidien puisque celles-ci sont « relativement exactes ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Isabelle Leblanc, représentante de MM. Daniel Paquet, André Monast et Denis Bolduc :
La représentante des mis-en-cause explique que le plaignant est l’auteur d’un article où fut dévoilée l’identité d’une victime d’agression sexuelle en dépit d’une ordonnance de non- publication. Elle soutient par ailleurs que la plainte de M. Lapointe n’est pas fondée puisque celle-ci n’aurait pas respecté préalablement au dépôt de sa plainte la procédure de règlement à l’amiable.
Sur la question du fond de la plainte de M. Lapointe, Me Leblanc soutient que les mis-en-cause n’ont commis aucun manquement à l’éthique journalistique, le but de la une étant d’attirer l’attention du lecteur afin que celui-ci lise plus amplement le journal. De son avis, la une du 11 décembre 2007 mettait clairement l’accent sur l’accusation d’outrage mais incitait néanmoins le lecteur à lire l’article afin de savoir en quoi le « viol d’une jeune femme » était en lien avec celui-ci.
La représentante des mis-en-cause ajoute que le choix de la photographie et des titres relèvent de la discrétion rédactionnelle et affirme que ces choix ont été faits dans le respect de l’éthique journalistique et dans l’intérêt du public. De son avis, l’importance que le quotidien MédiaMatin Québec a accordée à cette nouvelle était proportionnelle à son degré d’intérêt public. Me Leblanc conclut que la plupart des journaux publiés dans la région de Québec ainsi que les médias électroniques ont relayé cette nouvelle.
Réplique du plaignant
M. Lapointe rappelle que sa plainte porte sur l’association de sa photographie et du titre « Viol d’une femme » sur la une de l’édition du 11 décembre 2007 du quotidien MédiaMatin Québec et nullement sur la question de l’intérêt public de cette nouvelle, qu’il ne conteste par ailleurs pas.
De son avis, cette association a eu pour résultat de laisser l’impression aux lecteurs qu’il était l’auteur des agressions sexuelles commises envers la victime. Il ajoute que suivant l’ordre de lecture d’une page, qui s’effectue d’en haut à gauche à en bas à droite, c’est bien le titre « Viol d’une femme » que retenaient les lecteurs.
Analyse
M. Hubert Lapointe, journaliste pour Canoë.com, portait plainte contre l’édition du 11 novembre 2007 du quotidien MédiaMatin Québec auquel il reprochait d’avoir opéré un rapprochement à caractère tendancieux en publiant en une, une photographie de lui assortie du titre « Viol d’une femme », laissant ainsi l’impression aux lecteurs qu’il serait l’auteur de l’agression.
Pour la représentante des mis-en-cause, la plainte de M. Lapointe ne serait pas fondée puisque l’étape de règlement préalable, énoncée à l’article 3.5 du Règlement sur l’étude des plaintes, n’a pas été respectée. Or, si le Conseil incite la partie plaignante à se soumettre à une telle tentative, il ne considère cette étape obligatoire que dans les situations où une communication entre les deux parties est possible. En raison du contexte particulièrement conflictuel de la présente plainte, le Conseil estime qu’il pouvait traiter de celle-ci et ce, même en l’absence de tentative de règlement à l’amiable.
Le Conseil précise par ailleurs que son rôle n’est pas de déterminer du degré d’atteinte à la réputation, cette compétence relevant des tribunaux. Par conséquent, il ne peut analyser ce dossier que sous l’angle de l’éthique journalistique et cette dernière se limite à lui permettre de déterminer si un journaliste ou un média a, ou non, commis une faute professionnelle. L’éthique journalistique ne pouvant nullement prétendre permettre de mesurer les conséquences d’une telle faute sur la réputation d’une personne.
Le choix des manchettes et des titres, ainsi que des légendes qui accompagnent les photos, relève de la prérogative de l’éditeur. Il en va de même de la politique du média à cet égard et du choix des moyens jugés les plus efficaces pour rendre l’information diffusée dynamique et susceptible de retenir l’attention du public. Les manchettes et les titres doivent par ailleurs respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce qu’ils ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris.
Bien que le Conseil reconnaisse que le sujet de la une du quotidien MédiaMatin Québec était d’intérêt public, l’analyse a permis de confirmer, ce qui est admis par le plaignant, que l’association de la photo du plaignant et du titre « Viol d’une femme » en page de couverture pouvait laisser l’impression au lecteur que M. Lapointe était l’auteur de cette agression, ce qui est parfaitement inexact. Le grief est retenu.
Décision
Par conséquent, le Conseil de presse retient la plainte de M. Hubert Lapointe et blâme le quotidien MédiaMatin Québec pour avoir publié une photo à la une assortie d’un titre qui laisse aux lecteurs l’impression que le plaignant est l’auteur d’une agression sexuelle.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13B Manipulation de l’information
- C16E Mention non pertinente
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image