Plaignant
Mme Marie-Louise Bussières, responsable des affaires relatives à l’éthique journalistique pour l’église raëlienne
Mis en cause
M. Alain Rochette, rédacteur en chef et le magazine Summum
Résumé de la plainte
Mme Marie-Louise Bussières, responsable des affaires relatives à l’éthique pour l’église raëlienne, porte plainte contre un article intitulé « Les sectes », publié dans l’édition de novembre 2007 du magazine Summum. La plaignante reprochait à la rédaction d’avoir associé le mouvement raëlien à une secte et à l’image violente qu’en a souvent le public, en ne présentant aux lecteurs qu’un unique point de vue, ainsi que des informations non vérifiées.
Griefs du plaignant
Mme Bussières précise d’abord que le mouvement raëlien, qu’elle représente, approuve l’initiative du magazine Summum, d’avoir eu le souci de faire la lumière sur le phénomène des sectes au Québec, tout en déplorant que ce dernier ait choisi d’axer son propos sur ce qu’elle estime être des mensonges et des cas d’exceptions au sujet des sectes. De son avis, les auteurs du dossier n’auraient pas pris le temps de vérifier si leurs allégations étaient exactes.
La plaignante mentionne que, dans un premier temps, une demande de droit de réponse a été formulée auprès du magazine. La direction aurait d’abord proposé de procéder à une entrevue avec un leader du mouvement raëlien pour ensuite retirer sa proposition, ne voyant pas où il y avait diffamation. Mme Bussières explique qu’après ce refus, le mouvement raëlien a fait parvenir deux lettres à la direction du magazine. La première relevait les fautes journalistiques faites par la rédaction et reformulait une demande de droit de réponse. La seconde, simulait une entrevue qui pouvait être publiée telle quelle, afin de faire contrepoids aux informations avancées dans l’article. La direction du magazine n’a donné suite à aucune de ces demandes.
Mme Bussières détaille ensuite les motifs de sa plainte. Dans un premier temps, elle mentionne que le magazine a fait preuve de discrimination religieuse, particulièrement envers le mouvement raëlien. La plaignante ajoute que l’article présentait une image négative qui entretenait un sentiment de peur chez le lecteur et procédait à une culpabilisation par association. Elle explique qu’après avoir décrit des dérives violentes, la dernière page de l’article présentait le mouvement raëlien de manière telle, qu’il était possible de l’associer avec des groupes criminels. Mme Bussières déplore que, bien qu’il ait été mentionné que plus de 800 minorités religieuses sont en activité sur le sol québécois, seules les pires images en ont été proposées au lecteur, afin de créer chez lui l’impact négatif le plus grand possible. Elle ajoute que l’article contenait différentes photos à caractère dramatique.
Pour la plaignante, toute la mise en page de l’article est axée sur l’idée que les membres des sectes sont des gens faibles et sans défense. L’article ne comprend, selon elle, aucun contrepoids qui pourrait équilibrer ces propos. L’entrée en matière de l’article pousserait encore plus loin l’idée que les sectes sont dangereuses. La plaignante insiste sur le fait que les minorités religieuses qui n’ont jamais été condamnées pour des actes criminels ne sont pas représentées au sein de l’article, ce qui laisse aux lecteurs l’impression que le mouvement raëlien fait partie d’une tendance violente. Il s’agirait, pour Mme Bussières, d’une culpabilisation par association.
La plaignante insiste sur le fait que le mot « secte » est utilisé de manière à ce qu’une connotation négative lui soit sciemment rattachée. Mme Bussières rappelle à cet effet que le Conseil a déjà rendu une décision reconnaissant que « depuis quelques années l’acceptation du mot « secte » glisse progressivement vers un sens de plus en plus péjoratif » (D2001-05-072/073/074/075). Elle ajoute que la Commission des affaires religieuses de l’ONU a également demandé que les états membres cessent d’utiliser le mot « secte » pour lui préférer l’expression « nouvelles religions minoritaires ».
Pour la plaignante, tous les intervenants mobilisés dans l’article ont été sélectionnés en raison de leur opposition au phénomène sectaire. De son avis, aucun spécialiste n’a vraiment été consulté ni aucun membre ou leader de ces minorités religieuses. Selon elle, le magazine ne pouvait présenter le point de vue du cardinal Ouellet, prélat de l’église catholique, comme celui d’un expert objectif, puisque ses croyances sont en opposition avec le phénomène. Par conséquent, la rédaction n’aurait pas offert aux lecteurs un traitement leur permettant de se faire une idée juste du phénomène.
