Plaignant
M. Louis Langelier
Mis en cause
Mme Sophie Thibault, chef d’antenne; M. Serge Fortin, vice-président information; l’émission « Le TVA 22 heures » et le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. Louis Langelier porte plainte contre le réseau TVA pour avoir utilisé le bulletin de nouvelles à des fins d’autopromotion de l’émission « J.E. ».
Griefs du plaignant
M. Langelier commence par expliquer que, lors du bulletin de nouvelles de 22 heures le 24 janvier 2008, le réseau TVA a présenté un reportage d’environ trois minutes portant sur les quinze ans de l’émission « J.E. », produite et diffusée par le Groupe TVA.
Le plaignant mentionne également qu’après le lancement du reportage par Mme Thibault, M. Michel Jean, son collègue et coanimateur de l’émission « J.E. », a procédé à un bref historique de l’émission en terminant sur ces mots : « mais la mission de « J.E. » reste encore aujourd’hui la même : vous aider ». M. Langelier explique qu’au cours du reportage suivront les témoignages de Mme Jocelyne Cazin, ex-animatrice de l’émission, M. Philippe Lapointe, ancien vice-président information et Affaires publiques du réseau et M. Serge Fortin, l’actuel vice-président.
Il précise que, tout au long du reportage, un bandeau au bas de l’écran, comportant le logo de l’émission « J.E. », indiquait « 15 ans au service des citoyens ». à la fin du reportage, ce même bandeau aurait indiqué « Demain soir 19 heures ».
De l’avis du plaignant, ce qui fut présenté aux téléspectateurs comme un reportage n’était autre qu’un exercice d’autopromotion visant à inciter le public à regarder l’émission dès le lendemain ainsi qu’à consulter le site Internet. Il ajoute qu’il considère cette pratique comme « tout à fait inappropriée ». Il rappelle à cet effet que le Conseil de presse a déjà retenu une plainte pour ce même motif, contre le réseau TVA, en 2007. Pour M. Langelier, le droit du public à une information objective doit passer avant les intérêts commerciaux du réseau qui doit prendre soin de séparer l’information de la publicité afin de ne pas paraître en conflit d’intérêts auprès des téléspectateurs. Il fait par ailleurs mention d’une enquête publiée dans le quotidien Le Devoir les 2 et 3 février 2008 où il aurait été démontré que « les journalistes de Quebecor sont les plus exposés à ce genre de demande de couverture autopromotionnelle qui vise à satisfaire les intérêts de l’entreprise privée ».
Pour conclure, M. Langelier explique qu’une vigilance de tous les instants s’impose pour éviter ce qu’il assimile à de la confusion des genres.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mme Véronique Dubois, conseillère juridique pour le réseau TVA :
La représentante des mis-en-cause mentionne d’abord que Mme Thibault et M. Fortin ne partagent pas les conclusions du plaignant. Elle précise que les bulletins de nouvelles ont pour vocation de fournir un compte-rendu complet des événements qui font l’actualité et de fournir une multitude d’informations sur divers sujets. Elle ajoute que chaque réseau, pour chaque bulletin de nouvelles, est libre de choisir quels sujets et événements il souhaite traiter, de l’importance qu’il leur accordera et de l’angle sous lequel il sera présenté.
De son avis, la relation que le public québécois entretient avec la télévision francophone mérite qu’on s’y attarde. Dans ce même ordre d’idées, la longévité d’une émission comme « J.E. », en ondes depuis près de 15 ans et qui diffusait sa 500ème émission, constituait un événement de la scène télévisuelle québécoise digne d’attention. C’est dans cette perspective que le réseau TVA aurait diffusé un reportage introduit par M. Jean, journaliste et coanimateur de l’émission « J.E. ».
Concernant le précédant identifié par le plaignant, la représentante des mis-en-cause explique que le Conseil de presse a reconnu que le réseau TVA pouvait diffuser l’entrevue avec l’animatrice d’une de ses émissions sur l’espace prévu pour les nouvelles culturelles. Ce faisant, il aurait reconnu le droit pour un réseau de télévision, de parler de ses propres émissions. Mme Dubois apporte une précision en expliquant qu’il s’agit, dans le cas de « J.E. », d’une émission d’affaires publiques, et non de divertissement comme dans la décision issue de la jurisprudence du Conseil.
Réplique du plaignant
M. Langelier s’oppose aux mis-en-cause sur la question de la liberté rédactionnelle qui, bien qu’elle permettait au réseau de faire la promotion de l’émission « J.E. », ne lui imposait pas de le faire dans le cadre de son bulletin de nouvelles. Il constate que les mis-en-cause n’ont pas relevé son injonction quant au bandeau défilant au bas de l’écran ainsi qu’aux commentaires qu’il qualifiait de « promotionnels » sur « les nouveaux moyens de vous servir avec un site Internet efficace, pertinent, rempli d’information et de références utiles ».
