Plaignant
Mme Chantal Levert
Mis en cause
M. Mychel Lapointe, journaliste; M. François Laferrière, président et éditeur et
l’hebdomadaire Le Journal du Nord
Résumé de la plainte
Mme Chantal Levert porte plainte contre le journaliste Mychel Lapointe pour avoir publié dans le Journal du Nord un article qui comportait un commentaire erroné le 30 janvier 2008, et un cahier spécial qui faisait la promotion de la Ville de Saint-Jérôme et de la MRC de la Rivière-du-Nord le 4 juin 2008.
Griefs du plaignant
Mme Levert soumet au Conseil, et à titre de plainte, un courriel qu’elle a fait parvenir à M. Lapointe le 20 juillet 2008. Elle y déplore que le journaliste ait commis des erreurs en écrivant des articles au sujet du Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) qui concerne les municipalités de la MRC de la Rivière-du-Nord.
Elle explique que, le 29 janvier 2008 (version en ligne de l’article), et à la suite du versement de quelques 984 705 $ par le gouvernement dans le cadre de ce régime, M. Lapointe a écrit qu’« il a été payant pour les municipalités de la MRC de la Rivière-du-Nord, et par le fait même pour les citoyens, d’apporter une attention particulière à la gestion des matières résiduelles » ce qui, de son avis, était un commentaire erroné. Selon la plaignante, ce montant qui fut versé aux municipalités par le gouvernement québécois est établi en fonction du nombre d’habitants. Selon elle, le règlement qui est attaché à ce versement n’oblige les municipalités à aucune performance ou « attention particulière ». Elle ajoute que pour y avoir droit, la municipalité n’a qu’à faire parvenir au Ministère une résolution de son conseil afin de s’y inscrire. Le plaignante conclut que ce programme n’est payant pour une municipalité qu’au regard du nombre de personnes qu’il concerne.
De son avis, le commentaire du mis-en-cause faisait en sorte que la population de la MRC de la Rivière-du-Nord pouvait croire que les efforts citoyens avaient été appréciables et que les décideurs municipaux avaient mis en place de bonnes initiatives.
Mme Levert fait observer que dans un éditorial de l’édition publiée en ligne et datée du 3 juin 2008, le cahier spécial sur le meilleur de Saint-Jérôme et de la MRC de la Rivière-du-Nord mentionnait qu’il reflétait « les bons coups sur le plan environnemental chez nous ». Elle ajoute que dans l’article intitulé « Le gouvernement impose, la MRC dispose », il est mentionné que « le gouvernement a imposé ses obligations en matière de disposition des matières résiduelles et la MRC de la Rivière-du-Nord a pris les moyens de répondre aux exigences gouvernementales », et que « le plan de gestion en question est appuyé dans le cas de la MRC de la Rivière-du-Nord par plus de 18 résolutions et mis en vigueur depuis 2004 de façon à atteindre les objectifs ». Selon la plaignante, l’article oubliait de mentionner que la quasi-totalité des échéanciers, budgets, outils et mesures inscrites dans le PGMR n’ont pas été respectés.
Mme Levert estime que l’article ne portait pas la mention publireportage et que par conséquent le journaliste aurait dû vérifier la véracité de ce qu’il publiait avant de faire les louanges de la vertu des décideurs politiques. Elle ajoute que le gouvernement a redistribué plus d’un million de dollars aux municipalités de la MRC pour financer le PGMR et affirme que les municipalités ne l’auraient pas utilisé à cette fin. Elle se demande alors pourquoi le journaliste n’a pas cherché à savoir ce qui avait été fait de cet argent. Pour la plaignante, qui explique avoir été responsable de la mise en place du PGMR entre 2001 et 2007, le mis-en-cause a publié un communiqué de presse et ce, sans faire de vérification.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Mychel Lapointe, journaliste :
Sur la question des redevances qu’ont perçues les municipalités en provenance du gouvernement du Québec, le mis-en-cause reconnaît que la plaignante a en partie raison, sur le fait notamment que le montant versé est déterminé en fonction de la population. Il ajoute qu’une municipalité qui ne se conforme pas aux normes du gouvernement pourrait toutefois se voir refuser le versement des sommes qui devraient lui être octroyées.
M. Lapointe explique qu’il a été avantageux pour les municipalités de faire des efforts pour atteindre le PGMR et n’estime pas que les lecteurs aient été induits en erreur. Il précise que ce n’est qu’au niveau de la photo illustrant le texte que fut émise l’opinion selon laquelle « il a été payant pour les municipalités de la MRC de la Rivière-du-Nord et par le fait même pour les citoyens d’apporter une attention particulière à la gestion des matières résiduelles ».
Concernant le cahier spécial publié en version écrite le 4 juin 2008, le mis-en-cause précise que, contrairement aux dires de la plaignante, il s’agissait d’un texte d’introduction et non d’un éditorial. De l’avis de M. Lapointe, une comparaison entre un commentaire et un texte de présentation est aisée à faire, et il joint à cette fin l’exemplaire du 4 juin 2008 au complet.
Le mis-en-cause ajoute qu’il lui semblait légitime de parler, dans cette édition, des bons coups environnementaux dans le cas de la Ville de Saint-Jérôme puisque celle-ci a reçu, en 2008, le Mérite Ovation en environnement et développement durable ainsi que le Prix Joseph-Beaubien étoile or décerné par l’Union des municipalités du Québec, en plus d’avoir été finaliste aux Phénix de l’environnement cette même année.
Concernant l’allégation selon laquelle le dossier tiendrait plus du publireportage que du journalisme écrit, le mis-en-cause explique que le dossier se voulait une publication de nature positive sur ce qui se fait de mieux à Saint-Jérôme et dans la MRC. Il ajoute que la Ville de Saint-Jérôme ainsi que la MRC ont acheté de la publicité au sein du cahier, ce qui ne signifie toutefois pas que le contenu rédactionnel répondait à une quelconque prérogative publicitaire. Pour M. Lapointe, compte tenu du fait que la plaignante était responsable du Plan de gestion des matières résiduelles, cette dernière était en conflit d’intérêts concernant le dossier contre lequel elle se plaint.
Le mis-en-cause s’étonne en dernier lieu que Mme Levert n’ait réagi qu’au mois de juillet 2008 à l’article qui avait été publié en janvier 2008, et qu’elle n’ait pas exprimé ses impressions dans le courrier des lecteurs.
Il conclut en mentionnant qu’il a joint en annexe la copie d’un courriel adressé à la plaignante et lui expliquant les raisons du délai de réponse à son courriel du 20 juillet 2008.
Réplique du plaignant
Concernant l’article publié en ligne le 29 janvier 2008 et daté du 30 janvier pour la version papier :
Mme Levert précise que l’information fournie par le mis-en-cause selon laquelle une municipalité qui ne se conforme pas aux normes du gouvernement peut se voir refuser le versement des redevances qui doivent lui être octroyées dans le cadre du PGMR est une disposition qui n’a fait son apparition qu’en juin 2008 et qui n’était donc pas en vigueur au moment de la publication de l’article. La plaignante fait mention de liens vers Internet où il serait possible de vérifier cette information.
La plaignante rappelle que sa plainte sur cet article portait principalement sur le commentaire à l’effet qu’« il a été payant d’apporter une attention particulière à la gestion des matières résiduelles ». De son avis, les commentaires de M. Lapointe ne venaient en rien minimiser l’impact de cette phrase, et elle réitère qu’il amenait directement les lecteurs à croire que l’argent du gouvernement a été versé aux municipalités de par leur mérite, ce qui ne serait pas le cas.
