Plaignant
M. François M. Taisne
Mis en cause
Mme Marie-ève Fournier, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. François M. Taisne porte plainte contre Mme Marie-ève Fournier pour un reportage publié dans l’édition du 27 octobre 2008 du Journal de Montréal, intitulé « Danger, prêts faciles ». Il reproche au texte en cause d’avoir proposé aux lecteurs la conclusion selon laquelle, il est facile d’obtenir des prêts importants auprès d’institutions financières, information qui est, selon lui, inexacte.
Griefs du plaignant
M. Taisne explique que la journaliste a rapporté, dans son article, que les prêts hypothécaires sont faciles à obtenir en ne consultant que trois administrateurs de comptes d’institutions financières et un courtier hypothécaire. Or selon lui, l’obtention d’un prêt hypothécaire par une institution bancaire, une caisse, une fiducie ou toute autre société prêteuse doit être confirmée par la gestion de risques de ses prêteurs et non par les administrateurs de compte. Il en conclut que l’information que fournissait Mme Fournier était partiellement fausse, d’autant plus, qu’elle n’a pas obtenu d’autorisations de crédit.
Le plaignant conteste également la taille de l’échantillonnage, soit quatre personnes, sans pouvoir décisionnel en matière de crédit, ce qui n’est, pour lui, pas suffisant pour démontrer que les prêts hypothécaires sont faciles à obtenir.
Il conclut qu’il s’agit d’un article sensationnaliste, constituant un déni au droit élémentaire à une information exacte et complète.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques :
Le représentant des mis-en-cause précise que le reportage a été réalisé à la suite d’informations obtenues par la rédaction du journal auprès de citoyens se disant surpris d’avoir obtenu un important crédit après avoir démarché quelques institutions financières. Pour ce dernier, cela démontre que le reportage de Mme Fournier répondait à une problématique sociale bien réelle.
Me Pageau explique que, contrairement aux affirmations du plaignant, le contenu de l’article est véridique et fondé sur des entrevues documentées. Il ajoute que la journaliste a fourni aux institutions financières tous les documents requis pour obtenir une préautorisation de crédit et que l’article qui a été publié indique clairement qu’elle a obtenu ces préautorisations.
Commentaires de Mme Marie-ève Fournier, journaliste :
Concernant l’allégation du plaignant selon laquelle trois institutions financières auraient été consultées, la mise-en-cause précise que le courtier hypothécaire a lui-même consulté pas moins de quatre institutions financières différentes.
Mme Fournier ajoute qu’en dépit du fait que les dossiers doivent être vérifiés par les institutions financières après le dépôt de l’offre d’achat, si les informations transmises à la banque dans un premier temps étaient complètes et exactes, la décision finale de la banque devrait être la même ou sensiblement la même que celle inscrite dans la préautorisation. Elle précise que Jean-François Vinet, son « complice » d’Option consommateurs, et elle-même ont fourni aux personnes rencontrées le portrait complet et réel de leur situation financière. Compte tenu de l’exactitude et de l’exhaustivité des renseignements qui ont été fournis, elle conclut que rien ne pouvait justifier une décision bancaire finale différente de la préautorisation obtenue.
Reprenant l’insatisfaction du plaignant concernant le fait que le dossier de crédit n’ait pas obtenu d’autorisation, la mise-en-cause explique qu’il aurait pour cela fallu que soit déposée une offre d’achat sur une propriété, ce qui était peu réaliste dans le cadre d’un reportage. Mme Fournier soutient, quant à elle, qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation de crédit pour démontrer qu’il est facile d’obtenir un crédit, si l’on considère le fait que la marge d’erreur entre la préautorisation et l’autorisation est très mince et donc non significative. La mise-en-cause ajoute qu’aucune information fausse ou partielle n’a été publiée. Des résumés fidèles des rencontres avec les institutions financières et le courtier ont été proposés aux lecteurs et, par ailleurs, aucune desdites institutions n’a contacté le média pour se plaindre ou pour dénoncer l’inexactitude des informations publiées.
Enfin, concernant la taille de l’échantillonnage, Mme Fournier explique que le but de son reportage était de démontrer qu’il est facilement possible d’obtenir un crédit important en faisant peu de démarches. Elle ajoute que c’est la raison pour laquelle il a été décidé de visiter peu d’institutions financières.
Réplique du plaignant
M. François M. Taisne n’a soumis aucune réplique.
Analyse
M. François M. Taisne porte plainte contre Mme Marie-ève Fournier pour un reportage publié dans l’édition du 27 octobre 2008, du Journal de Montréal et intitulé : « Danger, prêts faciles » dont le sujet est une démonstration de la facilité avec laquelle des consommateurs peuvent obtenir des hypothèques d’un montant élevé. Il reproche au reportage d’avoir laissé aux lecteurs l’impression qu’il est facile d’obtenir des prêts d’un montant important auprès d’institutions financières et d’avoir basé cette information sur la seule consultation de trois conseillers financiers affiliés à des établissements bancaires et d’un courtier en hypothèque.
Grief 1 : information inexacte
Dans un premier temps, le plaignant souligne que la journaliste laissait entendre aux lecteurs, selon lui de façon erronée, que ce sont ces mêmes professionnels auxquels s’est intéressée Marie-ève Fournier qui sont responsables de la confirmation du dossier de crédit hypothécaire.
Or, il est un principe consacré par le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP), du Conseil de presse que la rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et journalistes est synonyme de précision et de respect des faits.
Après analyse du dossier, le Conseil constate que la journaliste a clairement introduit l’idée que le conseiller financier ou courtier hypothécaire n’est pas celui qui, en bout de ligne, est responsable de l’octroi du crédit hypothécaire, puisque leurs recommandations sont sujettes à une préautorisation : « Après plus d’une heure, nous apprenons que notre demande sera acheminée à des analystes qui examineront notre dossier de crédit avant d’émettre une préautorisation, quelques jours plus tard ». Le grief est, par conséquent, rejeté.
Grief 2 : information incomplète et sensationnaliste
M. Taisne qualifie, par ailleurs, de sensationnaliste la conclusion de la journaliste, selon laquelle, il serait facile d’obtenir un prêt hypothécaire. De son avis, consulter quatre conseillers en hypothèque pour en venir à cette réponse n’était pas suffisant.
à cet effet, le guide de déontologie du Conseil précise que « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète » en plus d’éviter « d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises. » DERP, pp. 21-22
Partant de ce constat, le Conseil remarque que la journaliste a obtenu des préautorisations auprès de six établissements bancaires au total, dont elle ne cache, par ailleurs, pas le nom aux lecteurs. Il apparaît, de plus, clairement que le titre du dossier, « Danger, prêts faciles » découle de l’enquête qui a été réalisée auprès de ces établissements. Le public ne semble, par conséquent, nullement avoir été induit en erreur. Le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. François M. Taisne contre la journaliste, Mme Marie-ève Fournier et le quotidien Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue