Plaignant
MM. Billy Ouellet et Bertrand Ouellet et Mme Odette Caron
Mis en cause
M. François Drouin, journaliste; M. Mario Pelletier, rédacteur en chef et l’hebdomadaire Info-Dimanche
Résumé de la plainte
Les plaignants portent plainte à l’encontre du journaliste, François Drouin et sa chronique du 23 décembre 2007 intitulée, « Zéro de conduite – « P » comme pipi, « P » comme pathétique », qui comporterait des erreurs et aurait ridiculisé les événements vécus par M. Billy Ouellet. Dans un deuxième temps, la plainte porte contre la direction d’Info-Dimanche pour avoir refusé de publier l’intégralité d’une lettre de réplique dans la section réservée au courrier des lecteurs.
Griefs du plaignant
M. Billy Ouellet, mineur, secondé par ses parents, accuse le journaliste François Drouin d’avoir publié de fausses informations au sujet d’événements survenus à la suite d’une joute de hockey. Selon le plaignant, le journaliste aurait ridiculisé son histoire. Il aurait tenté de faire rectifier les faits en demandant la publication d’une lettre de réplique. Le média aurait toutefois refusé de publier la lettre dans son intégralité.
à la lecture de la chronique, le plaignant s’est dit « horrifié » et « scandalisé » et affirme s’être senti comme une victime, une fois de plus. Il reproche au journaliste de ne pas avoir cherché à connaître sa version des faits.
M. Ouellet relate ensuite les faits de l’incident faisant l’objet de la chronique mise en cause. à la suite d’un match de hockey Bantam, disputé le 6 octobre 2007, deux hockeyeurs ont uriné sur lui dans les douches, en lui disant : « Tu pu (sic) la merde maintenant ce sera la pisse. » Il leur a demandé d’arrêter, les joueurs sont sortis et s’en seraient vantés devant le reste de l’équipe. Lorsque le plaignant est ressorti de la douche les entraîneurs auraient seulement dit : « Salut à demain au match ». Le plaignant dit être reparti humilié; il aurait gardé le secret de cet événement pour quelques jours.
Au match suivant, les deux joueurs se sont excusés devant toute l’équipe, des excuses qui n’ont pas semblé sincères à M. Ouellet. Le plaignant décida alors de déposer une plainte devant le comité de discipline de la ligue de Hockey Rivière-du-Loup qui le rencontra le 17 octobre. La décision rendue le 25 octobre 2007 statua que les deux joueurs seraient suspendus pour 2 matchs. Insatisfait de ce résultat, M. Ouellet, par l’intermédiaire de ses parents, contesta la décision et décida de rendre son histoire publique. Il se confia donc au journaliste Stéphane Tremblay de CIMT-TV (TVA), en espérant faire bouger les choses.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. François Drouin, journaliste :
M. François Drouin rejette l’allégation selon laquelle il n’aurait pas publié la véritable histoire du jeune hockeyeur et d’avoir été partial. Il explique qu’au moment de mettre sous presse, seul le président de Hockey Rivière-du-Loup, M. Dany Plourde, avait accepté de répondre à ses questions; la famille Ouellet ayant manifesté le désir de ne pas collaborer avec d’autres médias que CIMT/CKRT-TV. Selon le mis-en-cause, cette responsabilité leur incombe.
Concernant les propos rapportés dans l’article, le président de Hockey Rivière-du-Loup aurait affirmé, au journaliste, s’être référé au rapport d’incident officiel de l’organisme, afin de répondre à ses questions. M. Drouin souligne que si, à ce moment-là, un membre de la famille avait communiqué avec lui pour présenter sa version des faits, cette dernière aurait été prise en compte.