Concernant l’article publié en ligne le 3 juin 2008 et daté du 4 juin pour la version papier :
Mme Levert maintient que le dossier qui a été publié était du domaine du publireportage. De son avis, le fait que le mis-en-cause ait admis que la MRC de la Rivière-du-Nord a acheté de la publicité dans ce cahier vient étayer son point de vue. Elle se dit néanmoins surprise après avoir exploré le cahier, de n’avoir trouvé aucune publicité de la MRC.
La plaignante ajoute que l’article qui fut publié sous le titre « Le gouvernement impose, la MRC dispose » est la retranscription d’un document qu’elle a elle-même rédigé en janvier 2006 et qui est depuis devenu la propriété de la MRC. Mme Levert fait mention de l’adresse Internet à laquelle il est possible de retrouver ce document. Elle mentionne enfin que le journaliste n’a pas pris le temps de vérifier si les informations qu’il comportait étaient encore valides.
La plaignante réitère son commentaire à l’effet que la quasi-totalité des échéanciers, budgets, outils et mesures inscrites dans le Programme de gestion des matières résiduelle n’ont pas été respectés.
Commentaires à la réplique
Concernant la prétention de Mme Levert selon laquelle il n’y aurait pas d’encart publicitaire de la MRC dans l’édition du 4 juin 2008, le mis-en-cause réfère le Conseil aux pages 26 et 30 du cahier dont il a joint la copie.
Concernant le reproche de la plaignante à l’effet que M. Lapointe aurait utilisé un document disponible sur Internet et relatif au Plan de gestion des matières résiduelles, ce dernier explique que ce document lui a été référé par la direction générale de la MRC qui lui aurait confirmé que le contenu était toujours pertinent.
En conclusion, le mis-en-cause mentionne qu’il considère Mme Levert en conflit d’intérêts dans le présent dossier compte tenu de ses anciennes occupations au sein de la MRC.
Analyse
Mme Chantal Levert portait plainte contre le journaliste Mychel Lapointe pour un article dont il est l’auteur et publié dans le Journal du Nord le 30 janvier 2008 ainsi que pour un cahier spécial portant le titre « Le meilleur de Saint-Jérôme et de la MRC de la Rivière-du-Nord » publié le 4 juin 2008.
La plaignante reprochait dans un premier temps à l’article publié le 30 janvier 2008 de contenir un commentaire qui était erroné, selon elle, à l’effet qu’« il a été payant pour les municipalités de la MRC de la Rivière-du-Nord, et par le fait même pour les citoyens, d’apporter une attention particulière à la gestion des matières résiduelles ». Selon Mme Levert, avant juin 2008, le seul critère qui comptait pour déterminer le montant perçu par les municipalités dans le cadre du Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) était le nombre d’habitants. De son avis, ce commentaire aurait eu pour effet de donner aux lecteurs l’impression que les efforts citoyens avaient été appréciables et que les décideurs municipaux avaient mis en place de bonnes initiatives.
Un principe de base énoncé dans le guide Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil veut que la rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes soit synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements.
Or, le Conseil constate que la légende de la photo est commentée par le journaliste qui reconnaît l’avoir écrite. Ce commentaire, qui appartient au journalisme d’opinion, s’inscrit dans le cadre d’un article d’information, ce qui constitue un mélange des genres journalistiques et donc, un manquement à la déontologie.
Par ailleurs, le commentaire du mis-en-cause était erroné. Après vérification de la documentation transmise par la plaignante, le Conseil a pu s’assurer qu’à la date où l’article fut publié, le seul facteur qui comptait pour déterminer le montant reçu par les municipalités était bien le nombre d’habitants. Par conséquent, les deux griefs sont retenus, d’abord pour avoir fait un commentaire sous la légende de la photo au cŒur d’un article d’information, et ensuite, pour avoir publié un contenu erroné.