Dans un autre ordre d’idées, la plaignante déplore que des informations non vérifiées aient été publiées dans l’article. Elle cite l’exemple de M. Vaillancourt, mobilisé en tant qu’expert des sectes, qui n’aurait en réalité étudié que les sectes d’obédience chrétiennes et non raëliennes. Selon Mme Bussières, il existe pourtant des spécialistes de cette question. Pour elle, le fait qu’il mentionne que M. Claude Vorilhon (dit « Raël ») a des esclaves sexuelles est une accusation grave qui n’est fondée sur aucune preuve. Elle ajoute qu’aucune contre-vérification de ces informations n’a été faite, ni auprès d’autorités judiciaires, ni même auprès de spécialistes du mouvement raëlien. Elle conclut à un manque d’impartialité.
La plaignante réitère cette remarque pour l’entrevue effectuée auprès de Mme McCann, journaliste. On peut y lire, dès la première phrase, une information inexacte à l’effet que la société Clonaid qui appartient au mouvement raëlien, est une société privée dont la directrice est raëlienne, ce qui est inexact. Elle ajoute qu’il aurait pourtant été simple de procéder à une vérification.
Pour Mme Bussières, l’entrevue entre la rédaction du magazine et Mme McCann consiste en une série d’impressions, de suppositions et de malaises personnels vécus par la journaliste lors de son initiation aux activités du mouvement raëlien qui, selon elle, frôlent la diffamation. Ces impressions sont présentées comme des faits réels ou exacts. La plaignante insiste sur le fait qu’il ne s’agit toutefois que d’impressions. Elle reconnaît que Mme McCann a droit à son opinion, mais déplore néanmoins que le magazine n’ait pas procédé à une mise en contexte. La journaliste évoque par exemple les « absurdités » de M. Vorilhon, sans jamais mentionner en quoi elles consistent. Il en va, selon elle, de même pour l’accusation d’endoctrinement qui ne reposerait sur aucune base scientifique. Pour Mme Bussières, le magazine aurait dû vérifier ces informations auprès de spécialistes du mouvement raëlien. Elle ajoute qu’aucun adepte n’a, par ailleurs, été interrogé concernant ce qui est avancé dans l’article. Il s’agit pour la plaignante d’un exemple de manipulation de l’information.
En résumé, Mme Bussières explique que le magazine n’a présenté aucune critique des sources qui ont été mobilisées. Le point de vue unique et la mise en page auraient nourri les préjugés, en entretenant le mépris. L’article heurterait la dignité des membres du mouvement raëlien et des minorités religieuses en général. Il manquerait d’impartialité, de rigueur, d’équilibre et d’exactitude, en plus d’insister sur des détails sensationnalistes qui entretenaient les préjugés, la peur et conduirait au manque de respect envers un groupe. La plaignante termine en expliquant que, pour remédier à ces manquements, le magazine aurait dû proposer un droit de réplique au mouvement raëlien.
Enfin, Mme Bussières fournit une copie des deux lettres qui ont été adressées à la direction du magazine Summum.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me René Dion, avocat représentant les intérêts du magazine :
Le représentant du mis-en-cause explique que Mme Bussières prétendait que certains faits rapportés dans l’article étaient faux, sans toutefois indiquer en quoi ils l’étaient, à l’exception de la question de la propriété de la société Clonaid. Il répond ensuite aux griefs quant à l’angle de traitement de l’article et au choix des illustrations utilisées.
Me Dion précise, d’abord, que selon lui, l’article dont il est question n’est pas issu d’un média d’information mais bien d’un magazine de divertissement pour hommes où les sujets sont traités avec humour et sans prétention. Il explique que le pigiste qui a réalisé le dossier a donné la parole à plusieurs spécialistes et a rapporté peu de faits qu’il ait lui-même découvert, ce que lui reproche la plaignante. Pour Me Dion, les spécialistes auxquels le magazine a donné la parole sont crédibles. Les citations qui leur sont attribuées constituent leur opinion ou le résultat de leurs recherches et de leurs expériences.
Compte tenu de la nature du magazine, de l’angle de traitement de l’article, de la crédibilité des auteurs et du fait que certaines sections sont purement humoristiques et sarcastiques, le représentant du mis-en-cause conclut que la plainte de Mme Bussières, avec égard à son opinion, doit toutefois être rejetée.
