Plaignant
M. Marc-Aimé Guérin
Mis en cause
M. Vincent Brousseau-Pouliot, journaliste; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Marc-Aimé Guérin porte plainte contre M. Vincent Brousseau-Pouliot, journaliste au quotidien La Presse, concernant deux articles, publiés les 20 août et 29 septembre 2009, rapportant les conclusions de la Cour quant aux démêlés de Mme Landry avec l’Agence du revenu du Canada. M. Guérin déplore que le journaliste ait, malgré l’interdiction de la Cour, fait mention de son identité, en plus d’avoir rapporté des informations inexactes concernant les cadeaux qu’il aurait fait à Mme Landry.
Griefs du plaignant
M. Guérin reproche au journaliste d’avoir, dans son article daté du 20 août 2009 intitulé : « Une ex-danseuse gagne contre le fisc », outrepassé le jugement du juge Hogan, en dévoilant son identité et en le citant « à tort et à travers ». Le journaliste aurait également affirmé qu’une somme de 160 000 $ aurait été prêtée, à Mme Landry, par l’une de ses compagnies alors qu’il lui aurait, comme en témoigne l’acte notarié dont il joint la copie, prêté cette somme en son nom propre.
Selon le plaignant, il ne s’agit pas de la première fois que le quotidien La Presse aurait des mots qui lui seraient peu favorables, puisqu’en avril 1997, conséquemment à la publication de l’ouvrage dont il est l’auteur et qui s’intitule « Le portrait critique du juge Denault », M. Yves Boisvert avait pris le parti du juge.
Dans un complément à sa plainte, M. Guérin reproche au même journaliste d’avoir, dans un deuxième article intitulé : « Le fisc en appelle des 35 000 $ accordés à une ex-danseuse érotique », publié le 29 septembre 2009, parlé de Mme Landry comme d’une ancienne danseuse érotique, alors que celle-ci n’était plus danseuse érotique au moment des faits instruits dans le cadre du procès qui était rapporté.
Le plaignant déplore que le journaliste ait, une nouvelle fois, révélé dans son article son identité en plus d’avoir mentionné qu’il avait fait cadeau à Mme Landry du Pub Sainte-élisabeth, alors que cette dernière aurait payé pour celui-ci. Il précise qu’il a vendu ce bar à un prix spécial, car ce milieu empreint d’alcool et de fumée lui déplaisait.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Patrick Bourbeau, affaires juridiques :
Le représentant du mis-en-cause nie les allégations de M. Guérin, selon lesquelles l’article de M. Brousseau-Pouliot contiendrait une erreur factuelle, en plus du fait que M. Guérin y aurait été mal cité.
Tout d’abord, Me Bourbeau explique que la prétention de M. Guérin, selon laquelle le juge aurait demandé la discrétion dans la décision qui le concerne, n’est aucunement fondée. Selon le représentant du mis-en-cause, M. Brousseau-Pouliot s’est assuré qu’aucune ordonnance de non-publication n’avait été adoptée concernant cette décision qui était, par ailleurs, d’intérêt public et ce, parce que le plaignant, un homme d’affaires montréalais de grande renommée, y était impliqué. Bien que l’identité de M. Guérin ne soit pas mentionnée dans la décision de justice, la démarche du mis-en-cause lui a permis de confirmer sans équivoque l’identité de ce dernier.
Concernant l’allégation de M. Guérin, selon laquelle il aurait été mal cité dans l’article, le représentant du mis-en-cause constate que le plaignant y a été cité à deux reprises, de la façon suivante :
– « C’est ça, mon idée, de rendre la personne indépendante. C’est comme si elle était allée à une caisse populaire. Mais elle est venue me voire. Je faisais la caisse populaire. »
– « C’était un bon débarras. On commençait à confondre Guérin éditeur, l’éditeur des écoles qui dit aux enfants comment s’instruire, comment se conduire, comment s’éduquer et puis en même temps, il est dans un pub où on a reviré tout à l’envers la veille. »
Me Bourbeau précise que ces citations apparaissaient dans l’interrogatoire effectué par les enquêteurs de l’Agence du revenu du Canada dont les extraits pertinents sont joints au dossier.
Quant au second article, publié le 29 septembre 2009, il considère qu’il constituait un suivi de l’article publié en août, une obligation qui incombait à M. Brousseau-Pouliot, selon le guide des Droits et responsabilités de la presse du Conseil.
Relativement à l’emploi de l’expression désignant Mme Landry comme une ex-danseuse érotique, cela ne relèverait nullement d’une quelconque méchanceté, mais proviendrait d’une expression utilisée par le juge lui-même dans le jugement qu’il a prononcé. De l’avis de Me Bourbeau, l’utilisation de cette expression était, par ailleurs, nécessaire pour véhiculer au lecteur le sens de la nouvelle faisant l’objet de l’article.
Réplique du plaignant
M. Guérin réitère qu’il ne s’agit pas de la première fois que le quotidien couvre une information qui le concerne en lui étant particulièrement défavorable. Le plaignant s’interroge sur la raison du biais en faveur du jugement que le journaliste semble manifester dans son article. Il se demande également pourquoi le juge lui-même a donné totalement raison à la plaignante. à son avis, le rôle du journaliste n’était pas de photocopier le jugement, mais bien d’en faire la critique et d’émettre une opinion personnelle et objective afin de guider la population.