Le plaignant reprend l’argument de Mme Dubois pour lui accorder que les sujets traités dans le cadre de l’émission « J.E. » sont bien le reflet de l’actualité du mode de la consommation et que ces mêmes sujets peuvent être traités dans le cadre d’un bulletin de nouvelles. Il réitère toutefois que la promotion d’une telle émission n’est pas en soi une nouvelle et qu’elle n’est, de son avis, pas pertinente dans le cadre d’un bulletin de nouvelles.
Analyse
Dans sa plainte contre le Groupe TVA et son reportage portant sur les quinze ans de l’émission « J.E. », diffusé dans le cadre du « TVA 22 heures » le 24 janvier 2008, M. Louis Langelier formulait plusieurs reproches en regard de l’indépendance entre les secteurs de l’information et de la publicité, de l’impartialité de l’information ainsi que de l’apparence de conflit d’intérêts.
Quant au choix du sujet, le Conseil insiste sur le fait que les médias d’information bénéficient d’une grande liberté rédactionnelle. Ils peuvent en effet choisir leurs propres sujets et décider de l’importance qu’ils entendent leur accorder. Par conséquent, le Conseil a estimé que les mis-en-cause pouvaient traiter de l’événement que constituait le 15ème anniversaire d’une émission de grande écoute au Québec.
M. Langelier déplorait ensuite que le lancement du reportage ait été fait, à la suite de la présentation de Mme Sophie Thibault, par M. Michel Jean, son collègue et coanimateur de l’émission « J.E. ». Sur ce point, le Conseil rappelle que les entreprises de presse doivent veiller à ce que, par leur affectation, leurs journalistes ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts ni d’apparence de conflit d’intérêts et ce, afin de préserver la confiance du public quant à l’indépendance et à l’intégrité de l’information qui lui est livrée et envers les médias et les professionnels de l’information qui la collectent, la traitent et la diffusent.
Compte tenu des fonctions d’animateur qu’occupe M. Jean pour l’émission « J.E. », le Conseil conclut qu’en prenant part au lancement d’un reportage portant sur les quinze ans de cette même émission et diffusé au bulletin de nouvelles celui-ci aurait dû être clairement identifié comme en étant l’animateur afin d’écarter toute confusion possible de la part du téléspectateur.
En second lieu, le plaignant déplorait le fait que les trois personnes qui ont été interrogées dans le cadre du reportage aient toutes été des employés du réseau TVA. Or, il est un principe, selon le guide des Droits et responsabilités de la presse que dans le cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition.
Le Conseil remarque dans un premier temps que cinq personnes se sont exprimées dans le cadre du reportage, trois d’entre elles étant en effet des employés du réseau TVA. Puisque des intervenants de l’extérieur étaient également présents, le Conseil estime que l’équipe de rédaction pouvait librement choisir d’interroger des personnes travaillant pour le réseau TVA et ayant connaissance de l’émission sur laquelle portait le reportage.
Enfin, M. Langelier dénonçait ce qu’il identifiait comme de l’autopromotion faite par le réseau TVA durant le reportage et ce, au moyen de bandeaux portant les inscriptions « J.E. : 15 ans au service des citoyens » et « J.E. : demain soir 19 heures » ainsi qu’au travers d’une courte promotion pour le nouveau site Internet de l’émission, réalisée à la fin du reportage.
À ce sujet, le Conseil rappelle que les médias doivent s’interdire de faire leur propre publicité ou la promotion de leur programmation sous la forme de nouvelles ou de reportages. L’analyse a permis de démontrer d’une part que le bandeau défilant « J.E. : demain soir 19 heures » ainsi que la courte présentation du site Internet à la fin du reportage étaient des actes à caractère promotionnel qui induisaient une confusion, pour le téléspectateur, entre le traitement impartial de l’information et les activités commerciales du réseau. L’analyse a également permis de relever que, non seulement la présentation du site Internet à la fin du reportage a été effectuée par une des recherchistes de l’émission « J.E. », Elsa Babaï, mais également que celle-ci était l’auteur du reportage. Or, il est un principe reconnu que les entreprises de presse doivent veiller à ce que, par leur affectation, les journalistes ne se retrouvent pas en situation de conflit d’intérêts. Le grief est donc retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Louis Langelier à l’encontre du Groupe TVA pour autopromotion et conflit d’intérêts.
Analyse de la décision
- C13C Manque de distance critique
- C21C Traitement à caractère promotionnel
- C22F Liens personnels