Plaignant
M. Jean-Marc Fortier
Mis en cause
Mme Anne-Marie Doyon et MM. Louis Poulin et Patrice Moore, animateurs et journalistes; M. Maurice Marcotte, directeur des opérations et la station 103,3 COOL FM (CHRB-FM, Radio-Beauce Inc.)
Résumé de la plainte
M. Jean-Marc Fortier porte plainte contre trois animateurs de la station radiophonique de Ville- St-Georges, 103,3 COOL FM. Le plaignant considère inacceptables et non professionnels certains propos que les animateurs ont tenus lors de deux émissions diffusées en mai 2008.
Griefs du plaignant
Lors de deux émissions diffusées en mai 2008, les animateurs et journalistes Anne-Marie Doyon, Louis Poulin et Patrice Moore auraient tenu, selon le plaignant, certains propos inacceptables et non professionnels sur les ondes de la station de radio 103,3 COOL FM de Ville-St Georges. M. Fortier explique les situations qu’il dénonce.
La première est survenue le 20 ou le 21 mai 2008, sur l’heure du midi, lors de l’émission « Deux gars le midi », une tribune téléphonique traitant de sujets divers. Le jour de l’incident, l’émission avait pour thème la Commission Bouchard-Taylor dont le rapport avait été déposé mais n’avait pas encore été rendu public. Le plaignant rapporte que « les animateurs se sont servis de fuites de la Commission afin de provoquer les auditeurs, en donnant des informations incomplètes ». Ils auraient ainsi « laissé de côté l’intégralité des informations contenues dans le document ». Selon le plaignant, en tant que journalistes sérieux, ils n’auraient pas dû « se servir de fuites ou d’informations incomplètes pour monter une émission et provoquer la population par de la désinformation ». En agissant ainsi, l’information n’était pas juste, manquait de rigueur et n’aurait pas été obtenue auprès de sources fiables.
La seconde situation s’est passée le 22 mai 2008, entre 7 h 40 et 7 h 45, lors de l’émission du matin animée par Mme Anne-Marie Doyon et MM. Louis Poulin et Patrice Moore. Le plaignant explique que l’émission est une tribune téléphonique « où les gens sont invités à parler de n’importe quel sujet », accidents, incendies, etc. M. Fortier rapporte que le matin de l’incident, le sujet concernait le cas d’une policière qui s’était fait arrêter en état d’ébriété. L’animateur Patrice Moore « se questionnait à savoir si dans la confrérie policière ils devaient se couvrir ou dénoncer la faute lorsqu’ils étaient mis au fait de cette faute ».
M. Fortier raconte qu’il a téléphoné et demandé aux trois journalistes quelle serait leur conduite s’il arrivait qu’un de leurs collègues déroge à l’éthique journalistique. Le plaignant aurait ajouté qu’il « fermait la ligne afin de bien entendre la réponse à la radio ». M. Fortier explique : « Le premier à avoir répondu est Louis Poulin qui a dit quelque chose ressemblant à « granule » ou « granola », en parlant de moi. Anne-Marie a dit que je n’étais pas assez brave pour rester en ondes. Patrice Moore a dit : « La réponse est rappelle-moi plus » ». Le plaignant considère qu’une réponse comme celles de MM. Moore et Poulin est très irrespectueuse à son endroit et qu’elle manque de maturité journalistique.
Pour lui, on détourne la question pour ne pas répondre. Alors qu’on sollicite la participation du public, on le bâillonne quand la réponse ne convient pas, préférant diminuer la personne en ondes. M. Fortier considère que de tels agissements ne sont pas professionnels et peuvent porter atteinte à la réputation de la personne qui se fait traiter de la sorte sur les ondes.
Il indique également qu’il entend souvent des propos injurieux et même des « sacres » en ondes à l’endroit des personnes qui appellent à l’émission.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Maurice Marcotte, directeur des opérations :
Abordant d’abord le cas de la première émission, « Deux gars le midi », le directeur rappelle les accusations : « La critique du plaignant vise la qualité de l’information ainsi que l’absence d’informations intégrales découlant du rapport [Bouchard-Taylor]. Aussi, le plaignant prétend que nos animateurs se seront servis de « fuites » pour provoquer la population par de la désinformation. » Les animateurs n’auraient pas donné l’information juste, manquant ainsi de rigueur, et n’auraient pas fait une collecte d’informations auprès d’une source fiable.