Me Dion attire l’attention du Conseil sur la lettre simulant une entrevue que la plaignante aurait souhaité voir publiée dans le magazine. Il qualifie cette dernière de « document de propagande ». Le représentant du mis-en-cause fait ensuite référence à un jugement rendu dans une cause opposant M. Vorilhon à un chroniqueur et où ce dernier et le juge y seraient allés d’une critique plus sévère que n’a pu le faire le magazine Summum. Me Dion soulève le fait que le mouvement raëlien attaque ceux qui ont une opinion ne leur étant pas favorable, comme en témoigne une manifestation à Québec durant la campagne électorale provinciale. Enfin, il invoque que le Conseil de presse a, par le passé, rappelé la liberté des chroniqueurs dans une décision opposant un chroniqueur au mouvement raëlien et conclut qu’un magazine de divertissement, tel que Summum, jouit d’une latitude encore plus grande que celle d’un chroniqueur.
Me Dion termine en expliquant que le seul fait qu’il a pu relever comme étant faux, concerne la propriété de la société Clonaid. Selon lui, cette erreur n’a, dans les faits, aucune incidence sur l’article. Les illustrations relèvent, quant à elles, du divertissement.
Réplique du plaignant
Pour Mme Bussières, les concepts de divertissement et de chronique donnent aux journalistes le droit aux opinions ainsi qu’à l’humour, mais ne leur donnent toutefois pas celui de diffamer, de mépriser ou de déguiser la vérité. Elle précise que la lettre-entrevue qui a été expédiée à la direction du magazine Summum n’avait pour but que de rétablir les faits avec lesquels ce même magazine a, selon elle, pris des libertés.
De son avis, la direction a préféré ne présenter aux lecteurs qu’un seul côté de la médaille et créer une mise en page qui laissait place aux préjugés, en contribuant à entretenir le mépris à l’égard des raëliens.
Pour la plaignante, le jugement auquel fait référence le représentant du mis-en-cause n’a rien de pertinent. Son opinion ne justifie pas que les journalistes puissent prendre des libertés avec la vérité et discriminer un mouvement religieux. Elle explique que le mouvement raëlien souhaite que les médias rapportent avec exactitude et sans mépris la philosophie raëlienne.
Mme Bussières rappelle que le cardinal Ouellet n’était pas la personne idéale à laquelle devait être demandée une opinion sur le mouvement raëlien, puisque ce dernier appartient à une religion concurrente. Elle ajoute que le magazine allait, par ailleurs, à l’encontre des recommandations du Conseil de presse en utilisant de manière abusive le terme « secte ».
Concernant le témoignage de Mme McCann dans l’article, la plaignante réitère que le magazine n’a rapporté qu’une série d’impressions, de suppositions et de malaises personnels de cette dernière en présentant ceux-ci comme des faits. Le seul véritable fait concernerait une manifestation au Salon du livre de Montréal où Mme McCann se serait retrouvée encerclée par des raëliens. La plaignante juge cette information inexacte puisqu’il n’y aurait jamais eu de contact physique.
Au début de l’article, trois églises sont nommées : les raëliens, les scientologues et les témoins de Jéhovah. Pour la plaignante, cette énumération avait pour but d’attirer l’attention des lecteurs et d’associer ces églises avec les illustrations qui se trouvaient sur la même page, représentant le suicide collectif de Jonestown. Pour elle, il était impossible que le lecteur ne fasse pas un lien entre les églises susmentionnées et la violence émanant de cette illustration.
à la page 42 de l’article, elle juge que l’accent a été mis sur la peur, la déstabilisation mentale et la perte d’argent, en plus d’être illustré par une photographie de moutons. On y souligne, également, les crimes de plusieurs leaders d’opinions. La dernière page, consacrée au mouvement raëlien, commence par une erreur concernant la propriété de la société Clonaid. L’article comporte, selon Mme Bussières, à d’autres endroits, deux erreurs relevant de la diffamation qui constituent des accusations non fondées. Il s’agit de l’assertion « il a des esclaves sexuels, des comptes de banque bien garnis » où les points de suspension laissent supposer qu’il serait possible de faire une liste d’autres faits de ce type. Le journaliste utilise cette déclaration en prétendant que l’argent du mouvement raëlien appartient personnellement à M. Vorilhon, ce qui serait inexact puisqu’il serait placé au nom de l’église raëlienne. La plaignante précise que ce dernier vit de ses droits d’auteur ainsi que de dons personnels. Pour elle, l’accusation la plus grave survient lorsque la journaliste accuse M. Vorilhon d’avoir des esclaves sexuels. Or, ce dernier n’a jamais été reconnu coupable de quelconque crime. Il s’agissait, par conséquent, d’une accusation non fondée qui ne s’excusait pas par le fait qu’il s’agisse d’un article au caractère divertissant.