Le journaliste précise que les faits ont été rapportés dans une chronique plutôt que dans un texte journalistique conventionnel. L’une des principales raisons ayant motivé ce choix était justement l’absence de la version du jeune hockeyeur. Selon lui, la chronique lui permettait de traiter l’histoire sous un angle différent : le respect entre jeunes. S’il a questionné le traitement sensationnaliste du téléreportage et de la médiatisation de cet incident, qu’il juge disproportionné en regard de la portée réelle de l’événement, il souligne qu’en aucun cas il n’a tenté de ridiculiser la jeune victime. Il dit avoir certes décroché quelques flèches à l’endroit des deux jeunes hockeyeurs fautifs, mais c’est avant tout la version officielle et le comportement inacceptable des deux jeunes hockeyeurs qui a été mis de l’avant dans le texte.
En terminant, M. Drouin rapporte quelques phrases de son article démontrant ce comportement inacceptable : « […] c’est le comportement des jeunes qui m’interpelle. Le manque de respect. Il n’est pas question de stigmatisation, de brutalité et d’abaissement au sens où je l’avais compris initialement, mais uriner sur quelqu’un, de dos comme de face NE SE FAIT PAS! Point barre! Le respect entre humains a autant sa place dans un vestiaire de hockey qu’une paire de patin, sinon bien plus ».
Commentaires de M. Mario Pelletier, rédacteur en chef :
M. Mario Pelletier indique que c’est Mme Diane Ouellet, la sŒur du plaignant, qui lui aurait remis la lettre à publier. Elle l’aurait également contacté pour faire le suivi du dossier jusqu’à la décision finale du journal Info-Dimanche de ne pas publier la lettre. M. Pelletier explique qu’il s’agissait d’un choix dicté par la règle écrite dans l’entête de la rubrique « Opinion ». La note mentionne que « La direction se réserve le droit d’abréger certaines lettres. L’opinion des lecteurs exprimée dans cette page n’engage que leur auteur et ne reflète d’aucune façon la position du journal. » M. Pelletier affirme que Mme Ouellet aurait exigé la publication « en totalité » de la lettre. De plus, il ajoute que le journal veut que le nom des auteurs d’une lettre ouverte figure dans le journal et dans le présent cas, il permettait d’identifier un jeune d’âge mineur. C’est le second motif sur lequel leur décision a été appuyée. De plus, il souligne que Mme Diane Ouellet l’avait avisé qu’elle ne voulait pas que le nom du jeune homme soit publié.
Il termine en précisant que l’hebdomadaire Info-Dimanche a été conforme à sa politique concernant la section « Opinion » du lecteur.
Réplique du plaignant
Réplique aux commentaires de M. François Drouin, journaliste :
Les plaignants commentent certains points soulevés dans les commentaires du journaliste. Premièrement, les plaignants se questionnent sur la valeur de la source du journaliste, quand ce dernier rapportait que Billy Ouellet avait 12 ans, dans ses commentaires il en avait 13, alors qu’en fait, il en a 14.
Deuxièmement, M. Drouin affirmait que les plaignants n’avaient pas voulu collaborer avec lui au moment où il écrivait son article, qu’ils ne désiraient que collaborer avec CIMT/CKRT-TV. Les plaignants soulignent qu’ils ont aussi accordé une entrevue à Ciel-FM. Les plaignants se demandent donc où le journaliste a pris de telles informations. De plus, s’ils avaient su que le journaliste s’intéressait à leur histoire, ils auraient pu le contacter.
En regard du suivi accordé par la ligue de hockey, selon les plaignants, la lecture de leur réplique aurait pu faire comprendre au journaliste que la plainte de Billy Ouellet n’était pas dans le dossier officiel de Hockey Rivière-du-Loup, mais qu’elle avait été perdue.
Les plaignants s’insurgent contre le fait que le journaliste les accuse de vouloir garder l’incident présent dans les médias, ils soulignent que M. Drouin en a tout de même fait une chronique. Et c’est pourquoi, ils tenaient à rétablir les faits.
