Plaignant
Mme France Raymond
Mis en cause
M. Vincent Larouche, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Mme France Raymond porte plainte contre M. Vincent Larouche, journaliste au Journal de Montréal, au sujet de l’article concernant la mort de son frère, publié le 28 février 2008, et intitulé « Bain de minuit tragique ». Elle reproche au journaliste d’avoir exploité un drame humain de manière sensationnelle. Elle conteste également ses propos et ses sources.
Griefs du plaignant
Mme France Raymond dépose une plainte contre le journaliste Vincent Larouche du Journal de Montréal au sujet d’un article de presse sur la mort de son frère, publié le 28 février 2008.
L’article intitulé, « Bain de minuit tragique » manque de rigueur selon la plaignante. Tout d’abord le journaliste n’aurait pas vérifié les faits avant d’écrire l’article, ni vérifié sa source, dont la plaignante remet en cause la crédibilité. Dès lors, certaines informations seraient fausses. à cet égard, elle évoque la date de décès de l’homme, les circonstances de l’accident, son dénouement ainsi que les anticipations sur les projets de la victime faites par le journaliste. D’autres informations manqueraient de précisions, et laisseraient place aux insinuations.
À plusieurs reprises au cours de sa plainte, Mme France Raymond accuse le journaliste d’avoir voulu faire du sensationnalisme avec la mort de son frère. Elle conteste la photo choisie par le journaliste où la victime « pose torse nu au bras d’une amie qui se dit sa meilleure amie ». Selon la plaignante, le journaliste l’aurait sélectionnée sur le site Internet « Facebook » dans le seul but « de susciter l’intérêt mais surtout l’Œil du lecteur ». Elle accuse les propos erronés et imprécis, de participer au côté sensationnel de l’article.
Enfin la plaignante reproche au journaliste d’avoir manqué de respect, d’empathie et de compassion à l’égard de la victime et de ses proches. Elle met en avant le moment de publication « terriblement, voir extrêmement mal choisi ». Elle explicite ce reproche par une interrogation : « était-on si en manque de faits divers pour mettre en page 8 du quotidien le plus lu au Québec, une histoire qui date de deux mois? On aurait pu attendre de me laisser vivre sereinement mes funérailles. » La plaignante, concernant le manque de respect du journaliste, évoque aussi ce grief vis-à-vis de la victime et ce par le dévoilement de l’orientation sexuelle de son frère. C’est aussi la manière dont elle a été traitée par le journaliste, qui relève, selon, elle, d’un manque d’égard tout autant qu’un manque « d’humanisme à l’égard des gens qui vivent des tragédies ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, représentant Le Journal de Montréal
Me Bernard Pageau explique que le journaliste a écrit l’article suite à l’avis de décès publié dans Le Journal de Montréal la veille, le 27 février 2008. C’est alors qu’il aurait tenté, en vain, de joindre les proches de M. Christian Raymond, par « des recherches sur Internet et dans divers annuaires ».
Le mis-en-cause n’a réussi à identifier qu’une seule source : Mme Josée Saint-Amour, « à partir du site « Facebook » ». Le mis-en-cause juge cette source « crédible à même les informations accessibles ».
Selon le mis-en-cause, Mme Josée Saint-Amour aurait assuré au journaliste qu’elle préviendrait Mme France Raymond de l’article à paraître. Elle devait également transmettre à Mme France Raymond de contacter le journaliste le plus tôt possible. Or, le journaliste n’a pas eu de nouvelles de la plaignante avant la publication de l’article.
Mme France Raymond a contacté le journaliste, le jour de la publication pour se plaindre notamment de ne pas avoir été contacté par le journaliste avant la publication.
Le mis-en-cause rapporte qu’il aurait proposé à la plaignante de corriger par un erratum « ce qu’elle prétendait être des erreurs ». La plaignante a refusé d’utiliser son droit de réponse.
à la notion d’intérêt public dont fait référence la plaignante, le mis-en-cause rétorque que le décès de tout individu est d’intérêt public à la société ainsi que ses circonstances.
Le mis-en-cause n’estime pas avoir porté atteinte à la vie privée de la victime en révélant son orientation sexuelle puisque l’information était écrite dans l’avis de décès transmis par la plaignante, et réitérée par la source du journaliste, Mme Josée Saint-Amour qui se disait l’une de ses meilleures amies.
