Plaignant
Parti au Service du Citoyen et M. Robert Bordeleau, chef
Mis en cause
M. Stéphane St-Amour, journaliste; Mme Marie-ève Courchesne, directrice de l’information et le bihebdomadaire Courrier Laval
Résumé de la plainte
M. Robert Bordeleau, chef du Parti au Service du Citoyen porte plainte contre le journaliste Stéphane St-Amour pour un article intitulé « Le Parti au service du citoyen perd une demi-douzaine de candidats », paru le 16 février 2009, sur le site Internet du Courrier Laval et qui véhiculerait des informations contraires à l’entrevue qu’il avait accordée à M. St- Amour.
Griefs du plaignant
M. Bordeleau affirme que l’article qu’il met en cause ne correspond pas à l’entrevue qu’il a accordée à M. St-Amour. Selon lui, le journaliste y aurait délibérément fait figurer des propos et des renseignements erronés, afin de nuire à la formation politique dont il est le chef. Il joint une copie audio de l’entrevue téléphonique à sa plainte.
Dans une correspondance visant à préciser les motifs de sa plainte, M. Bordeleau fournit une copie de l’article mis en cause. Les passages qui ne correspondent pas à l’entrevue téléphonique qu’il a accordée à M. Saint-Amour et qu’il juge mensongers sont soulignés. Il s’agit du titre de l’article ainsi que d’extraits relatifs aux informations suivantes :
– Six anciens candidats du parti de M. Bordeleau ont été qualifiés de démissionnaires dans l’article de M. St-Amour. Or, le plaignant conteste, pour cinq d’entre eux, le fait qu’il s’agisse en bonne et due forme d’une démission.
– L’article mentionne également que le plaignant contesterait le fait que les candidats qui ont quitté son parti aient été des candidats officiels confirmés.
– Mme Leprohon serait dans l’article identifiée de manière erronée en tant qu’organisatrice du parti.
– M. St-Amour aurait enfin confondu la personne de Magdy Gammal avec celle d’André Dagenais en écrivant que ce dernier « a quitté [le Parti] pour des raisons de santé ».
Au terme de sa plainte, M. Bordeleau indique qu’il n’a pas cherché à contacter le journal avant de porter plainte au Conseil de presse, en précisant que ce n’est pas la première fois que des articles sont publiés au sein du Courrier Laval dans le but de lui nuire.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Stéphane St-Amour, journaliste :
D’entrée de jeu, le journaliste affirme que l’information contenue dans l’article mis en cause était d’intérêt public, fondée sur des faits vérifiés et présentés de bonne foi, en toute impartialité et sans recherche de sensationnalisme. Il ajoute qu’un suivi de l’information a même été assuré dans l’édition du 14 mars 2009 du bihebdomadaire, par le biais d’un article intitulé « Une caution n’est pas une contribution » et qui était favorable à M. Bordeleau. Il précise que cet article a été publié un mois avant qu’il ne soit avisé du dépôt d’une plainte contre lui au Conseil de presse.
M. St-Amour rappelle qu’il est du devoir du plaignant de tenter un règlement préalable au dépôt de sa plainte et précise que M. Bordeleau ne s’est manifesté ni à lui ni à la direction de son journal à la suite de la parution de l’article.
Le mis-en-cause reprend l’affirmation du plaignant à l’effet que le titre de l’article, de même que plusieurs passages liés à la défection de cinq candidats, sont contraires à ce qui a été dit en entrevue. Il reconnaît qu’ils pouvaient sembler contraires aux propos tenus par le plaignant, mais qu’ils n’en sont pas moins véridiques.
M. St-Amour rappelle que, durant l’entrevue, M. Bordeleau a expliqué que Daniela Caputo et André Dagenais n’avaient jamais été candidats officiels pour son parti, qu’ils n’ont été que pressentis. Or, dans un communiqué émis le 11 juin 2008, que le journaliste joint à ses commentaires et que l’on retrouve également sur le site Internet du Parti au Service du Citoyen, des candidats, dont Daniela Caputo et André Dagenais, avaient été annoncés. Confronté à cette évidence durant l’entrevue, le plaignant aurait continué à le nier.
Dans le cadre de sa plainte, M. Bordeleau réfutait également le passage de l’article évoquant le fait que Magdy Gammal et Claude Major avaient déclaré forfait. Or, selon M. St-Amour, le plaignant a reconnu, lors de l’entrevue, que ces derniers se sont retirés du parti.
Réagissant au fait que le plaignant a qualifié de « renseignements complètement faux » l’information selon laquelle un des anciens candidats, David Decotis, aurait quitté « avec fracas » le parti, M. St-Amour rétorque qu’il tient cette information du principal intéressé.
M. Bordeleau accusait aussi le journaliste de tromper les lecteurs du Courrier Laval en identifiant Valérie Leprohon comme une ancienne organisatrice et responsable des communications pour le parti. Selon le plaignant, il s’agissait « du titre qu’elle s’était donné à l’époque ». Or, pour le mis-en-cause, la carte d’affaires de cette dernière, qu’il fournit en copie avec ses commentaires, venait démontrer le contraire, puisque celle-ci est, photo en moins, en tous points identique à la carte d’affaires du chef du parti lui-même.
Relativement à la campagne électorale à laquelle M. Bordeleau a fait allusion, M. St Amour mentionne que le plaignant a confondu les résultats des élections de 1997 avec ceux de 2001, ce qui explique pourquoi l’article parlait des résultats de l’élection de 1997. Le journaliste précise qu’il ne pouvait citer textuellement le plaignant sur ce point, puisque l’obligation de publier une information vérifiée lui incombait.
Le mis-en-cause reconnaît qu’un des griefs de M. Bordeleau est justifié. Il avoue avoir confondu André Dagenais avec Madgy Gammal en citant le plaignant. Il précise qu’il aurait fallu lire : « M. Gammal a quitté pour des raisons de santé, m’avait-il dit à l’époque. » Il explique qu’il comprenait, par conséquent, le malaise du plaignant puisque l’article se poursuivait de la façon suivante : « Joint la veille par téléphone, André Dagenais avait une toute autre explication quant au motif de son départ. » Cependant, contrairement à l’intention qui lui a été prêtée par le plaignant, cette erreur n’aurait nullement été faite de façon délibérée. La suite du paragraphe démontrerait de la bonne foi des mis-en-cause, puisqu’il y est précisé que « son ex-chef pouvait toujours compter sur son vote en novembre prochain ».
M. St-Amour estime que le plaignant aurait dû appeler le Courrier Laval avant de s’adresser au Conseil de presse et ce, pour exiger du journal un rectificatif, ce qu’il n’a pas fait. Le mis-en-cause rappelle que c’est toutefois la première étape à suivre par quiconque se sent lésé par la publication d’un article.
Réplique du plaignant
M. Bordeleau remarque que M. St-Amour fait preuve de mauvaise foi à son endroit et ce, depuis le mois de mai 2007, lorsqu’il a, pour la première fois, tenté d’entacher sa réputation ainsi que sa crédibilité en publiant un article. Il explique qu’il avait alors fait parvenir au média une mise en demeure qui a abouti à la publication d’une rétractation.
Le plaignant doute de la bonne foi de M. St-Amour et soutient que son article avait pour objectif de porter atteinte à sa crédibilité. Il remarque, à cet effet, qu’il a eu une conversation avec Mme Leprohon l’informant qu’elle s’était entretenue avec le journaliste. Il postule que cette dernière a fourni de l’information confidentielle au journaliste, notamment les noms de MM. Gammal et Major, puisque personne ne les connaissait. Selon lui, cela prouve que les intentions de M. St-Amour étaient délibérées et tendancieuses.
M. Bordeleau estime qu’écrire que M. Decotis a quitté le parti « avec fracas » allait un peu loin, puisque ce dernier a, en réalité, profité d’une pause, lors d’une réunion de candidats à laquelle il a assisté, en octobre 2008, pour s’en aller sans mot dire et ce, en raison d’un désaccord avec certaines politiques du parti. De son avis, il n’y avait rien de logique à ce que le journaliste ait préféré une autre version des faits que la sienne, compte tenu de sa position de chef du parti.
Dès le début de l’entrevue, M. St-Amour aurait voulu obtenir des réponses, celle qu’il souhaitait, notamment concernant Mme Leprohon qui n’a jamais été une organisatrice du parti. Bien que le mis-en-cause prétende que les faits ont été vérifiés, M. Bordeleau remarque que le journaliste n’a parlé qu’à quatre des six personnes qu’il nomme dans l’article et précise qu’il n’a jamais discuté avec MM. Gammal ou Major.
Le plaignant reproche par ailleurs au journaliste d’avoir exercé des pressions auprès de M. Dagenais et de Mme Caputo afin que ces derniers lui avouent avoir quitté le parti en raison de leur mésentente avec M. Bordeleau.
La plaignant reconnaît avoir mentionné, lors de l’entrevue, que deux poursuites étaient engagées contre M. Decotis mais que techniquement, ce serait son parti qui aurait créé un certain fracas dans la vie de ce dernier et non le contraire.
Pour M. Bordeleau, le mis-en-cause tentait de faire la preuve de sa bonne foi en donnant pour preuve qu’il a écrit et mis en ligne, en mars 2009, un article confirmant que le plaignant était en droit d’exiger une caution de 10 000 $ de ses candidats et ce, selon la Loi sur les élections et les référendums au Québec. M. Bordeleau se demande néanmoins pourquoi le journaliste a laissé plané aussi longtemps un doute sur cette question.
Analyse
M. Robert Bordeleau, chef du Parti au Service du Citoyen, porte plainte contre M. Stéphane St Amour, pour un article intitulé : « Le Parti au service du citoyen perd une demi-douzaine de candidats », paru le 16 février 2009 sur le site Internet du Courrier Laval. Cet article aurait véhiculé des informations contraires à l’entrevue qui s’était déroulée, préalablement entre MM. Bordeleau et St Amour et ce, dans l’intention de porter atteinte à sa réputation.
