Plaignant
Conseil d’assainissement et d’aménagement du ruisseau Lacorne (CAARUL) et M. André Lauzon, président
Mis en cause
M. Pierre Limoges, président, éditeur et journaliste et le mensuel Le Bruchésien
Résumé de la plainte
M. André Lauzon, président du Conseil d’assainissement et d’aménagement du ruisseau Lacorne (CAARUL), porte plainte contre M. Pierre Limoges, du mensuel Le Bruchésien, pour avoir publié, dans deux articles des éditions du mois d’avril et de septembre 2009, des informations inexactes et incomplètes ainsi que des propos offensants. De plus, il relève un caractère sensationnaliste et un conflit d’intérêts dans les articles en cause.
Griefs du plaignant
M. André Lauzon déplore que l’article d’avril 2009, rédigé par M. Pierre Limoges, contienne des informations inexactes et incomplètes. Le plaignant fait remarquer que, lors de l’assemblée générale annuelle du Conseil d’assainissement et d’aménagement du ruisseau Lacorne (CAARUL), une étude réalisée par la firme Pro Faune et soutenue par le MAPAQ aurait permis de démontrer que différentes espèces de poissons, dont le doré jaune, pourraient y vivre. Le plaignant souligne que, dans son article, M. Limoges mentionne qu’« il serait peu probable que cette espèce de poisson puisse survivre » et que le CAARUL voudrait « hypnotiser politiquement une population en supposant une pêche prochaine au doré dans le ruisseau Lacorne ».
M. Lauzon mentionne que M. Limoges tient des propos offensants envers les propriétaires agricoles de Sainte-Anne-des-Plaines, en leur infligeant la responsabilité de la pollution du ruisseau Lacorne. Il souligne que, dans Le Bruchésien, il est écrit que le ruisseau serait « aujourd’hui pollué par le déversement d’engrais chimiques et purin en provenance de certaines terres agricoles ». Pourtant, des analyses réalisées par le MAPAQ, démontrent que la pollution du ruisseau Lacorne a une origine urbaine et agricole. Ainsi, selon le plaignant, il y aurait atteinte à la réputation des agriculteurs de Sainte-Anne-des-Plaines en les accusant d’être les seuls responsables de la pollution du ruisseau.
Le plaignant considère que le journal cible personnellement un des membres du CAARUL, M. Guy Charbonneau, en raison de son implication dans la politique locale. Ce dernier étant chef du parti politique Vision Action, se présentait comme candidat aux élections municipales. Quant au journaliste du Bruchésien, il serait, selon le plaignant, le fondateur du parti adverse, le parti Sainte-Anne Plus, d’où le conflit d’intérêts. Selon M. Lauzon, le journaliste utiliserait le CAARUL dans une perspective de propagande politique et mettrait ainsi en doute la crédibilité de cet organisme.
Enfin, M. Lauzon souligne que le journaliste dénigrerait M. Charbonneau aux yeux de la population, en utilisant les propos suivants : « le ruisseau Lacorne longe en majorité des terrains privés et je doute que les propriétaires, dont M. Guy Charbonneau, laissent circuler librement des pêcheurs sur leur terrain ». Par ailleurs, l’article porterait atteinte à un autre membre du CAARUL, M. André Charbonneau, en le traitant de menteur et de rêveur, car ce dernier considérerait qu’il serait possible, ou presque, de retrouver du doré jaune dans le ruisseau.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Pierre Limoges, président, éditeur et journaliste :
M. Limoges joint, en guise de commentaires, une copie de l’article publié dans Le Point d’impact, le 21 mars 2009, dans lequel il est mentionné qu’« il serait donc possible, un jour pas si lointain, que nous puissions retrouver du doré dans le ruisseau Lacorne. C’est du moins ce que croient les administrateurs du CAARUL ». M. Limoges joint également une copie de sa recherche sur Internet à propos du doré jaune et considère qu’il serait impossible ou presque de retrouver ce doré dans le ruisseau Lacorne.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique, M. Lauzon mentionne qu’il souhaite maintenir sa plainte à l’égard du journaliste Pierre Limoges et de son mensuel. Il lui demande de rectifier ses écrits en ce qui concerne la possibilité d’avoir du doré jaune dans le ruisseau Lacorne. Il ajoute que M. Limoges devrait formuler des excuses auprès des agriculteurs de Sainte-Anne-des-Plaines, ainsi qu’auprès de messieurs André et Guy Charbonneau et à lui-même.
Analyse
Les principes déontologiques du Conseil prévoient que les médias doivent respecter les différents genres journalistiques et que ceux-ci doivent être facilement identifiables. Dans ce cas-ci, le Conseil remarque qu’il est difficile de déterminer le genre journalistique des articles soumis à son attention. Cependant, considérant que ces textes présentent certains faits mis en parallèle avec des opinions, le Conseil en conclut à du journalisme d’opinion.
Le Conseil note que M. Limoges a été mis en garde, sur cet aspect, dans des dossiers antérieurs et remarque qu’il a de nouveau exprimé son opinion au sein d’articles, dont il est difficile de déterminer le genre journalistique. Il réitère donc sa mise en garde et rappelle à M. Limoges qu’il doit identifier ses textes selon les genres journalistiques d’information ou d’opinion.
M. André Lauzon, président du Conseil d’assainissement et d’aménagement du ruisseau Lacorne (CAARUL), porte plainte contre M. Pierre Limoges, du mensuel Le Bruchésien, pour avoir publié, dans deux articles des éditions du mois d’avril et de septembre 2009, des informations inexactes et incomplètes ainsi que des propos offensants, discriminatoires et portant atteinte à la réputation de certains administrateurs du CAARUL. De plus, il relève, dans les articles en cause, un caractère sensationnaliste et un conflit d’intérêts.
Grief 1 : informations inexactes et incomplètes
Le plaignant reproche à M. Limoges d’avoir publié des informations inexactes et incomplètes, concernant les travaux évoqués par le rapport de Pro Faune, relativement à l’assainissement et à l’aménagement du ruisseau Lacorne, en vue d’y introduire diverses espèces de poissons, dont le doré jaune. Il reproche également au mis-en-cause d’avoir, dans son journal, infligé la responsabilité de la pollution du ruisseau aux agriculteurs.
En regard du rôle attribué aux chroniqueurs, le guide des Droits et responsabilités de la presse souligne que : « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes. » De plus, « S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » DERP, p. 28
Après étude des articles, le Conseil constate que le mis-en-cause ne rejette pas totalement le fait qu’il puisse y avoir du doré dans le ruisseau Lacorne, mais indique qu’« il serait peu probable que cette espèce de poisson puisse survivre dans le ruisseau ». Le Conseil considère que M. Limoges pouvait émettre cette opinion, il n’y voit donc aucun manquement à la déontologie journalistique et rejette cet aspect du grief.
Concernant la responsabilité de la pollution du ruisseau qui serait entièrement attribuée aux agriculteurs, le Conseil souligne que l’étude de Pro Faune rapporte que la pollution de ce cours d’eau a des origines urbaines et agricoles. Bien que l’article relève du journalisme d’opinion et que ce genre dispose d’une grande liberté rédactionnelle, le Conseil tient à rappeler qu’il demeure, néanmoins, soumis à des exigences de rigueur et d’exactitude. Par conséquent, d’avoir omis le facteur de pollution urbaine constitue une information incomplète et pouvait heurter les agriculteurs de Sainte-Anne-des-Plaines. Le Conseil retient cet aspect du grief.
Le grief pour informations inexactes et incomplètes est donc partiellement retenu.
Grief 2 : propos offensants
M. Lauzon déplore aussi que, dans l’article paru en septembre 2009, le journaliste mette en doute sa crédibilité de président et la crédibilité de son rapport Pro Faune, en mentionnant qu’« un certain Monsieur André Lauzon a porté plainte au Conseil de presse croyant toujours à la pêche au doré dans le ruisseau Lacorne ».
Or, le Conseil estime que, toujours dans l’esprit du journalisme d’opinion, le journaliste pouvait mettre en doute les propos des responsables ainsi que les conclusions du rapport. Le grief pour propos offensants est rejeté.
Grief 3 : sensationnalisme
Le plaignant mentionne le caractère sensationnaliste de l’article. à cet égard, le guide des Droits et responsabilités de la presse énonce que : « Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. Le recours au sensationnalisme et à l’ « information-spectacle » risque de donner lieu à une exagération et une interprétation abusive des faits et des événements et, d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelle des informations qui lui sont transmises. » DERP, p. 22
Aucune démonstration de la part du plaignant ne permet de faire état d’une telle situation. Le Conseil rappelle qu’il appartient à la partie plaignante de détailler et de prouver les griefs formulés allant au-delà d’une simple dénonciation des mis-en-cause. à défaut de quoi, le Conseil se retrouve devant des reproches non démontrés. Ainsi, la faute déplorée pour sensationnalisme n’étant pas établie, le Conseil rejette le grief.
Grief 4 : conflit d’intérêts
Le plaignant considère que le journal cible personnellement un des membres du CAARUL, M. Guy Charbonneau, en raison de son implication dans la politique locale. M. Charbonneau est chef du parti politique Vision Action et s’est présenté comme candidat aux dernières élections municipales (1). Quant au journaliste du Bruchésien, le plaignant mentionne qu’il serait le fondateur du parti adverse, le parti Sainte-Anne Plus. Ainsi, M. Limoges utiliserait son journal à des fins politiques.
à ce propos, le guide des Droits et responsabilités de la presse énonce que : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. » DERP, p. 24
Après avoir consulté des membres du parti Sainte-Anne Plus ainsi que la chef du parti, le Conseil constate que M. Limoges n’est pas actif politiquement. Son implication au sein du parti Sainte-Anne Plus se serait limitée à contribuer à sa fondation au début des années 2000, mais il n’aurait jamais été élu au sein de ce parti. Que le mis-en-cause ait été l’un des membres fondateurs du parti Sainte-Anne Plus, ne permet pas au Conseil de conclure qu’il y a apparence ou présence de conflit d’intérêts, puisque les activités politiques de ce dernier sont interrompues depuis plusieurs années. Le grief est rejeté.
Grief 5 : propos discriminatoires, atteinte à la réputation
M. Lauzon déplore certains propos, tenus par le chroniqueur, tels que, « Récemment, nous pouvions lire que les administrateurs du CAARUL, dont messieurs Guy et André Charbonneau, rêveraient « qu’il serait possible, un jour pas si lointain, que nous puissions retrouver du doré dans le ruisseau Lacorne » » et « je doute que les propriétaires, dont monsieur Guy Charbonneau, laissent circuler librement des pêcheurs sur leur terrain », qui porteraient atteinte à la réputation de messieurs Charbonneau. Par cette dernière phrase, le plaignant estime que le journaliste dénigre M. Charbonneau, en le décrivant comme une personne fermée au contact de la population.
Après lecture de l’article, le Conseil estime que le journaliste pouvait exprimer ses opinions et ses critiques, en plus de soulever la question du droit de passage sur des terrains privés. Le Conseil observe que les propos tenus ne sont pas discriminatoires et ne les juge ni insultants, ni injurieux. La discrimination se rapporte à des individus ou à des groupes clairement identifiés, que l’on prive de droits. Bien que les propos dénoncés aient pu choquer le plaignant, ils ne rencontrent pas les critères impliqués dans le concept de discrimination. Le grief est rejeté.
Quant aux accusations d’atteinte à la réputation, le Conseil rappelle qu’il n’accueille pas ce type de griefs qui relèvent des instances judiciaires. Ce grief ne sera donc pas étudié.
Plagiat
L’examen de l’article a permis au Conseil d’y relever un plagiat flagrant. En effet, dans son article, M. Limoges, mentionne qu’il a « fait une petite recherche sur internet ». Or, il ne mentionne jamais le site Internet du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, tout en tirant intégralement la majeure partie du contenu de son article de ce site Internet, sans attribuer les citations à cette source.
Le Conseil rappelle que son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse mentionne que « le fait qu’une information soit diffusée dans un média ne justifie en aucun cas un autre média de la copier ou de la reproduire impunément sans en mentionner la provenance ou sans l’autorisation de l’auteur. […] Ce qui précède s’applique tout autant à la pratique du journalisme sur le réseau Internet ou lorsque les médias de type traditionnel et les professionnels de l’information qui y œuvrent utilisent comme source l’information que les journaux et les magazines diffusent sur Internet. » DERP, p. 34
Le Conseil déplore une telle pratique qui est contraire à l’éthique professionnelle.
Cumul de fonctions
Le Conseil observe, par ailleurs, que M. Limoges est président, éditeur, journaliste et directeur des ventes publicitaire, ces positions le placent en conflit d’intérêts, mettant en péril l’indépendance nécessaire à l’exercice du journalisme.
Bien que sensible au fait que les affectations soient difficiles pour les médias pourvus de petites équipes, il est impérieux de préserver la confiance des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. à cet effet, la déontologie du Conseil prévoit que lorsqu’une seule et même personne dirige et exécute à la fois l’ensemble des tâches de production d’un journal, comportant de l’information et de la publicité, elle assume deux fonctions incompatibles. Le Conseil constate que, dans une décision antérieure, datant de septembre 2006, M. Limoges avait déjà été invité à clarifier sa structure organisationnelle.
Le Conseil réitère sa demande de modifier le fonctionnement de l’entreprise de M. Limoges pour éviter tout conflit d’intérêts.
(1) Depuis le dépôt de la plainte, M. Charbonneau fut élu maire de la Ville de Sainte-Anne-des-Plaines.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. André Lauzon à l’encontre de M. Pierre Limoges et du quotidien Le Bruchésien, sur le seul grief d’une information inexacte, concernant les causes de pollution du ruisseau Lacorne.
En outre, le Conseil blâme le mis-en-cause pour avoir plagié le contenu du site Internet du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, sans en mentionner la source ni lui attribuer les citations.
Enfin, compte tenu de la faute observée par le Conseil en regard du cumul de fonctions de M. Limoges et de l’absence d’identification des genres journalistiques empruntés ainsi que du caractère récurrent de ces fautes, considérant surtout le manque visible d’efforts pour répondre aux normes journalistiques du Conseil de presse, ce dernier porte un blâme sévère à l’endroit du président-éditeur M. Pierre Limoges et du Bruchésien.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C22B Engagement politique
- C22C Intérêts financiers