Plaignant
M. Réjean Beaulieu
Mis en cause
Mme Mireille Allaire, journaliste; Mme Geneviève Guay, directrice traitement des plaintes et affaires générales et la radio RDI-SRC
Résumé de la plainte
M. Réjean Beaulieu reproche au service d’information de Radio-Canada de ne pas avoir traité des résultats de la consultation citoyenne en ligne, initiée par Patrimoine canadien, dans son reportage concernant l’événement synthèse des consultations régionales tenues par le même ministère et qui se déroulait le même jour.
Griefs du plaignant
M. Beaulieu reproche à la journaliste Mireille Allaire de ne pas avoir traité dans son reportage des résultats de la consultation citoyenne rendus publics sur le site Internet de Patrimoine canadien le même jour. Dans sa couverture de l’événement synthèse tenu à huis clos par l’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick M. Bernard Lord, la mise-en-cause n’aurait pas non plus cherché à obtenir la réaction des participants sur la question du nombre de répondants, que le plaignant qualifie de « faible », à la consultation en ligne. Or, selon M. Beaulieu, cette consultation nationale en ligne avait été annoncée au début du mois de décembre 2007 par la ministre du Patrimoine canadien et de la Condition féminine Josée Verner et avait pour but de contribuer à l’élaboration du plan d’action aux langues officielles.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mireille Allaire, journaliste :
La mise-en-cause précise d’abord que le 24 janvier 2008, elle a été affectée pour RDI et Radio-Canada à la couverture de l’événement synthèse des consultations citoyennes tenues par M. Bernard Lord dans sept villes canadiennes. Elle explique qu’une dizaine de personnes ont à cet effet été réunies à Ottawa. C’était, de son avis, « l’occasion de rappeler aux téléspectateurs ce qu’étaient ces consultations, ce qui en était ressorti, ce qu’étaient les attentes face au rapport Lord, en plus de demander pourquoi ces consultations étaient tenues à huis clos ».
Mme Allaire explique que, la même journée, Patrimoine canadien a rendu public, en ligne, le résumé d’une consultation citoyenne tenue parallèlement sur Internet. Elle ajoute que la consultation citoyenne en ligne et les consultations sur invitation étaient « deux choses distinctes », la consultation en ligne ne faisant pas partie de l’événement synthèse. Le résultat de la consultation en ligne n’aurait d’ailleurs été dévoilé le même jour que par hasard. La mise-en-cause explique avoir choisi de se concentrer sur l’événement synthèse en parlant sur place à des gens qui avaient participé aux réunions à huis clos. Elle ajoute que ce sont les gens qui étaient présents qui lui ont fait part des grands enjeux qui avaient été abordés lors des réunions. La mise-en-cause dit avoir pris soin de parler à des gens d’un peu partout au pays pour prendre le pouls de ce qu’ils pensaient. Elle ajoute que sur place, il fut en grande partie question du programme de contestation judiciaire. C’est la raison pour laquelle ce sujet fut abordé avec M. Lord lors du reportage.
Mme Allaire termine en expliquant que ce dernier n’a pas souhaité faire connaître les conclusions qu’il tirait de ces consultations au moment de l’entrevue, préférant attendre le dévoilement du rapport par la ministre. Pour ce qui concerne le nombre de participants aux consultations, Mme Allaire mentionne que le chiffre qui lui a été donné lors de l’événement synthèse ne l’a pas particulièrement surprise.
Commentaires de Geneviève Guay, directrice traitement des plaintes et affaires générales :
Mme Guay précise qu’elle endosse en tous points les commentaires qui ont été formulés par Mme Allaire.
Réplique du plaignant
Pour M. Beaulieu, la définition que donne la mise-en-cause de l’événement synthèse est étroite puisqu’elle n’inclue pas la consultation citoyenne en ligne. Or, le plaignant explique que le communiqué de presse émis lors du lancement des consultations le 3 décembre 2007 par Patrimoine canadien mentionnait que : « M. Lord présentera un rapport sur les consultations à la ministre Verner avant l’événement synthèse, qui aura lieu à la mi-janvier 2008, à Ottawa. Durant cet événement synthèse, la ministre Verner sera accompagnée de M. Lord lorsqu’elle présentera les résultats des consultations régionales et des consultations en ligne ». De l’avis du plaignant, cela signifie que le citoyen était en droit de s’attendre à ce que les journalistes fassent le compte-rendu des deux formes de consultation.