Dans un premier temps, le Conseil remarque que le plaignant a mentionné ne pas avoir cherché à entrer en contact avec le journaliste ou le média pour lequel il travaille, jugeant qu’il ne s’agissait pas de la première fois que le Courrier Laval portait atteinte à sa réputation en publiant un article.
Le Conseil tient à faire la mise au point suivante : selon son règlement sur l’étude des plaintes, le Conseil de presse invite le plaignant à contacter les mis-en-cause, si ce dernier se refuse à les contacter, il doit en expliquer ses raisons au Conseil, et ce dernier entamera le processus de plainte.
Grief 1 : déformation/inexactitudes
Dans sa plainte, M. Bordeleau insiste sur le fait que l’article publié par le Courrier Laval et dont M. St-Amour est l’auteur, ne correspond pas en tous points à l’entrevue téléphonique qu’il avait accordée à ce dernier et dont il possède l’enregistrement. De son avis, des passages mensongers ont été insérés dans l’article. Le Conseil précise à cet effet que le journaliste n’avait pas à s’en tenir strictement aux informations contenues dans l’entrevue et restait libre d’ajouter certaines informations obtenues d’autres sources.
Le plaignant insiste notamment sur le fait que M. St-Amour ait utilisé, spécifiquement, le terme « démissionnaire » pour parler des six candidats qui ont quitté le Parti au Service du Citoyen. Après avoir pris connaissance de l’enregistrement et prenant acte de l’entrevue qui s’est déroulée entre le plaignant et M. St-Amour, le Conseil constate que M. Bordeleau a contesté le fait, à l’exception d’un candidat, que cinq anciens membres de son parti avaient quitté celui-ci en démissionnant. Il ne nie néanmoins pas que ceux-ci aient quitté le parti. Constatant que Le Petit Robert donne du terme « démission » la définition suivante : « Acte par lequel on renonce à quelque chose », le Conseil conclut que le journaliste pouvait faire usage du terme « démissionnaire » qui désigne, dès lors, celui qui fait acte de renoncer à quelque chose, pour qualifier les anciens candidats du Parti au Service du Citoyen. Cet aspect du grief est rejeté.
M. Bordeleau relève également que le journaliste a fait mention, dans son article, du fait qu’il contestait que les candidats ayant quitté son parti aient été des candidats officiels confirmés. Toutefois, en prenant connaissance de l’enregistrement de l’entrevue, le Conseil constate que le journaliste a rapporté correctement les propos échangés.
Par ailleurs, le plaignant fait remarquer qu’une ancienne membre du parti, Mme Leprohon, a injustement été qualifiée dans l’article d’« organisatrice du parti ». Dans le cadre de l’entrevue avec M. St-Amour, on peut entendre le plaignant préciser qu’il s’agissait du titre qu’elle s’était donné à l’époque et non de son titre officiel. Après analyse, le Conseil constate que M. Bordeleau a également mentionné dans l’entrevue que Mme Leprohon avait été présente et impliquée dans le lancement du parti en 2007, ce qui peut justifier que le journaliste ait mentionné qu’elle avait été « organisatrice du parti ».
De plus, M. Bordeleau déplore que le journaliste ait rapporté que M. Decotis avait quitté avec « fracas » le parti, alors qu’en réalité il aurait quitté sans mot dire, lors d’une réunion et ce, en raison de points de désaccords. Le mis-en-cause rétorque, quant à lui, qu’il tient son information du principal intéressé. Le Conseil est d’avis que le journaliste ayant comme source première M. Decotis lui-même, était justifié de rapporter ce fait.
Enfin, le plaignant relève que M. St-Amour a confondu le nom de deux personnes, MM. Gammal et Dagenais, en écrivant que « M. Dagenais a quitté pour raisons de santé ». Le journaliste reconnaît avoir confondu ces deux personnes, mais précise toutefois que cette erreur n’était pas intentionnelle. Après analyse, le Conseil conclut que puisque le mis-en-cause a, de bonne foi, reconnue cette inexactitude, une remarque seulement sera formulée.
à l’exception de cette remarque, les griefs sont rejetés.
Grief 2 : atteinte à la réputation
De l’avis du plaignant, les déformations qui sont apparues dans l’article de M. St-Amour étaient volontaires et avaient pour objectif de porter atteinte à sa réputation.
Sur cet aspect, puisque les faits rapportés étaient d’intérêt public et qu’aucune entorse à l’éthique journalistique n’a été retenue contre le journaliste ou le Courriel Laval, le Conseil rejette ce grief.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Robert Bordeleau, chef du Parti au Service du Citoyen, à l’endroit de M. Stéphane St-Amour, journaliste et du Courrier Laval, à l’exception d’une remarque concernant la confusion de l’identité de deux anciens membres du parti.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C17G Atteinte à l’image