Le plaignant ajoute que ce procès concernait une affaire de fisc, dont il est devenu le bouc émissaire, alors que Mme Landry a connu des milliers de clients. Si le journaliste avait été rigoureux, il aurait, selon M. Guérin, dû s’informer de la décision du premier juge dans le cadre de ce procès; décision qui l’écartait des audiences.
M. Guérin ne croit pas que la décision de la Cour soit d’intérêt public. Par ailleurs, il déplore que le journaliste n’ait pas compris que le juge Hogan avait erré et qu’il n’était qu’un témoin pour obligation dans cette cause.
Analyse
M. Marc-Aimé Guérin porte plainte contre M. Vincent Brousseau-Pouliot, journaliste au quotidien La Presse, concernant deux articles intitulés : « Une ex-danseuse gagne contre le fisc » et « Le fisc en appelle des 35 000 $ accordés à une ex-danseuse érotique ». Ces articles rapportent les conclusions de la Cour quant aux démêlés judiciaires de Mme Landry, une ancienne danseuse, à laquelle le plaignant aurait fait de nombreux cadeaux. M. Guérin reproche à l’article d’avoir mentionné son identité, rapporté des informations inexactes et précisé inutilement que Mme Landry était une « ex-danseuse érotique ».
Grief 1 : mention de l’identité
Selon M. Guérin, le journaliste a outrepassé le jugement de la Cour en dévoilant, à plusieurs reprises, son identité dans ses articles. Dans le second article, il est mentionné que l’identité de M. Guérin n’a fait l’objet d’aucune ordonnance de non-publication.
Après analyse, le Conseil a pu faire la preuve que l’identité du plaignant n’a effectivement pas fait l’objet d’une ordonnance de non-publication, auprès de la Cour, bien qu’il ait été, par discrétion, fait référence à « M. X » dans le jugement de Cour. Par conséquent, compte tenu du caractère légal que représentait la publication de l’identité de M. Guérin, ainsi que du principe selon lequel la justice est publique, le Conseil estime que le journaliste n’a commis aucune faute déontologique. Le grief est rejeté.
Grief 2 : informations inexactes
Le plaignant soutient qu’il a prêté la somme de 160 000 $ (1) à Mme Landry, en son nom propre et non en celui de sa compagnie, pour qu’elle puisse faire l’acquisition du Pub Sainte-élisabeth. Il conteste également l’information selon laquelle il lui aurait fait cadeau du Pub, puisque Mme Landry lui a payé celui-ci.
Après analyse des éléments de Cour, le Conseil est d’avis que les informations rapportées par le journaliste étaient exactes. En effet, le mis-en-cause écrivait que M. Guérin, et non une de ses compagnies, avait prêté 150 000 $ à Mme Landry pour qu’elle fasse l’acquisition du fonds de commerce. De plus, la Cour a établi clairement que l’immeuble, dans lequel se trouve le Pub Sainte-élisabeth, a été acquis par Mme Landry pour une somme dérisoire et constitue donc un cadeau du plaignant, ce que le journaliste rapporte sans commettre la moindre erreur. Le grief est donc rejeté.
Grief 3 : caractériser une personne par un statut qui n’est plus le sien
M. Guérin déplore enfin que Mme Landry ait été identifiée comme une ancienne danseuse érotique, alors qu’au moment des faits qu’instruisait le procès, dont le jugement est rapporté dans l’article, cette dernière n’était plus danseuse érotique. Le mis-en-cause précise, quant à lui, que l’expression « ex-danseuse érotique » a été utilisée par le juge lui-même dans son jugement. Il ajoute que cette expression était, par ailleurs, nécessaire pour véhiculer au lecteur le sens de la nouvelle faisant l’objet de l’article.
Le Conseil constate que Mme Landry a effectivement été qualifiée d’« ex-danseuse érotique », dans les articles dont M. Brousseau-Pouliot est l’auteur. Il a effectivement été établi que Mme Landry est une ancienne danseuse du club Chez Parée et que c’est précisément lorsqu’elle exerçait cette fonction qu’elle fît la connaissance de M. Guérin. Ainsi, le journaliste n’a commis aucune faute d’ordre déontologique en qualifiant Mme Landry d’ex-danseuse érotique puisque cette information était parfaitement exacte et permettait une meilleure compréhension de la cause. Le grief est rejeté.
(1) Il s’agit de la somme que M. Guérin prétend avoir prêté à Mme Landry, montant qu’il spécifie dans le cadre de sa plainte. En réalité, la somme prêtée est de 150 000 $; montant que rapporte à la fois la Cour, mais également les articles de M. Brousseau-Pouliot.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11A Erreur
- C16B Divulgation de l’identité/photo
Décision en appel
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Marc-Aimé Guérin à l’encontre de M. Vincent Brousseau-Pouliot, journaliste et le quotidien La Presse.