Analyse
Mme Marie-Louise Bussières, responsable des affaires relatives à l’éthique pour l’église raëlienne, porte plainte contre un article intitulé « Les sectes », publié dans l’édition de novembre 2007 du magazine de divertissement masculin Summum. Bien que le représentant des mis-en-cause ait, dans ses commentaires, invoqué le fait qu’il ne s’agisse pas d’un média d’information mais de divertissement, le Conseil précise que, dans le cadre de l’article dont il est question, et qui s’apparente à du journalisme d’information, la déontologie journalistique s’applique pleinement et au même titre que pour n’importe quel produit d’information.
Grief 1 : informations inexactes
La plaignante mentionne la présence de trois inexactitudes dans l’article. Deux de celles-ci sont attribuées à une journaliste, Mme McCann, dont les propos ont été rapportés dans l’article. Elles porteraient sur l’encerclement, par des membres du mouvement raëlien, dont cette dernière dit avoir été victime au Salon du livre de Montréal en 2004, ainsi que la propriété de la société Clonaid. L’analyse a permis au Conseil de constater, tout d’abord, que Mme Bussières ne nie pas tant que Mme McCann fut victime d’encerclement, mais qu’elle ait été physiquement encerclée lors de cet événement. De plus, l’analyse a permis de démontrer que la société Clonaid n’appartient pas au mouvement raëlien, mais que sa directrice en est néanmoins membre. La dernière inexactitude que relève Mme Bussières a trait aux propos rapportés de M. Vaillancourt, sociologue et spécialiste des sectes, qui laisseraient entendre que l’argent du mouvement raëlien appartient en propre à M. Vorilhon dit « Raël ». Après analyse, le Conseil constate que ce postulat n’a tout simplement pas été émis par M. Vaillancourt, du moins dans ce qui a été rapporté aux lecteurs.
Conformément au principe énoncé par le guide des Droits et responsabilités de la presse, le Conseil mentionne clairement que « les professionnels de l’information doivent faire preuve d’une rigueur synonyme d’exactitude, de précision et de respect des faits et des évènements ». DERP, p. 21
Le grief est retenu sur la base de l’inexactitude concernant la propriété de la société Clonaid. Il s’agit néanmoins d’une inexactitude d’ordre mineur, aucun blâme ne lui sera donc assorti.
Grief 2 : manque ou absence de vérification de l’information
La plaignante relève également la présence de trois informations faisant l’objet d’un manque de vérification. Selon elle, l’inexactitude relative à la propriété de la société Clonaid aurait pu être évitée, si l’information avait été au préalable vérifiée. La plaignante insiste également sur le fait que l’accusation d’endoctrinement, formulée par Mme McCann, n’aurait pas été vérifiée auprès de spécialistes du mouvement raëlien. Enfin, Mme Bussières évoque la déclaration de M. Vaillancourt à l’effet que M. Vorilhon a des esclaves sexuelles, information qui n’aurait été vérifiée auprès d’aucune autorité.
Or, il est un principe que « Les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient ou diffusent » DERP, p. 22, et que, par ailleurs, « ils doivent prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent ». DERP, p. 32.
Le Conseil conclut que, puisque M. Vaillancourt possède un statut d’expert sur la question des sectes, il est une source fiable d’informations qui pouvait justifier que ces dernières ne soient pas soumises à une contre-vérification avant publication. Pour ce qui relève de l’accusation d’endoctrinement formulée par Mme McCann, le Conseil constate qu’il s’agit d’une opinion de la journaliste qui découle de son expérience au sein du mouvement et que, par conséquent, cette déclaration ne nécessitait pas de vérification. Enfin, et bien que le Conseil soit d’avis que de plus amples vérifications auraient pu permettre d’éviter que soit publiée l’erreur qui portait sur la propriété de la société Clonaid, le caractère mineur de cette erreur conduit à ne pas retenir le grief pour manque de vérification.
Grief 3 : manipulation de l’information visant à induire chez le lecteur une fausse impression
Mme Bussières insiste, par ailleurs, sur le fait que l’article cherchait à induire chez le lecteur une vision négative du mouvement raëlien en associant ce dernier à des groupes criminels, en présentant aux lecteurs des photos au caractère dramatique, ainsi qu’en utilisant, sans la réserve nécessaire, le terme « secte » tout au long de l’article.
Le Conseil a procédé à une analyse sur la base du principe que « les médias doivent veiller à ne pas induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelle des informations qui lui sont transmises » DERP, p. 22. Il constate, ce faisant, que l’entrée en matière de l’article fait référence aux écueils tragiques qu’ont connu certains mouvements sectaires, en plus de proposer aux lecteurs une photographie d’une de ces tragédies. Un paragraphe propose ensuite une mise en contexte qui rappelle aux lecteurs que toutes les sectes ne se présentent pas sous le même jour et n’ont pas toutes une issue tragique. Le Conseil remarque, par ailleurs, que le terme secte est utilisé tout au long de l’article et vient, de fait, qualifier le mouvement raëlien. Bien qu’il soit difficile de s’entendre sur une définition unanime de ce vocable, le Conseil remarque que l’article formulait un certain nombre de critères permettant aux lecteurs de se faire une idée de ce qu’est et de ce que n’est pas une secte. Le grief est rejeté.
Grief 4 : impressions présentées comme étant des faits
Mme Bussières formule également dans sa plainte un reproche relatif au fait que les propos rapportés de Mme McCann auraient été présentés comme des faits aux lecteurs alors qu’ils ne constituaient que des opinions personnelles.
Après analyse, le Conseil conclut que la journaliste livre aux lecteurs un témoignage issu de son expérience au sein du mouvement raëlien et que ce dernier fait appel à la fois à des éléments factuels, mais également à ses impressions. Ainsi, le lecteur informé du contexte dans lequel s’inscrit ce témoignage peut, sans mal, faire la distinction entre ce qui est du ressort du factuel et ce qui relève du ressenti. Le grief est rejeté.
Grief 5 : partialité/absence de contrepoids
Pour la plaignante, aucun contrepoids n’a, de plus, été présenté à l’idée que les sectes sont dangereuses et que les individus qui en font partie sont des gens faibles. De son avis, les personnes dont on retrouve les témoignages dans l’article ont été sollicitées en raison de leur opposition au phénomène. Aucun spécialiste ni adepte du mouvement raëlien n’a par ailleurs été interrogé dans le cadre de ce dossier.
Le guide de déontologie du Conseil nous apprend que « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. » DERP, p. 21. Constatant que des experts, MM. Vaillancourt et Kropveld, respectivement sociologue spécialiste des sectes et directeur d’Info-Sectes, ont été sollicités dans le cadre de l’article, de même qu’une journaliste qui a vécu l’expérience raëlienne depuis l’intérieur, le Conseil considère que l’information dont disposait le lecteur était suffisamment complète pour qu’il ne soit pas nécessaire de faire appel à un adepte du mouvement raëlien. Le grief est rejeté. Cependant, le Conseil a relevé qu’à aucun moment les fonctions de M. Kropveld n’ont été présentées aux lecteurs, ce qui constitue un oubli de la rédaction.
Grief 6 : refus d’un droit de réponse
Constatant les nombreux manquements à la déontologie dont l’article aurait fait preuve, la plaignante explique qu’elle déplore que la direction de Summum n’ait pas donné suite à sa demande de droit de réponse. Le mis-en-cause réplique que rien ne venait toutefois justifier que soit accordé un tel droit au mouvement raëlien.
Or, compte tenu du fait que l’analyse n’a permis au Conseil que de relever deux manquements mineurs à la déontologie relatifs à l’exactitude ainsi qu’à la vérification de l’information, il conclut que la rédaction du magazine n’était pas dans l’obligation de s’ouvrir à la demande du mouvement raëlien. Le grief est rejeté.
Grief 7 : atteinte au respect d’un groupe
La conclusion de Mme Bussières porte sur le fait que le magazine a fait preuve de discrimination à l’endroit du mouvement raëlien en publiant l’article dont il est question. Elle ajoute que celui-ci entretenait les préjugés en plus d’heurter la dignité des membres du mouvement et des minorités religieuses. Elle mentionne que certaines remarques qui ont été publiées étaient, de plus, diffamatoires. Considérant que la diffamation relève exclusivement des tribunaux, le Conseil ne se prononcera toutefois pas sur cet aspect.
« Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. Toute personne, qu’elle soit de notoriété publique ou non, a le droit fondamental à la vie privée, à l’intimité, à la dignité et au respect de la réputation. » DERP, pp. 41-42
En ce qui a trait à la discrimination, à l’atteinte à l’image et à l’entretien des préjugés, on constate que la plaignante ne précise pas de quelles fautes déontologiques découleraient ces manquements. Puisque l’analyse n’a, par ailleurs, permis de relever qu’une inexactitude mineure parmi les griefs qui lui étaient soumis, on conclut qu’il ne pouvait en découler discrimination, atteinte à l’image ou entretien de préjugés. Le grief est donc rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de Mme Marie-Louise Bussières, responsable des affaires relatives à l’éthique journalistique pour l’église raëlienne, contre le magazine Summum.
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15D Manque de vérification
- C17A Diffamation
- C17G Atteinte à l’image
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination