Plaignant
Collectif SEMO (Sauvons nos Enfants des Micro-Ondes) et M. François Therrien, porte-parole
Mis en cause
M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction; M. George Kalogerakis, directeur de l’information et le quotidien le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. François Therrien, porte-parole du Collectif SEMO (Sauvons nos Enfants des Micro-Ondes), porte plainte contre le Journal de Montréal pour avoir, dans un reportage intitulé « Le futur du cellulaire », publié en pages 2, 3, 10 et 11 de l’édition du 31 janvier 2009, omis de mentionner une information aux lecteurs, ainsi que pour avoir tenté de faire la promotion déguisée de la téléphonie cellulaire auprès des lecteurs.
Griefs du plaignant
M. Therrien articule sa plainte autour de trois griefs. Dans un premier temps, il fait remarquer que les articles composant le reportage qu’il met en cause, ne faisaient nulle mention de la controverse relative à l’utilisation des téléphones cellulaires chez les enfants et des risques que cette utilisation peut induire sur leur santé. Il précise que la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ainsi que la ville de Toronto ont d’ailleurs émis des recommandations, afin de limiter l’utilisation des téléphones cellulaires chez les enfants. Bien que les effets d’une exposition à long terme aux micro-ondes provenant des cellulaires soient inconnus, tous s’entendent, selon le plaignant, pour reconnaître que les enfants y sont les plus sensibles et qu’ils en seront les plus affectés. M. Therrien conclut que de ne pas avoir mentionné cette information consistait en un acte de désinformation.
Le second grief du plaignant porte sur le fait que les articles faisaient la promotion déguisée du téléphone cellulaire. à son avis, le fait de mentionner que le Japon compte 84 téléphones cellulaires pour 100 habitants, comparativement à 62 au Canada, tendait à culpabiliser le citoyen canadien et à l’inciter à combler ce retard, en achetant des téléphones cellulaires aux enfants. M. Therrien ajoute que les photos qui illustraient le reportage montrent principalement des enfants avec des téléphones cellulaires. Pour lui, le fait de présenter ces images, en plus du message que le Japon représente le futur du cellulaire, incitait directement les enfants à vouloir un cellulaire.
Enfin, le plaignant déplore que le Journal de Montréal se soit placé en conflit d’intérêts, en faisant la promotion déguisée d’une de ses marques, Vidéotron. Il ajoute que ce conflit d’intérêts se déduit du fait que la compagnie, propriété de Quebecor, compte proposer son propre réseau de téléphonie cellulaire en 2010.
M. Therrien termine en expliquant qu’il a contacté le quotidien, pour demander à ses responsables de publier un article de même ampleur que celui contre lequel il se plaint, en précisant qu’il existe une controverse relative à l’utilisation du téléphone cellulaire chez les enfants. Il mentionne leur avoir, également, demandé de réaffirmer l’indépendance de leur salle de nouvelles. M. Therrien précise, en dernier lieu, que sa demande est toutefois restée sans réponse.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques :
Le représentant des mis-en-cause mentionne que les articles et photographies, mis en cause, traitaient de l’évolution du phénomène de société que représente le téléphone cellulaire. Ils informaient le public de l’importance de cette technologie au Japon, où elle s’est développée de manière avant-gardiste.
Concernant le premier grief du plaignant, Me Pageau répond que le quotidien a la prérogative de choisir ses sujets et ajoute qu’il est reconnu que les médias doivent nécessairement faire des choix quant à ce qu’ils publient. Partant de ce constat, il est clair, pour le représentant des mis-en-cause, que le Journal de Montréal pouvait traiter du développement du téléphone cellulaire au Japon sans devoir traiter de la controverse à laquelle faisait référence M. Therrien.
En ce qui a trait au fait que les articles inciteraient les jeunes Canadiens à se procurer des téléphones cellulaires, Me Pageau mentionne qu’il s’agit d’une prétention injustifiée.
Enfin, concernant le conflit d’intérêts dans lequel se placerait le Journal de Montréal, Me Pageau affirme qu’il s’agit également d’une prétention infondée. Il précise que l’intention du quotidien d’informer les lecteurs sur les développements de la téléphonie cellulaire, dans une autre société que le Québec, n’avait rien à voir avec les produits offerts à la vente par Vidéotron.
Réplique du plaignant
En guise de réplique, M. Therrien accuse réception des commentaires du représentant des mis-en-cause et précise qu’il ne les considère pas comme une réponse adéquate.
Analyse
M. François Therrien, porte-parole du Collectif SEMO, porte plainte contre le Journal de Montréal pour avoir, dans un reportage intitulé « Le futur du cellulaire », publié en pages 2, 3, 10 et 11 de l’édition du 31 janvier 2009, omis de mentionner aux lecteurs la controverse relative à l’utilisation du téléphone cellulaire chez les enfants, pour avoir tenté de faire la promotion déguisée du cellulaire auprès des lecteurs, ainsi que pour conflit d’intérêts.
Grief 1 : information incomplète
Dans un premier temps, le plaignant fait remarquer que le reportage ne faisait nulle mention de la controverse relative aux risques sur la santé des enfants que comporte l’utilisation de téléphones cellulaires. M. Therrien conclut que de ne pas avoir mentionné cette information constituait un acte de désinformation.
Le guide de déontologie du Conseil de presse, Droits et responsabilités de la presse (DERP) mentionne que « l’attention que les médias et les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel » (DERP, p. 9) et précise également que « L’information livrée au public fait nécessairement l’objet de choix rédactionnels et subit un traitement journalistique suivant divers modes appelés « genres journalistiques ». » DERP, p. 13
Après analyse, le Conseil constate que le sujet du reportage, dont il est question, portait bien sur le développement avant-gardiste de la téléphonie cellulaire au Japon. Compte tenu de l’angle rédactionnel adopté par le Journal de Montréal, le Conseil estime qu’aucune obligation ne lui incombait quant à la mention de l’information, selon laquelle l’utilisation du téléphone cellulaire chez les enfants peut représenter un certain danger. Le grief est rejeté.
Grief 2 : publicité déguisée
Au second grief, M. Therrien déplore que le reportage fasse la promotion du téléphone cellulaire. Pour le plaignant, le fait de mentionner, plus spécifiquement, que le Japon compte 84 téléphones cellulaires par 100 habitants, comparativement à 62 au Canada, culpabiliserait les Canadiens et les inciterait à combler leur retard en achetant des téléphones cellulaires aux enfants. M. Therrien ajoute que les photos qui illustrent le reportage mettent principalement en scène des enfants avec des téléphones cellulaires. à son avis, le fait de présenter ces images incite encore plus directement les enfants à vouloir un téléphone cellulaire.
Après analyse, le Conseil constate que le reportage est à caractère factuel et qu’il ne comportait aucune incitation à se procurer des téléphones cellulaires. Il fait plutôt mention du taux de pénétration de la téléphonie cellulaire au Japon, avant que ce résultat ne soit comparé à celui du Canada. Le Conseil estime donc que rien ne permet d’affirmer que la mention de ces taux avait pour objet de culpabiliser les Canadiens. En ce qui a trait aux illustrations accompagnant l’article, le Conseil constate que, bien que certaines photos représentent des jeunes utilisant des téléphones cellulaires, il n’est pas possible d’en déduire qu’elles pourraient directement inciter des enfants à s’en procurer. Ce faisant, le grief est rejeté.
Grief 3 : conflit d’intérêts
Enfin, le plaignant déplore que le Journal de Montréal se soit placé en conflit d’intérêts, en faisant la promotion déguisée d’une de ses marques : Vidéotron. Il ajoute que ce conflit d’intérêts se déduit du fait que cette compagnie qui, comme le quotidien, appartient à Quebecor, projette d’offrir son propre réseau de téléphonie cellulaire en 2010.
Sur la question des conflits d’intérêts, le guide de déontologie du Conseil stipule clairement que : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. » DERP, p. 24
Or, rien n’indique que le quotidien, sa direction éditoriale et ses journalistes ne jouissent pas d’une totale indépendance, par rapport aux autres filiales du conglomérat, auquel ils appartiennent. Le sujet, par ailleurs, peut être considéré comme étant d’intérêt général. Ainsi, si conflit d’intérêts il y a, il n’a nullement été démontré par le plaignant. Le grief est, par conséquent, rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. François Therrien, porte-parole du Collectif SEMO, contre le quotidien le Journal de Montréal et sa direction.
Analyse de la décision
- C12B Information incomplète
- C21A Publicité déguisée en information
- C22H Détourner la presse de ses fins