Plaignant
Cabinet du maire et du comité exécutif de la Ville de Montréal – Direction de l’administration et des communications et M. Richard Thériault, directeur
Mis en cause
M. Éric Clément, journaliste; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Richard Thériault porte plainte contre le journaliste Éric Clément et le quotidien La Presse pour avoir publié, le 17 septembre 2009, ce qu’ils prétendaient être une enquête exclusive venant confirmer une rumeur de longue date concernant le passé felquiste de M. André Lavallée.
Griefs du plaignant
De l’avis de M. Thériault, certains éléments qui se retrouvaient dans les articles de M. Clément, et tout particulièrement dans les sous-titres, seraient sensationnalistes. Il s’agirait notamment de la mention « Enquête exclusive » à la une du quotidien ainsi que de l’amorce de l’article publié en page 4 et qui commence de la façon suivante : « La rumeur courait depuis des années. Une enquête menée par La Presse le confirme aujourd’hui […]. »
Le plaignant rappelle que les faits reprochés à M. Lavallée ont fait l’objet d’un procès public par le passé. Il ajoute que tous les faits que rapporte le journaliste étaient contenus dans le rapport de la Commission d’enquête sur des opérations policières en territoire québécois, aussi connu sous le nom de rapport Keable, publié en 1981.
Ainsi, il n’était, selon M. Thériault, pas juste que le journaliste se targue d’avoir mené une enquête exclusive venant confirmer un fait qui était public depuis plusieurs décennies. De son avis, il ne pouvait pas, non plus, y avoir de rumeur puisque les faits étaient connus de nombreux journalistes. Affirmer que M. Lavallée « brise enfin le silence » friserait la mauvaise foi puisque cela donnerait l’impression que le journaliste de La Presse venait de lui arracher une confession.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Éric Clément, journaliste :
Le mis-en-cause souhaite exposer la façon dont il a travaillé pour produire son enquête exclusive. Il explique avoir appris, trois ans auparavant, qu’une rumeur circulait concernant M. Lavallée et le Front de Libération du Québec. En dépit de l’affirmation du plaignant, il semble à M. Clément que c’est bien parce que les faits étaient connus de nombreux journalistes et que la nouvelle n’était pas encore sortie dans les médias qu’il s’agissait d’une rumeur.
Le mis-en-cause précise qu’il connaît très bien M. Lavallée qu’il suit depuis ses débuts à La Presse. Il explique qu’en le côtoyant, lors des assemblées du conseil municipal ou lors de points de presse, il a eu, à plusieurs reprises, envie de lui demander si la rumeur le concernant était fondée. M. Clément aurait alors décidé de lire le rapport Keable après qu’un lecteur, surpris de l’ascension politique de M. Lavallée, le lui ait suggéré.
Le journaliste précise qu’il s’est rendu à la Grande Bibliothèque pour lire celui-ci. Il a pris des notes et photocopié les pages où se trouvait le nom de M. Lavallée.
Pour présenter, par la suite, cette nouvelle aux lecteurs, M. Clément explique qu’il a laissé un espace égal à M. Lavallée pour qu’il puisse s’expliquer sur les faits qui étaient rapportés. Il précise enfin que La Presse n’a aucunement jugé M. Lavallée pour ces faits qui remontent à 1971.
Commentaires de Me Patrick Bourbeau, affaires juridiques :
Le représentant du mis-en-cause rapporte que La Presse endosse intégralement la réponse de M. Clément. Ce dernier y démontrerait clairement que les articles, dont il est l’auteur, sont fondés sur un processus d’enquête ainsi que des méthodes journalistiques rigoureuses.
En ce qui a trait au sensationnalisme des sous-titres que dénonçait le plaignant, Me Bourbeau est d’avis que ceux-ci sont en tous points conformes aux règles énoncées dans les Droits et responsabilités de la presse puisqu’ils respectaient pleinement le sens, l’esprit et le contenu des articles.
Contrairement à ce que prétend le plaignant, le représentant du mis-en-cause est d’avis que La Presse pouvait faire état d’une enquête exclusive puisque que les articles dont M. Clément est l’auteur sont, sans contredit, le fruit d’une enquête journalistique. En effet, l’information concernant le passé felquiste et la confirmation de cette information ne relevaient pas de vérifications de routine. Le rapport, déposé en 1978, dans lequel se trouvait une partie de l’information relatée dans l’article de M. Clément serait loin d’être accessible ou aisément consultable. Me Bourbeau ajoute que le plaignant ne niait pas que le passé de M. Lavallée n’ait jamais été dévoilé au grand public par les médias auparavant. Il ajoute que le fait que d’autres journalistes aient été au courant de cette nouvelle n’entachait en rien l’exclusivité de cette dernière puisque La Presse est seule à avoir confirmé les informations que contenait l’article et diffusé celles-ci.
Selon le représentant du mis-en-cause, M. Lavallée lui-même a reconnu qu’une rumeur courait au sujet de son passé puisqu’il a indiqué à M. Clément, lors de leur entrevue, qu’il s’agissait de « faits qui n’ont jamais été cachés » et que « des journalistes ont communiqué avec [lui] » à ce sujet.
Enfin, le fait que M. Lavallée soit décrit comme ayant brisé le silence sur ces événements de son passé est également fidèle au sens de l’article. Ce dernier n’a en effet pu discuter des faits auparavant avec le grand public puisque ceux-ci ne leur ont pas été dévoilés depuis son élection en 1986.
Réplique du plaignant
M. Richard Thériault n’a présenté aucune réplique.
Analyse
M. Richard Thériault porte plainte contre le journaliste Éric Clément et La Presse pour avoir publié, le 17 septembre 2009, ce qui était présenté comme une enquête exclusive venant confirmer une rumeur de longue date relative au passé felquiste de M. André Lavallée.
Grief 1 : inexactitudes
Le plaignant déplore, dans un premier temps, le fait que l’article ait été annoncé comme une « enquête exclusive », notamment à la une du quotidien, puisque les faits sur lesquels le journaliste s’est basé étaient publics depuis 1981, c’est-à-dire depuis la publication du rapport Keable.
Considérant qu’une enquête est une série d’articles sur un sujet donné, réalisée à partir de recherches et d’entrevues, le Conseil constate que les articles, dont M. Clément est l’auteur, peuvent légitimement être qualifiés d’enquête. Celle-ci est exclusive dans le sens où La Presse a publié cette nouvelle avant que les autres médias ne la reprennent à leur tour. Par conséquent, aucune faute n’a pu être commise en qualifiant ces articles d’enquête exclusive.
M. Thériault regrette également que le passé felquiste de M. Lavallée ait été présenté comme une rumeur avant que La Presse ne publie cette information.
Au terme de ses recherches, le Conseil constate que cette information a, par le passé, été officialisée lors de la sortie du rapport Keable en 1981, mais qu’elle n’a connu qu’un rayonnement limité à un journal de quartier, lors de la première élection de M. Lavallée, alors que ce dernier était peu connu. Depuis, cette information était tombée dans l’oubli. M. Lavallée étant devenu un incontournable de la vie politique montréalaise, cette information a recommencé à circuler au sein de la communauté journalistique. Elle demeurait toutefois à l’état de rumeur puisqu’elle avait perdu son statut d’information vérifiée. Par conséquent, le Conseil conclut que le journaliste n’a commis aucune erreur en parlant de rumeur.
Dans un dernier temps, le plaignant déplore que M. Clément ait rapporté que M. Lavallée « bris[ait] enfin le silence » sur son passé, ce qui donnait l’impression que ce dernier avouait sa faute pour la première fois. Or, le Conseil est d’avis qu’il ne s’agissait pas tant du fait que M. Lavallée avouait sa faute aux médias que du fait qu’il s’en confiait ouvertement à La Presse. Le Conseil ne relève en cela aucune faute déontologique.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Richard Thériault contre le journaliste, M. Éric Clément et le quotidien La Presse.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte