Plaignant
M. David Schulze
Mis en cause
M. Richard Hénault, journaliste; M. Raymond Tardif, rédacteur en chef et le quotidien Le Soleil
M. Éric Thibault, journaliste; M. Donald Charrette, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. David Schulze porte plainte contre deux quotidiens, Le Journal de Québec et Le Soleil, pour avoir mentionné dans des articles, parus respectivement les 19 et 20 janvier 2009, la provenance ethnique du joueur de hockey Blake Bossum accusé de s’être livré à des voies de faits contre sa conjointe. Le plaignant considère cette identification discriminatoire, non pertinente et d’aucun intérêt public.
Griefs du plaignant
M. David Schulze déplore que les articles parus au sein des quotidiens Le Journal de Québec et Le Soleil, les 19 et 20 janvier 2009, présentent tous deux un caractère discriminatoire.
Tout d’abord, le plaignant rappelle les faits relatés dans ces articles: un joueur de hockey de Rivière-du-Loup était accusé d’avoir commis, contre sa conjointe, des voies de fait.
Il mentionne que Le Journal de Québec décrit l’accusé comme une personne « d’origine amérindienne », alors que le quotidien Le Soleil donne le nom de la ville d’où provient l’accusé, qui est « originaire d’Oujé-Bougoumou », une communauté Crie.
Le plaignant explique qu’il y a discrimination envers l’accusé, dans la mesure où les deux quotidiens fournissent une identification de la race du joueur de hockey. M. Schulze estime que, même si la discrimination du quotidien Le Soleil est moins flagrante que celle relevée dans le Journal de Québec, il n’en demeure pas moins que les deux médias ont identifié la race de l’accusé.
Par ailleurs, M. Schulze souligne que, le Conseil, dans son code de déontologie, stipule que : « Les médias doivent faire état des caractéristiques qui différencient les personnes seulement lorsque cette mention est pertinente et d’intérêt public, ou une condition essentielle à la compréhension et à la cohérence de l’information. » Ainsi, le plaignant considère que d’avoir identifié l’origine ethnique de l’accusé n’était pas justifié. à cet égard, M. Schulze estime qu’il n’aurait pas été plus pertinent d’identifier un joueur comme Canadien français dans un cas similaire.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Raymond Tardif, rédacteur en chef, Le Soleil :
M. Raymond Tardif signale que les journalistes assignés à la couverture du Palais de justice mentionnent toujours le nom de la ville où habite un accusé afin d’éviter la confusion avec des personnes qui peuvent porter le même nom. M. Tardif précise que Le Soleil n’a jamais voulu faire de discrimination envers l’accusé et sa race.
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques, Le Journal de Québec :
Me Pageau souligne que le passage qu’invoque le plaignant est précédé d’un paragraphe qui stipule que « les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentants ou des termes qui tendent à soulever la haine ou le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire ».
Me Pageau estime que, dans le contexte de l’article, la mention de l’origine de l’accusé était pertinente et d’intérêt public et ne voulait aucunement discriminatoire.
Réplique du plaignant
Réplique au Journal de Québec :
Le plaignant déplore que les commentaires de Me Pageau ne soient qu’un résumé de sa plainte et qu’il n’indique aucunement en quoi la mention de l’origine ethnique de l’accusé était pertinente et d’intérêt public.
Réplique au Soleil :
Le plaignant indique que le Soleil, contrairement à sa prétention, n’a pas indiqué la ville de résidence de l’accusé mais plutôt celle dont il provient, permettant ainsi de l’identifier comme un Cri.
Analyse
M. David Schulze porte plainte contre deux quotidiens, Le Journal de Québec et Le Soleil, pour avoir spécifié dans des articles, parus respectivement les 19 et 20 janvier 2009, la provenance ethnique du joueur de hockey Blake Bossum, accusé de s’être livré à des voies de faits contre sa conjointe. Le plaignant considère cette identification comme discriminatoire et que le fait d’avoir mentionné l’origine ethnique de l’accusé n’était ni pertinent ni d’intérêt public.
Grief 1 : discrimination et intérêt public
Le plaignant déplore que les articles, parus dans les deux quotidiens, aient fourni une identification de la race de l’accusé. Il considère que cette information n’était ni d’intérêt public ni pertinente à l’accusation. Selon M. Schulze, en décrivant le joueur de hockey Blake Bossum comme une personne « d’origine amérindienne » ou comme « originaire d’Oujé-Bougoumou », qui est une communauté Crie, les deux quotidiens ont agi de manière discriminatoire.
Le guide de déontologie du Conseil de presse, les Droits et responsabilité de la presse (DERP), souligne que « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. Il n’est pas interdit aux médias de faire état des caractéristiques qui différencient les personnes ou les groupes. Cependant, cette mention doit être pertinente et d’intérêt public, ou être une condition essentielle à la compréhension et à la cohérence de l’information. » DERP, p. 41
Après analyse, le Conseil constate que l’identification de la provenance ethnique du joueur de hockey n’était ni pertinent ni d’intérêt public et ne constituait pas une information essentielle à la compréhension du sujet dans ce cas précis. En effet, le Conseil ne peut que constater ici que d’avoir mentionné l’origine ethnique de l’accusé pouvait nourrir des préjugés envers les autochtones.
à l’argument du Soleil, selon lequel les journalistes « donnent toujours le nom de la ville où habite un accusé et son âge. [Et que] cette façon de faire éviterait la confusion avec des gens qui peuvent porter le même nom ». Le Conseil constate qu’il n’y avait aucune confusion possible, dans le cas présent, puisqu’il n’y a qu’une seule personne portant le nom de Blake Bossum dans l’équipe de hockey, du CIMT de Rivière-du-Loup. Il était donc totalement inutile de mentionner la ville d’origine de M. Bossum. Par ailleurs, Le Soleil n’a pas suivi sa propre directive en identifiant non pas la ville de résidence de l’accusé, mais sa ville d’origine.
Le Journal de Québec a, quant à lui, identifié M. Bossum par son origine amérindienne. Le Conseil retient le grief.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. David Schulze contre le journaliste Richard Hénault et Le Soleil, ainsi qu’à l’encontre du journaliste Éric Thibault et Le Journal de Québec pour avoir identifié l’origine ethnique de l’accusé.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination