Plaignant
L’après-rupture et M. Jean-Pierre Gagnon, directeur de recherche
Mis en cause
M. Mario Boulianne, journaliste; M. André Larocque, rédacteur en chef et le quotidien Le Droit
Résumé de la plainte
M. Jean-Pierre Gagnon dépose une plainte contre le quotidien Le Droit et son journaliste, M. Mario Boulianne, pour avoir utilisé des chiffres qui seraient faux, farfelus, gonflés et dénués de fondements scientifiques, tentant de démontrer qu’il y aurait un fléau d’agressions sexuelles à l’endroit des femmes au Québec.
Griefs du plaignant
Au nom de son organisme, M. Jean-Pierre Gagnon porte plainte contre M. Mario Boulianne, journaliste, et le quotidien Le Droit. Le plaignant déplore que dans son article paru le 8 février 2008, sous le titre « Vente aux enchères au profit du CALAS », « le journaliste utilise des chiffres qui seraient faux, farfelus, gonflés, dénués de fondements scientifiques pour tenter de démontrer aux lecteurs qu’il y aurait fléau d’agressions sexuelles à l’endroit des femmes au Québec ». Selon le plaignant, le journaliste ne citerait aucune source fiable et impartiale à l’appui de ces chiffres.
Le plaignant explique que si le journaliste avait consulté les plus récents chiffres compilés par le ministère de la Sécurité publique du Québec, soit ceux de 2005, « il aurait constaté qu’il y a eu 5 144 cas de PRéSUMéES agressions sexuelles au Québec ».
Le plaignant précise aussi qu’il s’agit de cas rapportés aux policiers et non de condamnations. M. Gagnon ajoute que le Ministère fait la distinction entre trois types d’agressions sexuelles, selon l’acte présumé.
Comme le texte du quotidien indiquait « 87 000 Québécoises de 15 ans et plus », le plaignant en conclut que les lecteurs du quotidien Le Droit ont été mal informés par le journaliste qui a versé, selon lui, dans le sensationnalisme.
Commentaires du mis en cause
M. André Larocque, rédacteur en chef explique le contexte dans lequel a été publiée la nouvelle intitulée « Vente aux enchères au profit du CALAS ».
M. Larocque situe ensuite la chronique de M. Boulianne, publiée trois fois par semaine depuis dix ans. La page en question « est ouverte à tous les organismes sportifs, culturels et socio-communautaires des deux côtés de la rivière des Outaouais pour faire la promotion des événements qu’ils chapeautent ou pour en souligner la réussite ».
C’est dans ce cadre que, le 8 février, le quotidien a publié une photo accompagnée d’un bas de vignette à la suite d’une conférence de presse tenue la veille par le CALAS de l’Outaouais pour annoncer la tenue d’une soirée bénéfice.
M. Larocque ajoute que c’est le journaliste Charles Thériault qui a couvert la conférence de presse, et qui a rédigé le bas de vignette à partir du communiqué et des dépliants distribués par le CALAS au point de presse.
à la suite de la démarche de M. Jean-Pierre Gagnon pour contester les chiffres publiés, le chef des nouvelles du quotidien, M. Jean Gagnon, lui a expliqué que les chiffres publiés provenaient des données colligées par le CALAS qui cite, entre autres, Statistique Canada parmi ses sources d’information. Le chef des nouvelles a aussi ajouté que le quotidien n’a pas erré en publiant ces informations et qu’il n’avait pas l’intention d’apporter de rectificatif à ce sujet.
M. Larocque termine en indiquant qu’en aucun moment Le Droit n’avait douté des informations fournies par le CALAS et qui ont servi à rédiger le texte accompagnant la photo qui a été publiée; et que lorsque la situation le justifie, son journal fait amende honorable et s’empresse de publier les précisions ou les rectificatifs qui s’imposent.
Réplique du plaignant
Le plaignant répond que les documents d’appuis fournis par le journal Le Droit confirment que le journaliste a mal informé ses lecteurs. En effet, selon lui, « il a utilisé des chiffres publiés par le Regroupement Québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) datant d’aussi loin que de 1990 pour les appliquer à 2008 ».
Le plaignant ajoute que le document du regroupement des CALACS utilisé par le journaliste est imprécis en regard de ses sources. Le journaliste aurait donc « fait siennes des statistiques et de douteuses recherches qui ne reflètent aucunement la réalité actuelle des agressions sexuelles au Québec ».
Le plaignant en conclut que « si l’on utilise la méthode journalistique de monsieur Mario Boulianne, tout journaliste pourrait ainsi appliquer des statistiques concernant le taux de chômage en 1990 et affirmer que ce sont celles de 2008… ». Il considère donc qu’il s’agit d’un « manque de rigueur intellectuelle » de sa part.
Analyse
Le plaignant reprochait aux mis-en-cause d’avoir « utilisé des chiffres faux, farfelus, gonflés et dénués de fondements scientifiques, tentant de démontrer ainsi qu’il y avait fléau d’agressions sexuelles à l’endroit des femmes au Québec ». Le Conseil a considéré le grief sous deux aspects : la crédibilité des sources et la validité des données.
Le plaignant estimait que les sources utilisées par le quotidien n’étaient pas crédibles. Après vérification, il est apparu au Conseil que rien dans les documents fournis par le plaignant ne démontrait que les sources utilisées par les mis-en-cause et issues du CALAS de l’Outaouais – notamment Statistique Canada – n’étaient pas crédibles ou n’existaient pas.
En ce qui a trait à la valeur des données, le plaignant affirmait que les chiffres utilisés comme source par le quotidien dataient et n’étaient plus valables. Toutefois, jamais le plaignant n’a démontré qu’ils étaient différents de ceux du ministère de la Sécurité publique qu’il utilisait lui-même en référence ou qu’ils étaient inexacts.
Toujours en matière de validité des données, l’examen des documents par le Conseil conduit à un autre constat : le bas de vignette du journal précisait « qu’environ 87 000 Québécoises de 15 ans et plus sont agressées à tous les ans », ce que contestait le plaignant. Ce dernier répondait que les données de 2005 du ministère de la Sécurité publique du Québec indiquaient plutôt qu’on « aurait constaté qu’il y a eu 5 144 cas de PRéSUMéES agressions sexuelles au Québec ». Or, le nombre utilisé par le plaignant dans son grief était celui des agressions « déclarées » alors que celui publié par les mis-en-cause était celui des agressions « réelles », telles qu’estimées par le CALAS de l’Outaouais.
En outre, le document source du CALAS déposé en preuve au Conseil indiquait que seulement 6 % des agressions sexuelles étaient effectivement déclarées. Le croisement de ce pourcentage avec le chiffre de « 5 144 » fourni par le plaignant a révélé le nombre de 85 730 agressions « réelles », soit 98.5 % du « 87 000 » inscrit dans le bas de vignette du journal, confirmant par le fait même la validité des chiffres du journal.
Comme ni la démonstration du plaignant ni l’analyse des données par le Conseil n’ont révélé que les sources pouvaient manquer de crédibilité et que les données publiées pouvaient présenter des lacunes dans leur exactitude et leur validité, le grief n’a pas été retenu.
Décision
Ainsi, pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Jean-Pierre Gagnon contre le journaliste M. Mario Boulianne et le quotidien Le Droit.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C15E Fausse nouvelle/information