Plaignant
La Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV) et M. Denis Roy, directeur général
Mis en cause
M. Jean-Philippe Pineault, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction
et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
La Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV) porte plainte contre Le Journal de Montréal et son journaliste Jean-Philippe Pineault pour avoir produit un article qui ferait état d’une « guerre » présumée entre des élèves de deux écoles secondaires de Longueuil, qui cohabitent dans le même immeuble. Les motifs invoqués sont : inexactitude de l’information, atteinte à la réputation, sensationnalisme et absence de rectification de l’information.
Griefs du plaignant
Au nom de la Commission scolaire Marie-Victorin, son directeur général, M Denis Roy, dépose une plainte contre le journaliste Jean-Philippe Pineault et son employeur Le Journal de Montréal.
M. Roy explique que le 18 mars 2008, un incendie est survenu à l’école secondaire André-Laurendeau, nécessitant l’évacuation des 2 350 élèves et 240 membres du personnel. En raison des dommages, 2 000 élèves ont dû être relocalisés à l’école Mgr-A.-M.-Parent, les deux écoles étant situées dans la ville de Longueuil. Toutefois, ce malheureux événement a suscité la solidarité, la collaboration et l’entraide de la communauté d’accueil, et la cohabitation des deux groupes à l’école Mgr-A.-M.-Parent se déroule dans le calme et le respect.
Selon le directeur général, le 3 avril, un problème avec un élève, qui n’est aucunement en lien avec la cohabitation, a obligé la direction de l’école à faire appel aux autorités policières. Le Journal de Montréal a pris une photo d’une voiture de la police de Longueuil devant l’école. Coiffé du titre « C’est la guerre », titre « choquant et sensationnaliste » aux dires de M. Roy, un article associait faussement la présence policière à la cohabitation des deux écoles. L’article contenait également d’autres informations inexactes concernant le fait que des pupitres avaient été abîmés et que les jeunes des deux écoles se croisaient à l’heure du dîner.
Malgré des démarches effectuées le lendemain pour obtenir des correctifs, aucune action en ce sens n’a été prise par les mis-en-cause.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, procureur des mis-en-cause
Selon le procureur, l’accusation de la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV) à l’effet que le journaliste a rédigé un texte mensonger sans vérification et sur la foi d’une photo est non fondée.
Me Pageau explique que le journaliste s’est rendu à l’école Mgr-A.-M.-Parent le 3 avril pour vérifier comment se déroulait la cohabitation avec les élèves de l’école André-Laurendeau. à cette occasion, le journaliste aurait « été à même d’interviewer des dizaines d’élèves pour obtenir leurs témoignages ». Le journaliste aurait aussi contacté le porte-parole de la CSMV, Mme Jocelyne Alary, qui a pu exprimer le point de vue de la CSMV à l’effet que tout se passait bien. Ainsi, selon le porte-parole des mis-en-cause, « le lecteur a donc pu bénéficier des deux côtés de la médaille ».
En ce qui a trait aux accusations voulant que le titre de l’article soit choquant et sensationnaliste, Me Pageau répond que « ce titre doit être compris au sens figuré et qu’il traduit le sens des commentaires des jeunes interviewés par le journaliste Pineault qui « a pu constater le climat de tension régnant à l’école lors de sa visite ». Ainsi, le titre ne serait ni choquant, ni sensationnaliste, mais illustrerait plutôt ce que le journaliste a constaté.
Au sujet de l’intervention de la police de Longueuil, Me Pageau précise que c’est lorsque le journaliste était présent à l’école Mgr-A.-M.-Parent que la police s’est présentée à l’établissement. Le texte publié aurait rapporté ce que la police a déclaré, soit que la visite était reliée à un « trouble avec des jeunes », ce qu’indique l’article visé par la plainte. La photo d’un véhicule policier ne servirait qu’à démontrer la présence policière sur les lieux lors du passage du Journal de Montréal.