Au grief suivant, la plaignante accusait le journaliste d’avoir, dans le cahier spécial du 4 juin 2008, utilisé deux genres journalistiques sur le même sujet, soit le journalisme d’opinion et le journalisme d’information, en juxtaposant un texte d’opinion et des articles d’information. Or, la déontologie journalistique met en garde contre ce genre de pratique qui nuit à la qualité de l’information et à sa crédibilité.
Après analyse du contenu du texte intitulé « Le Meilleur 2008 », le Conseil conclut qu’il s’agissait effectivement d’un texte d’opinion du directeur de l’information. Le Conseil de presse retient par conséquent le grief pour utilisation de deux genres journalistiques sur le même sujet par le même journaliste.
La plaignante affirmait que dans ce même cahier, l’article intitulé « Le gouvernement impose, la MRC dispose » était la retranscription d’un document datant de 2006, dont elle est l’auteure. De plus, selon elle, le journaliste n’avait pas pris le temps de vérifier si les informations qu’il comportait étaient encore valides avant de les utiliser.
Toujours selon le guide DERP du Conseil, les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information et également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent.
Après examen de l’article et d’un document propriété de la MRC intitulé « écocentres – année 2006 – carnet d’information », le Conseil constate que l’article de M. Lapointe reprend textuellement cinq paragraphes du document sans en mentionner la provenance. Par conséquent, comme il n’a pas mentionné l’origine de ces paragraphes, le journaliste laissait aux lecteurs l’impression erronée qu’il en était l’auteur. Le Conseil a donc retenu le grief sur cet aspect.
En ce qui a trait à la véracité des informations diffusées, le mis-en-cause affirmait que la MRC lui avait confirmé que ces informations étaient encore valides. Puisque la plaignante n’a pas démontré en quoi celles-ci pouvaient s’avérer erronées, ce dernier grief est rejeté.
De l’avis de Mme Levert, ce même article ne mentionnait que les « bons coups sur le plan environnemental » sans mentionner que les échéanciers, budgets, outils et mesures inscrites dans le Plan de gestion des matières résiduelles n’ont pas été respectés.
à ce sujet, le Conseil rappelle que l’information livrée au public fait nécessairement l’objet de choix rédactionnels. Ces choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes.
Ainsi, au vu de ce principe, le journaliste pouvait traiter du sujet selon l’angle de son choix et n’y inclure que les seuls éléments qui étaient, dans cette optique, pertinents. Le grief est rejeté.
Pour la plaignante, et bien que le cahier spécial ne portait pas la mention de publireportage, il s’agissait d’un exercice d’autopromotion pour la Ville de Saint-Jérôme.
Le guide DERP du Conseil énonce, à ce sujet, que les médias doivent établir une distinction nette entre l’information et la publicité sur tous les plans : contenu, présentation, illustration. Tout manquement à cet égard est porteur de confusion auprès du public quant à la nature de l’information qu’il croit recevoir. Ils doivent éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte dans leur traitement de l’information ou de se faire les publicistes ou les promoteurs de quelque cause, produit, activité, événement culturel ou sportif que ce soit.
L’analyse a permis au Conseil de constater que, bien que les publicités émanants de la Ville de Saint-Jérôme soient nombreuses dans le cahier spécial, elles se différencient sans mal des articles. Aucune confusion n’était possible pour le lecteur. De plus, relativement à la question de la supposée collusion entre le journaliste et les municipalités, la plaignante n’apporte aucun élément permettant de soutenir son raisonnement. Par conséquent, le grief est rejeté.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de Mme Chantal Levert contre M. Mychel Lapointe et le Journal du Nord pour avoir fait mention d’un commentaire dans la légende de la photo reliée à un article d’information, pour avoir diffusé une information erronée, et parce que le journaliste a signé, sur le même sujet, un article d’opinion et des articles d’information. La plainte est également retenue pour plagiat puisque certaines informations ont été textuellement reprises par le journaliste sans mention de sa source.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C15F Information non attribuée
- C21A Publicité déguisée en information