Plaignant
La Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs et M. Serge Pelletier, directeur
Mis en cause
M. Stéphane Tremblay, journaliste; Mme Christine Lepage, chef de pupitre; Mme Cindy Simard, directrice de l’information et le réseau CIMT-TVA – Rivière-du-Loup
Résumé de la plainte
La Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs porte plainte à l’encontre du journaliste Stéphane Tremblay et du réseau CIMT-TVA, concernant un reportage diffusé le 25 septembre 2007, dans l’émission « Le TVA 18 heures ». Elle reproche au journaliste des manquements en regard de la cueillette et de la pondération de l’information.
Griefs du plaignant
La Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs, par l’entremise de Me Sandra Bilodeau, porte plainte contre le journaliste Stéphane Tremblay et CIMT-TVA, pour avoir enfreint la Politique des communications (#24-2004), de la Commission scolaire en pénétrant sur le terrain d’une école, sans l’autorisation de cette dernière. Ce document prévoit que tout journaliste voulant pénétrer sur un terrain ou dans un bâtiment de la Commission scolaire afin de solliciter un élève ou un membre du personnel, doit demander une autorisation. La plaignante souligne que cette politique est connue de tous les médias de la région.
La plaignante explique qu’en septembre 2007, un incident est survenu à l’école primaire de Notre-Dame-de-Grâce. Un jeune garçon de 7 ans aurait proféré des menaces de mort à l’encontre de son professeur et aurait eu des comportements violents envers des élèves.
D’après Me Bilodeau, M. Stéphane Tremblay aurait pénétré dans l’école et aurait cherché à obtenir des déclarations du personnel, de même que d’élèves, et ce, sans permission.
La Commission scolaire déplore, de plus, que l’identité de l’enfant ait été dévoilée lors du bulletin de nouvelles, du 25 septembre 2007. Elle estime qu’il n’était pas dans l’intérêt public que soient divulgués autant le nom que l’image du jeune garçon et qu’une telle couverture médiatique pourrait être préjudiciable pour un enfant de cet âge.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Stéphane Tremblay, journaliste; Mmes Christine Lepage, chef de pupitre et Cindy Simard, directrice de l’information
Les plaignants relatent leur version des faits, selon laquelle le 24 septembre 2007, à la suite des témoignages de quelques informateurs, ils auraient décidé de faire un reportage sur cet événement qui semblait inquiéter plusieurs citoyens de Rivière-Bleue. Le journaliste aurait téléphoné à la directrice de l’école, Mme Lise Nadeau, à plusieurs reprises, sans succès. En fin d’après-midi, n’ayant toujours pas reçu de retour d’appel, le journaliste décidait de se rendre sur place car l’heure de tombée était à 15 h 30.
à son arrivée, sur l’heure du midi, les portes de l’école n’étaient pas barrées. Le journaliste et le caméraman ont pénétré à l’intérieur dans l’espoir de rencontrer Mme Nadeau. M. Tremblay a croisé un membre du personnel, s’est présenté et a demandé où il pouvait trouver Mme Nadeau; la dame les aurait conduit au bureau de la directrice qui était absente pour le dîner.
Les mis-en-cause affirment que lors de leur passage, dans l’école, à aucun moment le journaliste n’a demandé à la dame de commenter la situation et qu’aucun élève n’a été croisé, donc aucune entrevue n’a été sollicitée, comme l’indique la plaignante, et aucune image n’a été prise à l’intérieur de l’école.
Pendant que le journaliste et le caméraman attendent la directrice, quelques images sont prises à l’extérieur de l’école dans la cour; images, soulignent-ils, brouillées. Mme Nadeau accepte donc d’accorder une entrevue à 15 h 30. Entre-temps, le journaliste réalisera une entrevue avec la mère et l’enfant, à la résidence de cette dernière.
De retour vers 15 h 15, le caméraman prendra d’autres images de la cour d’école et des enfants viendront vers eux, à la sortie des classes. La directrice serait alors intervenue en demandant aux enfants de ne pas leur parler et de rentrer chez eux.
Comme prévue, à 15 h 30, Mme Nadeau accorda une entrevue au journaliste, mais refusa d’être filmée. Après discussions, elle accepta d’être filmée et l’entrevue sera réalisée. Il est alors 16 h 15 et l’heure de tombée est dépassée, le reportage sera donc diffusé le lendemain.