Le directeur des opérations indique que les plaignants réfutent totalement les arguments et les critiques du plaignant. Selon lui, les animateurs s’étaient documentés adéquatement dans le traitement de ce dossier et l’information dont le plaignant parle était disponible partout au Québec à ce moment. Pour M. Marcotte, le plaignant pose un jugement superficiel et subjectif qu’il dit respecter, mais qui n’a pas de fondement sérieux en termes d’éthique journalistique, le plaignant exprimant plutôt une opinion personnelle.
M. Marcotte explique que l’émission qui a fait l’objet de cette critique « est une émission qui comprend un sujet d’actualité pour lequel nous attendons que les auditeurs s’expriment et donnent leurs points de vue. Le sujet en amorce de l’émission est donc présenté de façon succincte pour laisser tout l’espace disponible aux conversations avec les auditeurs ».
En ce qui concerne le second objet de plainte, soit l’émission « Prends ça Cool! » diffusée entre six et neuf heures du lundi au vendredi, le directeur des opérations précise : « Il s’agit d’une émission d’informations générales destinée à procurer aux auditeurs des nouvelles locales et régionales et qui comprend tous les éléments contenus dans ce type d’émission en radio, soit la météo, l’état des routes, les nouvelles du sport, les arts et spectacles. Il ne s’agit pas d’une émission de lignes ouvertes contrairement à ce que prétend le plaignant. » De plus, l’animateur principal, Patrice Moore, inviterait régulièrement les auditeurs à l’informer de ce qui se passe dans la région et à lui rapporter les accidents, les incidents ou tout autre sujet de nouvelles pouvant être d’intérêt pour l’émission.
M. Marcotte indique que « l’incident auquel le plaignant fait référence reflète le fait que l’animateur recherchait les commentaires des auditeurs pour une question donnée et qu’il était exaspéré de recevoir les appels répétés d’une seule personne, le plaignant, en l’occurrence. La réponse du plaignant constituant une critique de l’information diffusée sur nos ondes, n’a pas été retenue comme étant pertinente, nos animateurs ont exprimé qu’ils souhaitaient recevoir des appels d’autres auditeurs ».
Le directeur des opérations affirme fermement : « Nous réfutons absolument avoir tenu des « propos injurieux » ou des « sacres » en ondes. D’ailleurs, l’écoute des bandes-témoins ne vous en fera pas entendre. » Il explique que ce type de langage n’est pas toléré dans sa station et que des sanctions seraient prises envers quiconque en ferait usage. Par conséquent, il s’agirait d’une accusation grave et sans fondement de la part du plaignant.
M. Marcotte explique aussi que sa station fait face à de nombreuses personnes qui cherchent à mobiliser les lignes téléphoniques lorsque les appels des auditeurs sont sollicités et que le plaignant leur est bien connu « ayant eu à répondre à de très nombreuses occasions à ses commentaires et à ses demandes d’entrevues ». Il ajoute que « le plaignant lui-même a tant insisté à une occasion sur une dénonciation qu’il avait faite envers un organisme local que nous avions rapporté en ondes, à sa demande, qu’il avait fait l’objet d’une mesure judiciaire de la part de l’organisme en cause ».
Le directeur des opérations indique également que le service d’information et d’affaires publiques de sa station respecte les plus hauts standards en matière de déontologie journalistique et que « pour leur part, les animateurs qui ne sont pas des journalistes, sont constamment sensibilisés aux valeurs de respect […] et à la promotion des droits de la personne. »
Il ajoute : « Il est possible qu’un animateur ait utilisé une expression déplacée à certaines occasions. Mais, chaque fois que ceci nous est rapporté ou bien que nous en prenons connaissance, nous en avisons l’employé pour éviter toute récidive. »
Réplique du plaignant
Le plaignant amorce sa réplique en déplorant que les propos de M. Marcotte aient pour effet de le discréditer, en le faisant passer pour un « auditeur harcelant » et en tentant de lui enlever toute crédibilité, alors qu’il est un « auditeur participatif ».
Il relève ensuite que la réponse du directeur des opérations indique qu’aucun animateur n’utilise de « sacres » et que les journalistes ont des standards très élevés; mais que plus loin dans sa réponse, le directeur admet « qu’il est arrivé et qu’il arrive encore qu’il y a des ratées dans les paroles des journalistes et qu’ils ne font que les avertir afin que de telles situations ne surviennent plus ».
Le plaignant dit n’avoir aucun doute sur le fait que les animateurs ont été avertis de faire attention à leurs propos et il donne un exemple de juron, suivi d’excuses, peu de temps après. Il relève que le personnel qui n’est pas journaliste est constamment sensibilisé, mais affirme que, malgré cela, « certains journalistes passent outre à cette sensibilisation, par exemple auprès des personnes assistées sociales ».
