Plaignant
Mme Michèle Bourgon
Mis en cause
M. Patrice Bergeron, journaliste, M. Jean Roy, vice-président, services de langue française
et l’agence de presse La Presse Canadienne; Mme Suzanne Colpron, chef de l’information et le portail Internet Cyberpresse
Résumé de la plainte
Mme Michèle Bourgon reproche au journaliste Patrice Bergeron d’avoir, injustement, accordé un traitement sexiste aux articles et photos publiés les 19, 20 et 21 novembre 2008 sur Cyberpresse, dans le cadre de la campagne électorale de Mme Pauline Marois, qui s’est tenue à l’automne 2008. De plus, elle relève une inexactitude au sujet de la date de l’opération qu’aurait subi Mme Marois.
Griefs du plaignant
Mme Michèle Bourgon se plaint du traitement, qu’elle juge « injustifiable » et « sexiste », que Cyberpresse a réservé à Mme Pauline Marois, lors de la campagne électorale de l’automne 2008.
Elle reproche à M. Patrice Bergeron, journaliste à La Presse Canadienne, d’avoir, dans trois articles consécutifs, conclu ses articles par la phrase : « âgée de 59 ans, la leader péquiste a subi une chirurgie en août pour une appendice. » Elle souligne que, si la première affirmation est vraie, la seconde est fausse. Mme Marois aurait été opérée en septembre.
Mme Bourgon juge le traitement des articles sexiste et déplore que le journaliste insiste sur l’âge de Mme Marois et sur le fait qu’elle a été opérée en août. Selon elle, le journaliste en insistant sur l’âge et sur la date de l’opération tendrait à montrer que Mme Marois est vieille et fatiguée, trop pour être à la tête d’un gouvernement.
De plus, elle critique le choix des photos de Cyberpresse pour illustrer Mme Marois, elle y voit une intention malveillante, surtout celle où l’on montre Mme Marois avec la langue sortie. Elle doute que le même traitement aurait été appliqué à un homme politique.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Jean Roy, vice-président, services de langue française, La Presse Canadienne :
M. Jean Roy répond à la plainte logée contre le journaliste M. Patrice Bergeron et La Presse Canadienne, concernant la couverture de la campagne de la chef du Parti québécois et laisse le soin à Cyberpresse de répondre à la partie de la plainte traitant du choix des photos.
M. Roy met en contexte la plainte et répond aux accusations de sexisme et à l’erreur commise quant à la date de l’intervention chirurgicale de Mme Marois.
Selon M. Roy, Mme Marois aurait elle-même abordé devant les journalistes la question du rythme de sa campagne, à la suite d’un texte écrit par un chroniqueur faisant état de l’inquiétude de son entourage politique. Le journaliste aurait écrit son premier texte en cette occasion. Les deux autres textes faisaient suite à l’invitation faite aux journalistes affectés à la couverture de la campagne, par Mme Marois, d’aller faire de la marche rapide en sa compagnie, très tôt le matin. La chef péquiste voulait ainsi répondre aux commentaires sur le « rythme » de sa campagne.
Le représentant du mis-en-cause souligne que le journaliste a fidèlement rapporté les faits, tout en mentionnant à la fin de chacun des textes l’âge de Mme Marois et la chirurgie qu’elle avait subi en août. M. Roy admet qu’il y avait une légère erreur de fait, puisque Mme Marois a été opérée le 7 septembre, mais il rejette catégoriquement l’accusation de sexisme.
Il ajoute que La Presse Canadienne mentionne à ses reporters que l’âge d’une personne est un élément d’information important quand ils traitent d’un sujet relié à l’hospitalisation, à la fatigue ou à la maladie, d’un personnage public. Il met de l’avant quelques exemples de couvertures dans lesquelles l’âge des gens y était systématiquement mentionné : les nouvelles relatives au ministre Claude Béchard, à Éric Lapointe, à des ex-premiers ministres canadiens et québécois et au hockeyeur Saku Koivu. Il souligne que Mme Marois a eu droit au traitement que La Presse Canadienne réserve à tous et à toutes.
Il termine en précisant que La Presse Canadienne s’est donné des règles de déontologie hautement reconnues dans le milieu journalistique et qui sont décrites dans le manuel interne intitulé « Guide de rédaction ».
Commentaires de Me Patrick Bourbeau, affaires juridiques, Cyberpresse :
Me Patrick Bourbeau répond au grief selon lequel « La Presse aurait fait preuve de sexisme dans son choix des photographies » accompagnant les articles en cause. Me Bourbeau endosse intégralement le choix de cette responsabilité et laisse au soin de La Presse Canadienne de répondre à l’aspect concernant le sexisme des articles.
Le représentant des mis-en-cause, par un article tiré du guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse du Conseil de presse, qui énonce la liberté des médias à prendre et diffuser des photos qu’ils jugent d’intérêt public, estime que la plainte de Mme Bourgon est non recevable.
Il explique que, non seulement Mme Marois est une personnalité publique, mais les photographies ont été publiées au cŒur d’une campagne électorale dont elle était l’une des trois actrices principales. Il ajoute que les photographies ont été prises et publiées au moment où Mme Marois faisait l’objet d’une controverse au sujet de son niveau d’énergie. Dans ce contexte, il estime qu’il était primordial que la population puisse se faire une opinion à ce sujet et les photographies représentent, à cet effet, un outil indispensable.
Il ne comprend pas en quoi les photographies puissent être perçues comme étant « sexistes » ou comme montrant Mme Marois sous un jour défavorable. Selon Me Bourbeau, elles ne donnaient pas une image déformée des faits et ne faisaient pas preuve de sensationnalisme. Au contraire, ajoute-t-il, ces photographies étaient neutres. Concernant la photographie illustrant l’article du 21 novembre 2008, où l’on voit Mme Marois prenant une marche aux petites heures du matin entourée de journalistes, Me Bourbeau souligne que les caméramans avaient été convoqués à la demande de Mme Marois et l’événement a été organisé par son entourage politique. Il serait donc malaisé, selon Me Bourbeau, de prétendre que Mme Marois ne paraissait pas à son meilleur sur cette photographie.
Réplique du plaignant
Mme Bourgon considère que les explications fournies par les mis-en-cause ne répondent pas aux motifs de sa plainte.
Elle réitère les griefs de sa plainte initiale, à l’effet que le journaliste Patrice Bergeron ait indiqué par trois fois, dans trois articles différents, l’âge de Mme Marois à la fin de ses articles. Elle maintient que le journaliste souhaitait que les lecteurs fassent la relation entre son âge et sa prétendue fatigue. Elle souligne qu’on ne voit pas ce genre de répétition dans les articles concernant un homme.
Ensuite, elle soutient que le journaliste, en devançant la date d’opération de Mme Marois au mois d’août, a fait une erreur. Elle affirme que le journaliste voulait ainsi montrer que Mme Marois ne s’était pas remise d’une opération qui avait eu lieu deux mois auparavant, alors que cette opération avait eu lieu le 7 septembre 2008.
Concernant les photos, Mme Bourgon se dit insatisfaite des explications de Cyberpresse. Elle se demande pourquoi montrer Mme Marois « qui fait une grimace, la langue sortie? » Elle juge le professionnalisme de la photo qu’elle associe plutôt à de la photo amateur. Elle doute qu’il n’y avait pas d’autres photos à publier.
Mme Bourgon conclut en mentionnant ne pas avoir l’intention de débattre en cour contre les médias, mais qu’ils comprennent « qu’on est pas tous des valises ».
Analyse
Mme Michèle Bourgon reproche au journaliste Patrice Bergeron d’avoir, injustement, accordé un traitement sexiste aux articles et photos publiés les 19, 20 et 21 novembre 2008, sur Cyberpresse, qui s’inscrivaient dans le cadre de la campagne électorale de Mme Pauline Marois, à l’automne 2008. De plus, la plaignante relève une inexactitude au sujet de la date de l’opération qu’avait subi Mme Marois.
Grief 1 : traitement sexiste
La plaignante dénonce la phrase suivante, qui se retrouvait dans les trois articles mis en cause : « âgée de 59 ans, la leader péquiste a subi une chirurgie en août pour une appendicite. »
Dans un premier temps, Mme Bourgon estime que le traitement accordé aux articles, concernant Mme Marois, est sexiste. Le journaliste aurait insisté indûment sur l’âge de cette dernière et, de plus, en donnant une date éloignée de la chirurgie qu’elle a subie, il aurait voulu montrer que Mme Marois était vieille et fatiguée. La plaignante prétend que, s’il avait été question d’un homme, on n’aurait pas insisté sur l’âge de ce dernier. à cet égard, le représentant de La Presse Canadienne, rejette les allégations de traitement sexiste, alléguant que l’âge d’une personne est un élément d’information important quand le média traite d’un sujet relié à l’hospitalisation.
Dans son guide des Droits et responsabilités de la presse, le Conseil de presse stipule en regard de l’angle de traitement et de la sélection des faits : « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. » DERP, p. 14
La présomption de la plaignante, à l’effet que le journaliste aurait donné un traitement « sexiste » à la campagne de Mme Marois, relève de son propre jugement. L’analyse du dossier ne permet pas d’en arriver à une telle conclusion. Le Conseil n’y a vu aucune manifestation de discrimination en regard du sexe et de l’âge de Mme Marois. à cet égard, le Conseil juge d’intérêt public et pertinent de parler de l’âge et de la santé physique d’un personnage public qui aspire au poste de Premier ministre du Québec. Le grief est donc rejeté.
Grief 2 : inexactitude
Dans un deuxième temps, Mme Bourgon souligne que le journaliste a fait une erreur en mentionnant que Mme Marois avait été opérée en août, alors qu’elle le fut en septembre. De son côté, le représentant de La Presse Canadienne admet qu’il y a eu une erreur sur la date de la chirurgie et que Mme Marois avait été opérée le 7 septembre 2008 et non en août. Après examen, le Conseil constate qu’il s’agit effectivement d’une inexactitude qui s’est répétée par trois fois, ce qui constitue un manquement dans l’information transmise aux lecteurs. Cependant, même si le Conseil prend note de cette inexactitude, il la considère mineure. Le grief est par conséquent rejeté.
Grief 3 : photographies sensationnalistes
Selon la plaignante, les photographies choisies pour accompagner les articles démontreraient une intention malveillante de la part de Cyberpresse. De son côté, le représentant de Cyberpresse répond que, les photographies ont été prises et publiées au moment où Mme Marois faisait l’objet d’une controverse au sujet de son niveau d’énergie. Me Bourbeau rejette l’allégation selon laquelle les photographies montreraient Mme Marois sous un jour défavorable. Il ajoute, qu’au contraire les photographies représentaient Mme Marois comme une femme dans la force de l’âge au milieu d’une campagne électorale.
En regard de l’utilisation des supports visuels, le guide de déontologie du Conseil explique : « Ils doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent ainsi de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. Tout manquement à cet égard est par ailleurs susceptible de causer un préjudice aux personnes ou aux groupes impliqués, lesquels ont droit à ce que leur image ne soit ni altérée ni utilisée de façon dégradante ou infamante. » DERP, p. 30
Bien que certaines photographies aient pu déplaire à la plaignante, celles-ci ne contrevenaient pas pour autant à la déontologie et Mme Bourgon n’a pas démontré en quoi ces photographies auraient été publiées avec une intention malveillante. Le Conseil considère que les photographies n’étaient pas biaisées ou tendancieuses, mais reliées au sujet de l’article et qu’elles ne déformaient pas la réalité. Au regard des principes déontologiques énoncés ci-haut et compte tenu des événements qui se déroulaient alors en politique québécoise, Cyberpresse pouvait donc publier ces photos sur un sujet qui était d’intérêt public. Le grief est rejeté.
Décision
Au terme de cette analyse, le Conseil de presse rejette la plainte de Mme Michèle Bourgon contre le journaliste, M. Patrice Bergeron, La Presse Canadienne ainsi que le portail Cyberpresse.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue