Plaignant
Syndicat canadien de l’énergie et du papier (SCEP), section locale 175 et M. Jacques Vanier, président
Mis en cause
M. Richard Desmarais, journaliste et animateur; M. Louis Trépanier, vice-président, programmation; l’émission « L’Avocat du diable » et le réseau TQS
Résumé de la plainte
Le Syndicat canadien de l’énergie et du papier, représenté par son président, M. Jacques Vanier, porte plainte contre le journaliste Richard Desmarais, particulièrement contre les propos qu’il a tenus lors de l’émission « L’Avocat du diable », le 30 avril 2008, sur la chaîne TQS. Il reproche au journaliste d’avoir prononcé des propos infondés et inexacts. Il regrette que la direction n’ait pas fait de rectification.
Griefs du plaignant
Le Syndicat canadien de l’énergie et du papier (SCEP), section locale 175, et son président Jacques Vanier portent plainte contre la chaîne de télévision TQS et le journaliste Richard Desmarais pour des propos tenus par ce dernier lors de l’émission « L’Avocat du diable », le 30 avril 2008.
Le plaignant reproche au journaliste-commentateur d’avoir tenu des propos inexacts et diffamatoires à l’encontre du Syndicat, du président et de ses membres.
Concernant les raisons du lock-out à Petro-Canada, le journaliste Richard Desmarais aurait prétendu connaître la « vraie raison » de ce conflit de travail. Le mis-en-cause aurait assuré que le président était la cause du conflit parce qu’il ne voulait pas travailler et voulait être libéré à temps plein. Pour le plaignant, cette affirmation est grave et nécessite des preuves que le journaliste n’aurait pas dévoilées, se contentant de dire qu’il savait de quoi il parlait. Le plaignant estime que ce sont des affirmations gratuites et fausses, constituant une diffamation vis-à-vis du Syndicat et plus particulièrement de son président.
Les reproches du plaignant visent principalement ces propos, qu’il juge inexacts et que le mis-en-cause appuie en laissant entendre qu’ils sont basés sur une source d’information fiable, qu’il ne cite à aucun moment. Le plaignant accuse le journaliste d’avoir avancé des propos graves sans même rechercher la vérité auprès des officiers syndicaux ou du président du Syndicat. Selon le plaignant, le journaliste n’a pas vérifié ses sources.
Le plaignant explique enfin les « véritables » raisons du lock-out, dont les libérations du président du Syndicat « n’ont été et ne sont qu’un point parmi tant d’autres ». Il réaffirme que s’il s’agissait du seul problème, il n’y aurait pas de conflit. Le plaignant revient point par point sur les raisons du lock-out : l’application du pattern national, le représentant à la prévention, la ligne de progression, la construction du cooker et l’utilisation des sous-contracteurs.
Finalement, le plaignant accuse le mis-en-cause d’avoir nui au Syndicat et aux salariés en transmettant de tels commentaires et d’encourager alors le conflit industriel, tout en agissant de façon irresponsable face à l’intérêt public canadien.
Le plaignant précise qu’il a envoyé une mise en demeure à TQS.
Le plaignant demande que TQS diffuse la rétractation dans la même émission ou dans une autre émission d’affaires publiques et qu’elle soit publiée dans un des quotidiens français du Québec. Il demande également que l’enregistrement diffusé sur le site Internet YouTube soit retiré.
Commentaires du mis en cause
M. Richard Desmarais refuse de répondre devant le Conseil de presse à la plainte du Syndicat, dans la mesure où ce dernier s’est réservé le droit d’entamer ultérieurement des procédures au civil.
Réplique du plaignant
Les plaignants n’ont soumis aucune réplique.
Analyse
Le Syndicat canadien de l’énergie et du papier, section locale 175, et son président Jacques Vanier portent plainte contre la chaîne de télévision TQS et le journaliste Richard Desmarais pour des propos tenus, par ce dernier, lors de l’émission « L’Avocat du diable » le 30 avril 2008. Le plaignant reproche au mis-en-cause l’inexactitude de ses propos, le manque de rigueur, et l’absence de rectificatif.
Grief 1 : faits relatifs non exposés
Le Conseil de presse observe en premier lieu que le mis-en-cause n’a pas exposé les faits relatifs au conflit de travail avant d’émettre son opinion. Or, le guide de déontologie stipule : « Il importe, par ailleurs, que [les chroniqueurs] rappellent les faits relatifs aux événements, situations et questions qu’ils décident de traiter avant de présenter leurs points de vue, critiques et lectures personnelles de l’actualité, afin que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause quant aux sujets sur lesquels ils se prononcent. » DERP, p. 28
Au vu de ce qui précède le Conseil de presse retient le grief relatif au manque de rigueur du mis-en-cause par absence d’un exposé des faits au début de la chronique.
Grief 2 : information inexacte
Ensuite, le plaignant reproche au mis-en-cause, qui agit à titre de chroniqueur, d’avoir affirmé des propos inexacts relativement à la responsabilité du président du Syndicat dans la décision de Petro-Canada de déclencher un lock-out. Le Conseil de presse rappelle que la chronique, le billet et la critique sont des genres journalistiques qui doivent respecter les exigences d’exactitude, de précision et d’intégrité tout en autorisant une plus grande liberté d’expression. Au regard du guide de déontologie : « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. » DERP, p. 28
Après analyse, le Conseil de presse observe que le mis-en-cause a exprimé le fait que la libération syndicale du président M. Vanier était le seul litige dans ce conflit de travail. Il a donné son explication quant aux raisons du déclenchement du lock-out. La question de la libération syndicale de M. Vanier représente effectivement un des éléments litigieux dans ce conflit de travail mais pas le seul. Le Conseil de presse retient le grief pour inexactitude.
Grief 3 : source non identifiée
Le plaignant dénonce ensuite le manque de rigueur du mis-en-cause qui avance des propos sans citer aucune source. En effet, pour défendre son point de vue il avance : « Je le tiens de source sure ». Cette affirmation porte à confusion pour l’auditeur. Le journaliste était tenu d’expliciter cette phrase.
Le Conseil de presse rappelle les recommandations du guide des Droits et responsabilités de la presse en la matière : « L’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle. Quelle que soit la provenance des informations – autorités, spécialistes ou témoins de situations ou d’événements – , les médias et les journalistes doivent s’assurer que l’anonymat requis par des sources ne constitue pas un subterfuge pour manipuler l’opinion publique. » DERP, p. 32
Au regard de ce qui précède, le Conseil de presse estime que le mis-en-cause se devait de clarifier ses propos concernant la présence d’une « source sure ». S’il ne pouvait l’identifier distinctement, il se devait d’en expliciter les raisons. Le Conseil de presse retient le grief pour source non identifiée.
Grief 4 : Absence de mise au point
Puis le plaignant reproche à la direction de ne pas avoir diffusé de mise au point relativement aux faits. Compte tenu du premier grief, le mis-en-cause se devait de corriger le manquement identifié. Le guide de déontologie stipule en effet que les mis-en-cause se doivent de corriger tout manquement dont ils font preuve.
« Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. » DERP, p. 46
Ainsi, le Conseil de presse retient le grief pour absence de mise au point.
Grief 5 : absence de participation
Enfin, le Conseil de presse regrette la non-participation des mis-en-cause visés par la plainte, ce qui va à l’encontre de la responsabilité qu’ont les médias de répondre publiquement de leurs actions. Le Conseil de presse insiste sur l’importance pour tous les médias de participer aux mécanismes d’autorégulation qui contribuent à la qualité de l’information et à la protection de la liberté de presse. Cette collaboration constitue un moyen privilégié pour eux de répondre publiquement de leur responsabilité d’informer adéquatement les citoyens. Le Conseil de presse retient le grief relatif au manque de collaboration du mis-en-cause, qui a refusé de répondre devant le tribunal d’honneur de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse blâme le journaliste Richard Desmarais ainsi que la direction de TQS pour manque de rigueur, information inexacte, source non identifiée, absence de mise au point, et absence de collaboration.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C15C Information non établie
- C19A Absence/refus de rectification