M. Billy Ouellet conclut en soulignant qu’il a lui-même déposé la lettre pour publication le 7 janvier 2008, alors de toute évidence, il voulait que sa lettre soit publiée. Et c’est pour cette raison que sa sŒur Diane aurait téléphonée le 9 janvier, pour s’informer du suivi.
Réplique aux commentaires de M. Mario Pelletier, rédacteur en chef :
Mme Diane Ouellet aurait effectivement téléphoné au journal pour s’informer si la lettre serait publiée dans la section réservée à cette fin. Elle discuta avec M. Pelletier qui lui signifia qu’il n’avait pas lu la lettre et qu’il l’avait mis à la corbeille, étant donné que seulement un nom fictif y apparaissait. Le lendemain, Mme Ouellet remettait une autre lettre avec la signature de Billy Ouellet et celle de ses parents. S’étant conformé aux exigences, les plaignants espéraient que la lettre serait publiée. M. Pelletier téléphona chez les plaignants et discuta avec Diane Ouellet et lui indiqua qu’il pouvait la publier à 90 % avec les signatures. Il lui expliqua qu’il enlèverait les mots « horrifié » et « scandalisé », sur ce, Mme Ouellet lui expliqua que ces mots apparaissaient dans le texte de M. Drouin. Finalement, M. Pelletier ajoutait qu’il refusait de publier les remerciements en disant que c’était trop « téteux ».
Les plaignants soulignent qu’en aucun temps, ils ont refusé de publier leur réplique sans leur signature, mais avaient souligné à M. Pelletier que les deux agresseurs étaient mineurs. Par la suite, M. Pelletier accusa le journaliste Stéphane Tremblay, de CIMT-TV (TVA) d’être sensationnaliste. Il aurait ajouté que cette histoire n’aurait jamais dû paraître dans les médias et que finalement, c’était la faute des parents qui ne lui aurait pas appris à se défendre.
Bien que les plaignants disent constater que les versions des deux parties diffèrent, ils espèrent néanmoins que leur lettre sera publiée dans son intégralité.
Analyse
Le plaignant considérait que le journaliste n’avait pas été conforme à la réalité en relatant la chronologie de l’événement, et qu’il aurait commis une autre erreur en écrivant que Billy Ouellet avait « 12 ans », alors qu’il en avait 14. En regard de la chronologie de l’événement, le journaliste allègue qu’il a recueilli son information auprès du président de la ligue de Hockey Rivière-du-Loup.
En regard du propos relatant l’âge du plaignant, le seul endroit de la chronique où l’âge des intervenants est donné se lit comme suit : « Deux jeunes hockeyeurs de 12 ans ont uriné sur un de leur coéquipier ». à aucun endroit, le journaliste ne mentionne l’âge du plaignant. Le grief est rejeté.
Comme l’a maintes fois rappelé le Conseil, la chronique, le billet et la critique sont des genres journalistiques qui laissent à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Ils permettent aux journalistes qui les pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire.
Cependant, il est aussi de la responsabilité des entreprises de presse et des journalistes de veiller à transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation en plus de le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. Il convient par ailleurs qu’ils veillent à éviter les insinuations, surtout lorsque celles-ci risquent de porter préjudice à une personne ou à une organisation, même lorsque celles-ci sont publiées dans une chronique.
Le texte s’inscrivant dans le cadre d’une chronique, le journaliste n’avait pas à relater tous les détails entourant l’événement ou le suivi accordé à la plainte du jeune hockeyeur. Le choix du sujet et l’angle de traitement choisis par le journaliste lui appartiennent en propre. Le Conseil ne peut, à l’instar du plaignant, conclure qu’il y ait faute journalistique, parce que le journaliste n’aurait pas rédigé la nouvelle comme il l’aurait souhaité. Le grief est rejeté.
Au grief selon lequel le chroniqueur ne l’aurait pas contacté pour obtenir sa version des faits, M. Drouin rétorquait que seul le président de Hockey Rivière-du-Loup avait voulu répondre à ses questions et que la famille ne souhaitait accorder aucune entrevue, sauf à CIMT/CKRT-TV. Les plaignants soulignaient qu’ils avaient pourtant, en plus, accordé une entrevue à un autre média de la région.
En vertu des principes déontologiques régissant la chronique, le journaliste n’avait pas à recueillir l’opinion des plaignants avant la publication du texte. D’autant plus, que la version de ces derniers avait déjà été rendue publique sur deux autres tribunes médiatiques de la région. Le grief est rejeté.
Au grief suivant, le plaignant reprochait au chroniqueur d’avoir ridiculisé son histoire et de l’avoir qualifié « d’histoire à sensation ». Le journaliste se défend d’avoir voulu ridiculiser l’histoire du jeune Ouellet, d’ailleurs, il plaide en soulignant qu’il a vertement dénoncé l’attitude des deux jeunes hockeyeurs fautifs.
Après examen de la chronique, le Conseil conclut que le journaliste n’a pas dénigré l’histoire du jeune Ouellet de façon démesurée, il a surtout dénoncé le comportement des deux jeunes hockeyeurs fautifs. Le grief est rejeté.
En regard du grief selon lequel le journaliste reprochait à M. Ouellet de s’acharner à garder l’incident présent dans les médias, le plaignant répondait qu’il était important de dénoncer son histoire sur les tribunes publiques pour ne pas que ce genre d’événement se répète.
Bien que le journaliste reprochait au plaignant de vouloir rendre son histoire publique, il décidait pourtant, d’en faire une chronique. Le Conseil peut comprendre que les remarques formulées envers les plaignants, telles que : « Et puis, je me questionne aussi concernant l’utilité de rendre cet événement public. Je ne vois pas en quoi ça sert la cause du jeune hockeyeur, déjà marginalisé au sein de sa propre équipe de hockey. Je ne crois pas que cela facilitera sa réintégration au sein de l’équipe et avec ses autres coéquipiers qui doivent faire une « écoeurite » aigue de cette histoire », aient pu choquer ces derniers. Cependant, ces propos ne sont pas apparus outrepasser les limites autorisées par le journalisme d’opinion. Par conséquent, le grief est rejeté.
Finalement, le plaignant reprochait à Info-Dimanche de n’avoir pas publié intégralement sa réplique à la chronique du journaliste François Drouin qui le mettait en cause personnellement. à cet égard la direction du journal soulignait qu’elle avait proposé des modifications qui n’ont pas été acceptées par les plaignants et que la signature permettait d’identifier un mineur, ce qui était contraire à leur politique de publication de lettres ouvertes.
Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée. Les médias, s’ils peuvent apporter des modifications aux lettres qu’ils décident de publier, doivent toutefois veiller à ne pas en changer le sens ni trahir la pensée des auteurs.
Concernant les modifications proposées, les plaignants soumettaient que le rédacteur en chef proposait de couper le paragraphe contenant les mots « horrifié » et « scandalisé » et les remerciements qui s’adressaient à des médias concurrents. En analysant la lettre initiale en rapport avec les modifications demandées, il n’apparaît pas au Conseil que le sens des propos émis par le plaignant aurait subi une altération déraisonnable qui aurait trahi sa pensée. Le grief est rejeté.
Dans la mesure où les plaignants n’acceptaient que la publication intégrale de la lettre, le Conseil ne peut reprocher au média un manquement à l’éthique journalistique dans le traitement qu’il a donné à la lettre du plaignant.
Décision
Pour l’ensemble des motifs exposés, le Conseil de presse rejette la plainte de Mme Odette Caron et de MM. Bertrand et Billy Ouellet à l’égard du journaliste François Drouin et de l’hebdomadaire Info-Dimanche.
Analyse de la décision
- C08B Modification des textes
- C08D Identification des textes
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C12C Absence d’une version des faits
- C15D Manque de vérification
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches
- C17D Discréditer/ridiculiser