Me Pageau répond ensuite au reproche de la plaignante ne pas avoir publié de correctif, à la suite de sa lettre du 4 avril 2008. Selon le procureur des mis-en-cause, puisque le quotidien avait publié des informations vérifiées par son journaliste sur le terrain et avait accordé une chance à la CSMV d’exprimer son point de vue, il n’avait donc pas à procéder à une rectification ou à une mise au point.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a déposé aucune réplique.
Analyse
Les reproches formulés par la plaignante étaient de quatre types soit inexactitude de l’information, atteinte à la réputation, sensationnalisme et absence de rectification de l’information.
La plaignante déplorait d’abord trois manquements à l’exactitude, le premier ayant trait à une mention relative à des « pupitres abîmés », mention qui serait fausse. Comme la plaignante et les mis-en-cause présentaient des versions contradictoires sur le sujet, et comme cette affirmation n’était pas démontrée par la plaignante, conformément à sa jurisprudence le Conseil n’a pas retenu le grief sous cet aspect.
Dans le cas de la seconde inexactitude, la plaignante affirmait que les jeunes ne se croisaient pas à l’heure du dîner puisque la fin des classes du matin est à 12 h 10, et le début en après-midi à 13 h 00, soit 50 minutes de battement.
Le Conseil relève que la plaignante n’explique pas comment il est possible que les élèves ne se rencontrent pas en entrant ou en sortant de l’école. Il est donc apparu au Conseil que la faute pour inexactitude reprochée n’était pas démontrée et le grief n’a pas a été retenu.
La troisième inexactitude dénoncée portait sur les motifs de l’intervention policière. Or, contrairement à ce qu’indique l’article, la plaignante affirme qu’il ne s’agit pas d’un problème de cohabitation. Par contre, jamais la nature du problème n’est précisée. Devant les versions contradictoires, le Conseil n’a pas retenu le grief.
Ainsi, les griefs visant spécifiquement le travail de recherche et de traitement de l’information par le journaliste Jean-Philippe Pineault n’ont pas été retenus.
La plaignante reprochait en outre aux mis-en-cause la publication d’un article coiffé du titre choquant et sensationnaliste « C’est la guerre ».
Après avoir comparé l’article et le titre qui le coiffent, le Conseil a estimé qu’il n’était pas conforme au principe voulant que le titre respecte « le sens, l’esprit et le contenu » de l’article et le grief a été retenu sur cet aspect. Le Conseil a aussi conclu qu’il en est de même pour la photo et la légende qui l’accompagnait, qui ont aussi été considérées comme sensationnalistes.
En ce qui a trait à une possible atteinte à la réputation des élèves de la Commission scolaire Marie-Victorin, le Conseil n’a constaté, sur le plan de l’éthique journalistique, aucune atteinte à la réputation dans les contenus de l’article visé et, en conséquence, le grief a été rejeté.
Convaincue d’être en face de manquements à l’éthique en matière de sensationnalisme en raison du titre de la photo et de sa légende, la plaignante avait aussi dénoncé l’absence de rectification de l’information par les mis-en-cause.
Comme il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs erreurs à l’égard des personnes, des instances ou des groupes couverts par leurs productions journalistiques, et comme aucun geste n’a été posé par les mis-en-cause en regard des manquements identifiés, le Conseil retient également le grief pour absence de rectification.
Décision
Par conséquent et pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse retient la plainte de la Commission scolaire Marie-Victorin pour sensationnalisme et absence de rectification contre Le Journal de Montréal et sa direction.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
18 June 2009
Appelant
M. Jean-Philippe Pineault, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction
et le quotidien Le Journal de Montréal
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance. Les membres jugent que le CPEI n’a pas erré en retenant le grief pour sensationnalisme et considèrent que le deuxième motif de la demande d’appel ne s’applique pas puisque le CPEI n’a pas retenu de grief relié à une absence de rectification pour erreur d’inexactitude mais pour sensationnalisme.