Plaignant
Mme Isabelle Chiasson, directrice générale et les hebdomadaires Le Journal de Sept-îles et Nord-Est
Mis en cause
M. Nicolas Asselin, coéditeur et l’hebdomadaire Journal Le Nord-Côtier
Résumé de la plainte
Mme Isabelle Chiasson porte plainte contre M. Nicolas Asselin, éditeur de l’hebdomadaire Journal Le Nord-Côtier, pour être l’auteur de certains articles en même temps qu’il exerce des fonctions de prospection publicitaire pour ce même média.
Griefs du plaignant
Mme Chiasson dénonce le fait que M. Asselin est, selon elle, en conflit d’intérêts à plusieurs niveaux. La plaignante explique que le mis-en-cause est copropriétaire du Journal Le Nord-Côtier depuis le 23 mars 2007 et qu’il exerce depuis, les fonctions de représentant publicitaire, en plus d’y signer un certain nombre de textes. La plaignante explique qu’il est possible de visualiser ce qu’elle avance en se rendant sur le site Internet du journal. Dans l’édition du 21 août 2008, qu’elle joint à sa plainte, Mme Chiasson explique que M. Asselin a signé des textes en pages 7 et 14 et ajoute que, dans la cartouche en bas de la page 4, il est inscrit à titre de conseiller publicitaire. Il s’agit, selon elle, d’une mauvaise pratique.
La plaignante ajoute que, dans son commentaire en page 4, le mis-en-cause aurait eu des propos discriminatoires à l’endroit de son compétiteur, soit les hebdomadaires qu’elle représente. à son avis, M. Asselin citerait à plusieurs reprises ces derniers dans ses commentaires et dénigrerait le travail des journalistes qui oeuvrent dans ces hebdomadaires, notamment en page 4 de l’édition du 11 septembre 2008, qu’elle joint également à sa plainte.
Elle en conclut que le mis-en-cause ne respecte pas le code de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Nicolas Asselin, coéditeur :
Le mis-en-cause explique ne pas comprendre ce qui motive la plainte de Mme Chiasson. Selon lui, il s’agirait avant toute chose d’un règlement de compte qui trouverait sa raison d’être dans le fait que son journal est sur le point de détrôner celui de la plaignante, dans la région.
M. Asselin constate, par ailleurs, qu’en dépit du règlement sur l’étude des plaintes du Conseil de presse qui spécifie que les plaignants s’adressent en premier lieu directement à la partie mise en cause, ce dernier et son coéditeur M. Lévesque n’ont jamais été contactés.
En ce qui a trait à la plainte de Mme Chiasson, le mis-en-cause explique qu’il est nécessaire d’introduire quelques nuances. De mars 2007 à décembre 2007, il mentionne avoir été directeur de l’information du journal. Il ajoute que, depuis janvier 2008, il a diminué l’écriture à un rythme croissant pour céder la place de directeur de l’information à une autre personne. Devant être disponible pour vendre de la publicité, il affirme qu’il se consacre depuis mai 2008 entièrement à son rôle de conseiller publicitaire, tout en étant en charge de projets spéciaux.
Il explique que, s’il a signé des textes en août dernier, c’est parce que la publicité n’était pas au rendez-vous pendant la période estivale et qu’il a repris le rôle de journaliste, sans faire de vente, pour couvrir la période de vacances de ses trois journalistes.
Concernant le commentaire, il ne s’agirait, selon lui, pas d’un article du journal, mais bien d’un coup de gueule de l’éditeur. Il se trouve dans les pages éditoriales où l’on retrouve également les lettres d’opinion. M. Asselin ajoute que la plaignante s’est sentie avec raison visée par son commentaire du 11 septembre 2008, mais ne devrait toutefois pas prendre ce dernier personnellement. Il mentionne qu’il s’agissait d’un sujet dont toute la ville avait parlé cette même semaine.
Le mis-en-cause conclut que, de son avis, la plainte de Mme Chiasson reflète plus la compétition féroce à laquelle se livre leurs médias respectifs que le conflit d’intérêts ou la confusion des genres journalistiques.
Réplique du plaignant
Mme Chiasson réplique que sa plainte repose sur le fait que M. Asselin ne se conforme pas au code de déontologie des journalistes de la FPJQ qui mentionne entre autres que : « les journalistes doivent s’abstenir d’effectuer, en dehors du journalisme, des tâches reliées aux communications : relations publiques, publicité, promotion […] Les journalistes ne peuvent pas communiquer un jour des information partisanes et le lendemain des informations impartiales, sans susciter la confusion dans le public et jeter un doute constant sur leur crédibilité et leur intégrité. »
Sur la base de ce principe, la plaignante explique que M. Asselin pratique encore l’écrit, ce qu’elle a démontré dans sa plainte.