Les mis-en-cause soulignent que de la décision de diffuser l’image du garçon, a été prise avec l’accord de la mère. Cette dernière a accepté d’accorder une entrevue dans le but de montrer que son fils avait besoin davantage d’aide que d’être jugé. Selon les mis-en-cause, cette décision revient à la mère et non à la Commission scolaire.
Réplique du plaignant
La plaignante fait remarquer que M. Tremblay reconnaît être entré dans l’école, sans les autorisations préalables et aurait admis également connaître la politique de la Commission scolaire s’appliquant à l’école. Cela confirmerait donc le premier reproche formulé dans leur plainte.
Ensuite, la plaignante mentionne que, même si la mère de l’enfant a consenti au reportage, elle reproche que ce dernier ait été identifié. Selon la plaignante, le journaliste aurait exploité la vulnérabilité de cette femme.
Analyse
Tel que précisé dans le guide Droits et responsabilités de la presse, les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements sans entrave, ni menace ou représailles. Toutefois, lors de la collecte d’information, les journalistes doivent bien soupeser et mettre en équilibre leur devoir d’informer et le respect des droits de la personne. C’est là une question de probité et d’intégrité professionnelles. Le public, pour sa part, a le droit d’être informé sur ce qui est d’intérêt public, et la presse a le devoir de l’en informer.
Au premier grief reproché, la plaignante dénonçait l’attitude du journaliste, selon laquelle il aurait utilisé des images d’élèves sans le consentement de l’école et aurait cherché à obtenir des déclarations du personnel et des élèves; ce que réfutent les mis-en-cause.
Bien que la plaignante signalait qu’une Politique de communications établissait les règles à suivre pour pénétrer sur le terrain d’une école, rien n’indique que le journaliste ait outrepassé les règles permises à l’éthique journalistique pour recueillir son information. à cet effet, le journaliste affirmait avoir tenté à plusieurs reprises de contacter la directrice de l’école, et ce, sans succès. La liberté rédactionnelle autorisait le journaliste à choisir le matériel qu’il jugeait le plus à propos pour transmettre son information. Le visionnement du reportage a démontré au Conseil que les mis-en-cause ont pris des précautions pour respecter la règle de l’anonymat des enfants, en brouillant les visages de ces derniers. Le grief est par conséquent rejeté.
En regard du grief selon lequel le journaliste aurait tenté d’interroger des membres du personnel et des élèves, le Conseil, se retrouvant devant des affirmations contradictoires, ne peut statuer. Dans cette situation, il rejette le grief.
Au deuxième grief soulevé par la plaignante, celle-ci soumettait que le journaliste aurait tiré une histoire sensationnaliste de l’événement en identifiant le jeune garçon dans un reportage télé. Les mis-en-cause considèrent que le média était justifié de faire une entrevue avec le jeune garçon, d’autant plus que la mère y aurait librement consenti.
Selon le Conseil, lorsque des faits, des événements et des situations mettent en cause le droit à la vie privée et à l’intimité des personnes, la presse doit bien soupeser et mettre en équilibre son devoir d’informer et le respect des droits de la personne. La liberté de la presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les médias devaient s’interdire d’informer la population sur des sujets délicats. Toutefois, les professionnels de l’information doivent prendre les plus grandes précautions pour éviter d’exploiter ces situations, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une personne mineure.
Or, le reportage révélait un trouble de comportement du jeune garçon, ce qui est expliqué par la mère. Cette dernière soulignait particulièrement le besoin en ressources que requièrent les difficultés de son fils. De plus, le Conseil n’a pas perçu à l’écoute du reportage, que la mère n’aurait pas consenti librement à accorder une entrevue. On constate que le reportage dans son ensemble était respectueux des personnes impliquées. En conséquence et considérant que la mère du jeune garçon a choisi de livrer publiquement et en toute connaissance de cause son témoignage, le reportage n’apparaît donc pas sensationnaliste aux yeux du Conseil. Le grief est rejeté.
Décision
Compte tenu des motifs précédemment exposés, le Conseil de presse rejette la plainte de la Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs contre le journaliste Stéphane Tremblay, et le réseau CIMT-TVA.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C23H Interview et images d’enfants