Plaignant
Unidisc Music Inc. et M. George Cucuzella, président
Mis en cause
Mme Caroline Roy, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. George Cucuzella porte plainte contre Le Journal de Montréal et la journaliste Mme Caroline Roy pour avoir publié un article le 9 février 2008 intitulé « Boule Noire dépouillé sur son lit de mort » et basé sur un jugement qui n’avait pas encore été rendu.
Griefs du plaignant
Le plaignant explique qu’en dépit des précisions importantes qui ont été apportées à cet article dès le lendemain, soit le 10 février 2008, et des excuses qui ont été présentées le samedi suivant, soit le 16 février 2008, à sa demande, M. Cucuzella estime avoir subi un préjudice grave et une atteinte qu’il qualifie d’inacceptable à sa réputation dépendantes des erreurs que contenait l’article et de la dimension sensationnaliste de la une qui l’accompagnait. Il explique que, contrairement à ce qui fut annoncé par le Journal de Montréal, aucun jugement n’avait été rendu dans l’affaire qui impliquait la succession de M. George Thurston dit « Boule Noire ».
De l’avis du plaignant, le dépôt, en date du ou vers le 8 février 2008 au Palais de justice de Montréal d’une requête introductive d’instance et d’ordonnance de sauvegarde, n’explique en rien comment le Journal de Montréal ainsi que sa journaliste ont pu faire l’annonce en première page de l’édition de la fin de semaine que Boule Noire avait été « arnaqué sur son lit de mort ». Selon M. Cucuzella, il est manifeste que la journaliste fut mal informée ou qu’elle a commis une négligence lors de sa collecte d’informations. Le plaignant souhaite connaître la façon dont elle a procédé à la vérification des faits.
Le plaignant termine en expliquant que, de son point de vue, le traitement sensationnaliste de la nouvelle ainsi que le choix de la publier lors de la journée à plus grand tirage de la semaine ont amplifié le dommage qui lui a été causé.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, avocat représentant Le Journal de Montréal :
Me Bernard Pageau, le représentant des mis-en-cause, reconnaît qu’en dépit de la nouvelle qui fut annoncée par le Journal de Montréal sur la condamnation de la maison de disque Unidisc Music Inc., que seule une procédure a été amorcée le 8 février 2008 et qu’aucun jugement n’avait été rendu au moment de la publication de l’article. Il ajoute que la rédaction a constaté son erreur en publiant le lendemain et en page 2 un texte informant les lecteurs de l’erreur qui avait été commise et en s’en excusant.
Me Pageau affirme que le journal a reçu le 14 février 2008 une mise en demeure du plaignant lui demandant la publication d’excuses en première page du Journal de Montréal le 16 février 2008 ainsi qu’un article explicatif dans les pages intérieures de celui-ci. Il mentionne que la rédaction a honoré cette demande en publiant en première page la mention « Le Journal s’excuse – Boule Noire : PAS D’ARNAQUE » ainsi qu’un erratum en page 2 titré « ERRATUM Boule Noire ».
Pour le représentant des mis-en-cause, le journal et la journaliste ont reconnu leur erreur qui était celle d’avoir pris pour acquis que le poursuite en dommages constituait un jugement. De son avis, la seule obligation qu’avait le journal était de réparer cette erreur, ce qui fut fait. Pour lui, les circonstances de l’erreur n’ont pas à être débattues dans l’enceinte du Conseil de presse. Le seul élément pertinent étant de son avis d’évaluer la conduite du média à la suite de cette erreur.
Me Pageau termine en affirmant que le Conseil n’a pas à évaluer les dommages que peut avoir subis le plaignant à la suite de la publication d’un article erroné puisque cette matière relèverait des tribunaux.
Réplique du plaignant
M. Cucuzella explique que l’intention de sa plainte était de comprendre comment une erreur qu’il qualifie de regrettable avait pu se produire et conclut qu’en l’absence de plus d’information venant du Journal de Montréal, il n’a aucun élément à ajouter.
Analyse
M. George Cucuzella portait plainte contre le Journal de Montréal et la journaliste Mme Caroline Roy pour avoir publié, le 9 février 2008, un article intitulé « Boule Noire dépouillé sur son lit de mort », basé sur une information inexacte relatif à un jugement condamnant Unidisc Music Inc. Le plaignant estimait avoir subi un préjudice grave et une atteinte à sa réputation.
M. Cucuzella affirmait qu’aucun jugement n’avait été rendu par la Cour concernant la succession de M. Thurston alias « Boule Noire » lorsque la journaliste a écrit son article et que le Journal de Montréal a choisi d’en faire la manchette de son édition. Dans leurs commentaires, les mis-en-cause reconnaissent d’emblée avoir commis une erreur et font valoir au plaignant qu’un rectificatif avait été publié dès le lendemain, soit le 10 février 2008, ainsi que le samedi 16 février 2008 comme le plaignant en avait émis le souhait. Le Conseil constate que, conformément aux exigences de l’éthique, la rédaction du quotidien a pris les moyens qui étaient en sa possession pour tenter de réparer le tort causé à M. Cucuzella et il souligne cet effort.
Bien que la jurisprudence et le code de déontologie du Conseil indiquent qu’il est possible de libérer les mis-en-cause d’un blâme lorsque l’effort de rectification à une erreur qui a été commise est en toute mesure raisonnable, le Conseil relève que l’erreur commise par Mme Roy et admise par la direction du journal, c’est-à-dire, de mettre en cause l’intégrité d’une partie sans prendre en cause la présomption d’innocence et sans avoir effectué des vérifications suffisantes préalablement à la publication de l’article, constitue une faute grave à l’éthique journalistique, faute que la publication des rectificatifs ne pouvait qu’en partie réparer. Par conséquent, le grief est retenu.
M. Cucuzella déplorait également le caractère sensationnaliste de l’article de Mme Roy et de la manchette dont il était assorti. Sur la question du sensationnalisme, la déontologie du Conseil mentionne d’une part que les manchettes doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. D’autre part, elle précise que les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité ni donner lieu à une exagération et une interprétation abusive des faits et des événements et d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises.
Après analyse, le Conseil constate que le public a été induit en erreur quant à la culpabilité établie d’Unidisc Music Inc., ce qui constituait une déformation de la portée des informations transmises qui étaient par ailleurs erronées. La manchette en page de une, en reproduisant cette déformation, faisait également acte de sensationnalisme.
Décision
Au vu de ce qui précède, malgré la publication d’un correctif et compte tenu de l’importance et de la place accordée à la nouvelle ainsi que de l’absence de mécanismes de contrôle et de vérification, le Conseil blâme la journaliste Mme Caroline Roy, le pupitre et la direction du Journal de Montréal pour avoir publié un article basé sur une information inexacte ainsi que pour sensationnalisme.
Analyse de la décision
- C02B Moment de publication/diffusion
- C11A Erreur
- C11F Titre/présentation de l’information
- C17G Atteinte à l’image