Elle conclut que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec lui aurait confirmé que M. Asselin allait être écarté de la liste de ses membres, considérant que ce dernier ne répondrait pas à leur code de déontologie.
Mme Chiasson joint à sa plainte un article signé du 16 octobre 2008, dont M. Asselin est l’auteur.
Analyse
Grief 1 : indépendance de l’information et de la publicité et conflit d’intérêts
Mme Isabelle Chiasson portait plainte contre M. Nicolas Asselin, éditeur de l’hebdomadaire Journal Le Nord-Côtier. Dans un premier temps, la plaignante lui reproche d’avoir cumulé les activités de journaliste, en étant l’auteur d’articles et de commentaires éditoriaux et de conseiller publicitaire au sein de ce même média. Elle soumet pour analyse les éditions du 21 août et du 11 septembre 2008 du Journal Le Nord-Côtier.
Dans son guide Droits et responsabilités de la presse, le Conseil mentionne que : « Les entreprises de presse doivent veiller elles-mêmes à ce que, par leurs affectations, leurs journalistes ne se retrouvent pas en situation de conflit d’intérêts ni d’apparence de conflit d’intérêts. Elles doivent se montrer toutes aussi rigoureuses à l’égard du travail des collaborateurs extérieurs auxquels elles ont recours. […] Afin de préserver leur crédibilité professionnelle, les journalistes sont tenus à un devoir de réserve quant à leur implication personnelle dans diverses sphères d’activités sociales, politiques ou autres qui pourrait interférer avec leurs obligations de neutralité et d’indépendance. » DERP, p. 25
M. Asselin réplique que, depuis le mois de mai 2008, il exerce exclusivement les fonctions de conseiller publicitaire. Il explique avoir été l’auteur d’articles dans les éditions que soumettait la plaignante uniquement parce que son équipe de journalistes n’était pas disponible. Il ajoute que, pendant cette période, il ne s’est consacré qu’à cette fonction journalistique. Or, au regard du principe qui vient d’être énoncé, le Conseil affirme que le mis-en-cause, parce qu’il est d’abord officiellement en charge de la publicité pour le Journal Le Nord-Côtier, ne pouvait pas occuper une fonction journalistique, même si le personnel venait à manquer dans son média, sans compromettre son intégrité de journaliste. Concernant le cumul des fonctions de conseiller publicitaire et d’éditorialiste, M. Asselin n’apposait aucun commentaire. L’analyse a toutefois permis de révéler que M. Asselin est l’auteur d’un éditorial dans chacune des deux éditions du Journal Le Nord-Côtier qui ont été soumises au Conseil pour analyse. Le Conseil tient à préciser que l’activité éditoriale est également une fonction de type journalistique et que, par conséquent, ce dernier ne pouvait pas non plus exercer celle-ci en parallèle de ses fonctions de conseiller publicitaire. Le grief est retenu.
Grief 2 : propos discriminatoires
Dans un second temps, la plaignante reprochait à M. Asselin d’avoir tenu, dans son commentaire éditorial daté du 21 août 2008, des propos discriminatoires à l’endroit des hebdomadaires qu’elle dirige ainsi que d’avoir dénigré le travail de journalistes qui oeuvrent pour d’autres médias, dans le cadre de son commentaire éditorial publié le 11 septembre 2008.
Le guide des Droits et responsabilité de la presse du Conseil souligne que l’éditorial constitue une tribune d’opinion réservée à l’éditeur dont les sujets et contenus relèvent de sa discrétion. Il est de son ressort de déterminer l’espace qu’il juge à propos pour prendre position, faire valoir ses points de vue ou exprimer ses critiques. La liberté d’opinion de l’éditorialiste n’est toutefois pas absolue puisque la latitude dont celui-ci jouit doit s’exercer dans le respect des valeurs démocratiques et de la dignité humaine.
Après analyse, le Conseil conclut que les deux éditoriaux dont se plaignait Mme Chiasson respectent bien les balises que pose la déontologie journalistique et qu’ils ne font pas montre de propos discriminatoires ni qu’ils ne dénigrent le travail de certains journalistes. Ce grief est rejeté.
Décision
Par voie de conséquence, le Conseil de presse blâme M. Nicolas Asselin pour avoir exercé, pour le Journal Le Nord-Côtier, deux activités incompatibles que sont le journalisme, que ce soit d’information ou d’opinion, et la promotion d’un média et de s’être placé en situation de conflit d’intérêts. Le Conseil recommande à l’hebdomadaire de se doter d’une politique claire afin de garantir une parfaite indépendance entre les différents services journalistiques et la publicité.
Analyse de la décision
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C18D Discrimination
- C21G Indépendance des services d’information et de publicité
- C22C Intérêts financiers