Plaignant
Mme Marie-Claude Montpetit
Mis en cause
M. Jed Kahane, directeur de l’information et des affaires publiques et le réseau CTV
Résumé de la plainte
Mme Marie-Claude Montpetit porte plainte contre le réseau CTV pour n’avoir pas accordé un suivi diligent et rigoureux au processus judiciaire dans le cadre d’affaires juridiques la concernant.
Griefs du plaignant
Selon Mme Montpetit, le réseau CTV a fait preuve d’acharnement à son encontre depuis 2003. Des journalistes l’auraient piégée au moyen de caméras cachées, auraient fait irruption à son lieu de travail ainsi qu’à son domicile, auraient incité sa clientèle à déposer des plaintes à son encontre et auraient diffusé de l’information inexacte concernant des plaintes non fondées déposées contre elles.
Au mois de septembre 2006, à la suite de son premier acquittement, la plaignante explique avoir souhaité que cette nouvelle soit rendue publique, ce qui ne fut pas le cas. Elle ajoute avoir été de nouveau acquittée en février 2008 et estime, à cet effet, que le réseau CTV devait se conformer à ce qu’elle identifie comme étant une obligation lui incombant de publier cette nouvelle.
Compte tenu des dommages qu’elle estime lui avoir été occasionnés, Mme Montpetit souhaitait que tous les reportages ayant été diffusés en ondes et qui font l’objet d’une publication permanente sur Internet, soient retranchés ou du moins corrigés en conséquence des débats et conclusions qui furent rendues lors des verdicts.
De l’avis de la plaignante, le réseau ne pouvait diffuser de l’information la concernant, puisque celle-ci ne serait pas de type judiciaire. En plus d’attenter à la présomption d’innocence, l’information diffusée consistait, pour Mme Montpetit, en un procès par les médias. La plaignante reprochait également aux journalistes d’avoir omis d’assurer un suivi rigoureux et diligent de l’information judiciaire. Elle leur reprochait plus précisément de ne pas avoir diffusé d’information relative à ses acquittements, alors que son inculpation et sa mise en accusation ont été couvertes. Elle ajoute que des informations supposant l’existence d’antécédents judiciaires la concernant auraient également été diffusées, alors qu’il s’agirait de plaintes sans preuve et donc non admissibles devant les tribunaux.
De l’avis de Mme Montpetit, les journalistes du réseau CTV ont été influencés par leurs intérêts personnels et ceux des personnes qui offraient l’information. Elle leur reproche d’avoir voulu promouvoir, orienter et influencer l’information. De son avis, cela aurait eu pour effet de porter atteinte à la confiance du public ainsi qu’à l’indépendance et l’intégrité de l’information diffusée.
La plaignante ajoute que les affectations confiées aux journalistes plaçaient ceux-ci dans des situations de conflit ou d’apparence de conflit d’intérêts et ce, compte tenu des relations privées que ces personnes entretiendraient avec les fournisseurs des informations. Pour elle, ils ne se seraient pas montrés assez prudents et attentifs aux tentatives de manipulation de l’information.
De son avis, l’information diffusée, relativement à sa condition d’inculpée et d’accusée, aurait cultivée et entretenue des préjugés à son égard. Ces informations auraient, par ailleurs, été diffusées dans des termes qui tendraient à soulever le mépris et la haine, encourager la violence et heurter sa dignité.
Elle estime que l’information livrée au public n’était pas complète ou rigoureuse ni même conforme aux faits et événements. Mme Montpetit ajoute que la décision du réseau de ne pas diffuser les informations relatives à ses acquittements n’aurait pas été prise dans un esprit d’équité et de justice.
Selon elle, les journalistes du réseau CTV auraient omis de faire preuve d’esprit critique tant à l’égard des sources d’information que des informations obtenues. Ces derniers auraient omis de prendre tous les moyens en leur possession pour vérifier, auprès de sources indépendantes, l’authenticité des informations obtenues. Mme Montpetit ajoute qu’ils auraient commis des gestes qui affectaient la crédibilité et la fiabilité de leurs sources d’information en plus d’avoir refusé de considérer l’information qui leur a été transmise par des sources indépendantes.
La plaignante reprochait enfin à ces derniers d’avoir usé de fausses identités ou de ne pas s’être clairement identifiés, lorsqu’ils ont tenté d’obtenir de l’information de sa part. Selon elle, ces derniers auraient eu recours à l’abus de confiance et ce, en diffusant des conversations tenues avec elle, malgré une interdiction formelle de sa part à cet effet.
Selon Mme Montpetit, l’information recueillie et diffusée dérogeait aux droits fondamentaux de sa clientèle et de sa famille à la vie privée, à l’intimité, à la dignité et au respect de la réputation.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Barry Wilson, directeur exécutif de l’information :
M. Wilson s’oppose aux allégations de la plaignante et explique que les diffuseurs lui semblent avoir la prérogative de déterminer quelles histoires ils souhaitent ou non rapporter. Il attire l’attention du Conseil sur la limite des six mois au-delà de laquelle il n’est plus possible de considérer le matériel journalistique comme élément d’analyse participant à une décision.
Il ajoute que la rédaction est prête à mettre à jour son site Internet en indiquant que :
– Mises en accusation devant la Cour criminelle : la plaignante fut acquittée des quatre accusations criminelles qui pesaient contre elles;
– Barreau du Québec : elle fut, devant le Barreau de Montréal, acquittée d’une affaire et condamnée pour s’être faussement représentée comme avocate;
– Mises en accusation devant la Cour civile : elle fut condamnée à trois reprises devant la cour civile pour des affaires relatives à ses occupations professionnelles en matière d’immigration;
– Société canadienne des consultants en immigration : Mme Montpetit n’est toujours pas membre de la Société canadienne des consultants en immigration et ce, parce qu’elle n’en a jamais passé l’examen.
Réplique du plaignant
à cette étape du processus, Mme Montpetit requiert que soit fait un suivi des propositions de rectifications exposées par la partie mise en cause.
Commentaires à la réplique
Les mis-en-cause reproduisent ici les commentaires initiaux qu’ils ont formulés à la plainte de Mme Montpetit.
RéPLIQUE AUX COMMENTAIRES DES MIS-EN-CAUSE:
La plaignante explique que les propositions faites par les mis-en-cause sont inacceptables pour les raisons suivantes :
– Mises en accusation devant la Cour criminelle : la plaignante estime que la justification proposée par la rédaction est inexacte puisqu’elle n’aurait jamais été accusée dans le cadre de plusieurs dossiers criminels et n’en a, de fait, pas non plus été acquittée;
– Barreau du Québec : Mme Montpetit juge la rectification proposée également inacceptable puisqu’inexacte;
– Mises en accusation devant la Cour civile : elle formule le même commentaire concernant les accusations civiles;
– Société canadienne des consultants en immigration : à son avis, la rectification proposée est là aussi inexacte et donc inacceptable.
Mme Montpetit conclut que, compte tenu de la fausseté des rectifications qui lui ont été proposées, elle ne peut accepter celles-ci.
Analyse
Mme Marie-Claude Montpetit portait plainte contre le réseau CTV. Bien qu’elle formule contre ce dernier un certain nombre de reproches, la plupart d’entre eux n’ont pu être pris en considération, considérant qu’ils sont trop généraux ou qu’ils s’étendent au-delà du délai de prescription en vigueur. Le grief qui suit est le seul sur lequel le Conseil peut se prononcer.
Grief 1 : accorder un suivi à une affaire
La plaignante déplorait que le réseau CTV ne se soit pas conformé à l’obligation qui, selon elle, lui incombait de publier une nouvelle concernant son acquittement survenu en février 2008.
Or, il est un principe que : « La presse doit assurer un suivi rigoureux et diligent de l’information et accorder autant d’importance à l’acquittement d’un prévenu qu’à son inculpation ou à sa mise en accusation. » DERP, p. 45
Après analyse, le Conseil a constaté que la cause à laquelle faisait référence Mme Montpetit a été jugée devant la Cour criminelle et pénale du Québec et que le verdict date du 11 février 2008. Le réseau CTV avait donc l’obligation de diffuser une information concernant l’acquittement de Mme Montpetit s’il avait, par le passé, diffusé de l’information relative à sa mise en accusation. Or, la plaignante n’a pas présenté la preuve d’une telle diffusion et, de son côté, le télédiffuseur a refusé de fournir cette information, expliquant que cette demande ne respectait pas le délai de prescription en vigueur au Conseil de presse.
Le règlement du Conseil se lit comme suit : « à moins de circonstance exceptionnelle que le plaignant doit établir, une plainte doit être soumise dans un délai de six mois suivant la publication ou la diffusion de l’objet visé par la plainte. » (Article 3.10, Règlement No 3).
Pour le Conseil, il est clair que la plainte de Mme Montpetit ne porte pas sur le possible reportage diffusé par CTV lors de son accusation, mais bien sur l’absence de suivi lors de son acquittement. Le délai de prescription est donc respecté. Il est également clair, pour le Conseil, que le réseau CTV avait l’obligation de l’informer de l’existence d’un tel reportage non pas pour en faire l’examen, mais afin de déterminer l’obligation qu’avait le réseau de présenter un suivi au procès de Mme Montpetit. Son refus de fournir cette information est basé sur une interprétation abusive de l’article 3.10 du Règlement No. 3 du Conseil de presse et constitue, par conséquent, un manque de coopération.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse blâme le réseau CTV pour manque de collaboration. Ne disposant pas d’information suffisante, le Conseil ne peut se prononcer sur la plainte formulée par Mme Marie-Claude Montpetit.
Analyse de la décision
- C02C Accorder un suivi à une affaire