Ainsi pour M. Beaulieu, le fait que le dévoilement le même jour des résultats de la consultation en ligne soit qualifié de « hasard » révèle un manque de rigueur. Selon lui et si Patrimoine canadien avait choisi de modifier ce qui a été annoncé lors du lancement de l’événement, le citoyen aurait dû en être informé dans le reportage de Mme Allaire.
Il ajoute que la mise-en-cause a reconnu avoir pris connaissance du nombre de participants présents aux consultations durant l’événement synthèse, ce qui, pour le plaignant, démontre que le sujet fut abordé durant celui-ci. Pour lui, le reportage aurait également pu expliquer que la consultation en ligne se limitait à l’envoi de courriels aux répondants et qu’ainsi le même nombre d’individus ont participé à cette consultation et aux consultations citoyennes régionales.
Selon M. Beaulieu, si Patrimoine canadien a tenté de minimiser la portée de la consultation citoyenne en ligne en publiant les résultats la même journée que l’événement synthèse, les journalistes se devaient d’en informer le citoyen. De son avis, la mise-en-cause n’a pas expliqué pourquoi il était préférable de couvrir uniquement l’aspect des consultations régionales.
M. Beaulieu conclut en se demandant si le manque de rigueur qu’il dénonce pourrait s’expliquer par un conflit d’intérêts dans lequel les représentants de la profession journalistique seraient contraints de plus en plus sous la préoccupation du gouvernement Harper à contrôler l’information.
Analyse
M. Réjean Beaulieu portait plainte contre la journaliste Mme Mireille Allaire et lui reprochait de ne pas avoir traité des résultats de la consultation citoyenne en ligne, initiée par Patrimoine canadien, dans son reportage concernant l’événement synthèse des consultations régionales. Il lui reprochait entre autres de ne pas avoir fait mention du taux de participation des répondants à cette consultation et de ne pas avoir questionné la façon dont ces répondants avaient été sélectionnés.
Il est un principe consacré par le guide des Droits et responsabilités de la presse que le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes.
Le plaignant souhaitait voir traiter dans le reportage de Mme Allaire la question des résultats des deux types de consultations conduites par Patrimoine canadien. En effet, dans un communiqué de presse annonçant le lancement des consultations en décembre 2007, le ministère avait fait savoir que la diffusion des résultats serait l’objet de la rencontre synthèse de la mi-janvier 2008. Or, après analyse, le Conseil a constaté que, contrairement à ce qui a été annoncé, il ne fut pas question lors de la rencontre synthèse de dévoiler les résultats des consultations. En choisissant de couvrir ce qui s’y était dit, à savoir un échange de préoccupations entre les intervenants, la mise-en-cause n’a commis aucune faute à l’éthique journalistique. Le grief est rejeté.
Dans un second temps, M. Beaulieu expliquait que si Patrimoine canadien avait tenté de minimiser l’impact des résultats des consultations en ligne en les publiant le même jour que se tenait l’événement synthèse, cela aurait dû être relevé par la journaliste. Il se demandait également jusqu’à quel point ce silence ne serait pas le fait d’un conflit d’intérêts dans lequel seraient volontairement maintenus les journalistes.
Bien qu’il soit de la responsabilité des entreprises de presse et des journalistes de se montrer prudents et attentifs aux tentatives de manipulation de l’information, le plaignant n’a nullement démontré en quoi les craintes qu’il dénonce pourraient s’avérer justifiées. Le grief est donc rejeté.
Décision
Par conséquent et au vu de tout ce qui précède, la plainte de M. Réjean Beaulieu contre Mme Mireille Allaire, journaliste et la Société Radio-Canada est rejetée.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C13B Manipulation de l’information
Date de l’appel
10 March 2009
Appelant
M. Réjean Beaulieu
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision de première instance.