COMPLéMENT à LA RéPLIQUE
Trois semaines après le dépôt de sa réplique, le plaignant fait parvenir au Conseil trois exemples d’écarts de langage de la part de MM. Moore et Poulin.
Analyse
Grief 1 : information mal fondée, fausse et incomplète
M. Jean-Marc Fortier déplore que, lors de l’émission « Deux gars le midi » diffusée le 20 ou le 21 mai 2008, sur les ondes de la station de radio 103,3 COOL FM, les animateurs et journalistes Louis Poulin et Patrice Moore se soient servis de fuites de la Commission Bouchard-Taylor afin de provoquer les auditeurs. Le jour de l’incident, l’émission avait pour thème la Commission dont le rapport avait été déposé, mais n’avait pas encore été rendu public. Les animateurs auraient communiqué des informations inexactes, incomplètes et qui n’auraient pas été obtenues auprès de sources fiables.
La jurisprudence du Conseil indique qu’il appartient d’abord au plaignant de faire la preuve des accusations qu’il formule avant d’obtenir une condamnation des mis-en-cause.
Or, l’analyse faite par le Conseil indique qu’au-delà de formuler ces accusations, le plaignant ne démontre pas en quoi l’information livrée par les animateurs est mal fondée, fausse ou incomplète. La démonstration n’ayant pas été faite, le grief n’est pas retenu.
Grief 2 : propos, attitude et tons irrespectueux
Le second grief concerne un incident survenu le 22 mai 2008, lors de l’émission du matin animée par M. Patrice Moore, en collaboration avec Mme Anne-Marie Doyon et M. Louis Poulin. Ces derniers invitaient les auditeurs à leur communiquer des informations sur le milieu, les accidents, les incendies, etc. Le sujet du jour concernait le cas d’une policière qui s’était fait arrêter en état d’ébriété et l’animateur Patrice Moore « se questionnait à savoir si dans la confrérie policière ils devaient se couvrir ou dénoncer la faute lorsqu’ils étaient mis au fait de cette faute ». Le plaignant a téléphoné et demandé aux trois journalistes : quelle serait leur conduite s’il arrivait qu’un de leurs collègues déroge à l’éthique journalistique. Il a ajouté qu’il « fermait la ligne afin de bien entendre la réponse à la radio ». Selon le plaignant, la réponse des animateurs a été très irrespectueuse à son endroit et manquait de maturité journalistique : Mme Doyon, en laissant entendre qu’il « n’était pas assez brave pour rester en ondes », et M. Moore en lui répondant de ne plus rappeler.
Or, selon le guide Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil : « Les animateurs doivent respecter les opinions de leurs interlocuteurs et éviter à leur endroit tous propos, attitudes ou tons offensants. Le public est en droit de s’attendre à ce qu’ils n’abusent pas de leur fonction ni de leur latitude pour imposer leurs points de vue personnels et écarter ceux qui n’y correspondent pas. Sans recourir à l’autocensure, les animateurs doivent éviter de se laisser guider par leurs préjugés, leurs intérêts personnels ou leurs inimitiés. » DERP, p. 29
Après examen des documents des parties et des bandes audio fournies par les mis-en-cause, le Conseil constate que les mis-en-cause se sont laissés guider par leurs inimitiés, et ont abusé de leurs fonctions en employant un ton irrespectueux à l’égard du plaignant. Le grief est donc retenu sur cet aspect.
Grief 3 : respect de la réputation
Le plaignant reprochait aussi aux animateurs, de part leurs réactions lors de l’émission, d’avoir manqué de respect à sa réputation.
Toutefois, le Conseil considère que les propos tenus par les animateurs, bien qu’impolis, n’étaient pas de nature à manquer de respect à la réputation du plaignant. Ainsi, ce grief n’est pas retenu.
Grief 4 : propos injurieux
Dans sa réplique aux commentaires des mis-en-cause, le plaignant a fourni quelques exemples de jurons ou de « sacres » qu’il aurait relevés. Pour sa part, le porte-parole des mis-en-cause nie catégoriquement que les animateurs aient tenu des « propos injurieux » ou des « sacres » en ondes.
Puisque au-delà de ses affirmations, le plaignant n’a pu démontrer les accusations formulées et comme les enregistrements fournis par les mis-en-cause ne permettent pas de constater de tels manquements, le Conseil ne retient pas le grief sur cet aspect.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons et aux motifs de propos, attitudes et tons irrespectueux à l’endroit du plaignant, le Conseil de presse retient la plainte contre les animateurs et journalistes Anne-Marie Doyon, Patrice Moore et Louis Poulin et la station radiophonique 103,3 COOL FM, CHRB-FM, Radio-Beauce Inc.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image