Quant aux circonstances de l’accident, elles ont été relatées au journaliste par cette même source, complétées par les publications sur Internet.
Enfin, au sujet de la photo, le mis-en-cause dit l’avoir reçue de Mme Josée Saint-Amour. De plus il la trouvait appropriée dans la mesure où « M. Raymond est décédé dans des circonstances reliées à la baignade […]. De plus, la source principale du journaliste était Mme Josée Saint-Amour qui apparaissait aussi sur la photo. »
Réplique du plaignant
La plaignante n’a soumis aucune réplique.
Analyse
Mme France Raymond portait plainte contre Le Journal de Montréal, relativement à l’article de M. Vincent Larouche, publié le 28 février 2008. Cet article traitait de la mort accidentelle du frère de la plaignante, originaire du Canada mais résidant depuis deux ans en Australie.
Elle reprochait au mis-en-cause des inexactitudes et son manque de rigueur dans le traitement de l’information. Elle accusait le journaliste de ne pas avoir vérifié sa source, les faits, et d’avoir dès lors commis des erreurs et des insinuations. La plaignante déplorait le sensationnalisme de la publication, ainsi que le manque de compassion, de respect des victimes et des proches.
Le Conseil de presse précise tout d’abord que le mis-en-cause, après le dépôt de la plainte au Conseil, a proposé à la plaignante de publier un erratum « pour rectifier ce qu’elle prétendait être des erreurs ». La plaignante a refusé, n’ayant jamais désiré qu’une nouvelle soit publiée sur la mort de son frère.
En premier lieu, concernant l’exactitude de l’information, le Conseil observe des erreurs telles que la date de décès de la victime et les circonstances de l’accident.
Le guide de déontologie des Droits et Responsabilités de la presse stipule que la rigueur journalistique signifie exactitude, précision, intégrité, respect des personnes et des groupes, des faits et des événements. Selon le Conseil le mis-en-cause est en faute en regard de la déontologie journalistique relativement à l’exactitude de l’information mais a offert à la plaignante de rectifier ses erreurs.
Ensuite la plaignante déplorait que le journaliste ne l’ait pas contactée pour vérifier les informations qu’il avait recueillies auprès d’une autre source, prétendue amie de la victime.
Le guide de la déontologie du Conseil de presse stipule que la collecte de l’information est à la discrétion du journaliste. Il précise aussi que le journaliste se doit de vérifier dans la mesure du possible les informations auprès d’autres sources.
Le Conseil observe que le mis-en-cause a consulté la présumée amie de la victime, l’avis de décès ainsi que les articles de journaux australiens dont il a repris des informations. Le Conseil de presse ne retient pas le grief relatif au manque de rigueur dans le choix des sources.
Puis la plaignante reprochait au journaliste d’avoir fait du sensationnalisme à partir de la mort de son frère.
Le Conseil de presse, au travers des Droits et Responsabilités de la presse, insiste sur la nécessité de différencier intérêt public et intérêt du public. Il recommande la plus grande prudence dans le traitement des faits divers pour ne pas verser dans le sensationnalisme en évoquant des informations non utiles et exagérées.
Considérant l’analyse et le guide déontologique, le Conseil observe que le mis-en-cause n’a pas exagéré les faits ni insisté de manière indue sur des éléments de l’accident. Le Conseil considère donc que le mis-en-cause n’a pas commis de faute en regard du sensationnalisme.
Enfin Mme France Raymond déplorait que le journaliste ait porté atteinte à la vie privée de la victime et de ses proches. Elle reprochait notamment ne pas avoir été contactée par le journaliste qui aurait également manqué de compassion et d’égard envers la victime et ses proches dans des moments aussi douloureux. En la matière, le Conseil de presse rappelle la liberté journalistique relativement à la collecte de l’information.
Le Conseil comprend le deuil vécu par la famille du défunt et invite les médias à faire preuve de prudence et de compassion envers la famille dans des dossiers aussi sensibles.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de Mme France Raymond contre le journaliste, M. Vincent Larouche et le quotidien, le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C02B Moment de publication/diffusion
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C16D Publication d’informations privées
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches