Plaignant
M. Victor-Lévy Beaulieu
Mis en cause
M. Marc Cassivi, journaliste; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Victor-Lévy Beaulieu porte plainte contre M. Marc Cassivi pour avoir, dans une chronique intitulée « Le don de Bernard émond », publiée le 22 octobre 2009 dans le quotidien La Presse, dénaturé le sens d’un texte, dont le plaignant est l’auteur, afin de le qualifier de xénophobe. Cette remarque serait, selon M. Beaulieu, à la fois tendancieuse, discriminatoire et diffamatoire.
Griefs du plaignant
M. Victor-Lévy Beaulieu déplore que M. Cassivi ait, dans son article, véhiculé des propos tendancieux et discriminatoires en citant malicieusement et hors contexte un article dont il est l’auteur et dans lequel il demandait la citoyenneté éthiopienne. De l’avis du plaignant, en dénaturant ainsi la nature de son texte, le mis-en-cause l’aurait présenté comme étant xénophobe, ce qu’il considère être de la diffamation.
Le plaignant ajoute qu’il a contacté le quotidien La Presse pour faire valoir son droit de réplique; demande à laquelle il n’a jamais été donné suite.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Patrick Buchholz, affaires juridiques :
De l’avis de Me Buchholz, la prétention du plaignant selon laquelle M. Cassivi a tenu, envers lui, des propos diffamatoires en dénaturant un de ses textes n’est pas fondée.
Le représentant du mis-en-cause précise que le Conseil a, à maintes reprises, reconnu qu’il n’avait pas compétence à l’égard d’allégations de diffamation et lui demande ainsi de ne pas se prononcer sur cet aspect de la plainte.
Quant au droit de réplique, Me Buchholz explique qu’il ne peut lui avoir été refusé, puisque ce dernier n’aurait jamais été sollicité par le plaignant.
Le représentant du mis-en-cause conclut que, pour toutes ces raisons, la plainte doit être rejetée.
Réplique du plaignant
M. Beaulieu n’a présenté aucune réplique.
Analyse
M. Victor-Lévy Beaulieu porte plainte contre M. Marc Cassivi pour avoir, dans une chronique intitulée « Le don de Bernard émond », publiée le 22 octobre 2009 dans le quotidien La Presse, dénaturé le sens d’un texte, dont le plaignant est l’auteur, afin de le qualifier de xénophobe. Cette remarque serait, selon M. Beaulieu, à la fois tendancieuse, discriminatoire et diffamatoire.
Grief 1 : manque de mise en contexte et propos tendancieux
Le plaignant déplore que M. Cassivi ait choisi de parler de lui comme d’un xénophobe dans sa chronique. Le Conseil remarque qu’il s’agissait d’une opinion formulée par le chroniqueur, à l’endroit du plaignant, dans la dernière partie de sa chronique, c’est-à-dire après que celui-ci ait rappelé aux lecteurs l’existence d’un communiqué dans lequel M. Beaulieu faisait part de son désir d’obtenir la citoyenneté éthiopienne, à la suite de la publication de son dernier roman traitant, entre autres, de l’éthiopie.
Bien que le journalisme d’opinion accorde à ceux qui le pratiquent une grande latitude dans l’expression de leurs opinions, le guide des Droits et responsabilités de la presse précise que les journalistes doivent « rappelle[r] les faits relatifs aux événements, situations et questions qu’ils décident de traiter avant de présenter leurs points de vue, critiques et lectures personnelles de l’actualité, afin que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause quant aux sujets sur lesquels ils se prononcent ». DERP, p. 28
Le Conseil considère que M. Cassivi a, conformément à ses obligations déontologiques, résumé aux lecteurs le communiqué dont M. Lévy-Beaulieu était l’auteur avant de formuler son opinion. Le grief est par conséquent rejeté.
Conscient toutefois que le terme « xénophobe » véhicule une certaine connotation, le Conseil invite les chroniqueurs à prendre soin de peser le sens des mots qu’ils emploient.
Grief 2 : discrimination
De l’avis de M. Beaulieu, le qualificatif « xénophobe » employé par le journaliste avait un caractère discriminatoire.
Or, le Conseil envisage la discrimination comme un traitement différencié, inégalitaire, appliqué à des personnes sur la base de critères variables suivants : la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale ou le handicap. Puisque le grief soulevé par le plaignant n’apparaît en rien satisfaire aux conditions de cette définition, celui-ci est rejeté.
Grief 3 : diffamation
Le plaignant déplore également le caractère diffamatoire des propos de M. Cassivi. Or, le DERP mentionne à cet effet que « la diffamation relèv[e] de la juridiction des tribunaux civils et criminels » (p. 46). Par conséquent, le Conseil ne se prononcera pas sur cet aspect.
Grief 4 : droit de réplique
M. Beaulieu relève en dernier lieu, dans sa plainte, le fait que La Presse se serait refusée à honorer sa demande de réplique. La partie mise en cause réfutait, quant à elle cette information, en précisant que le courriel que lui a adressé le plaignant ne comprenait pas la mention spécifique de cette demande.
Le guide de déontologie du Conseil mentionne pour sa part que « les médias ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée ». (DERP, p. 38)
Le Conseil de presse est cependant d’avis que, pour qu’une demande de réplique puisse être honorée par un média, il est nécessaire qu’elle soit explicitement formulée auprès de celui-ci.
Constatant que rien dans le courriel qui s’est échangé, entre le plaignant et le mis-en-cause, ne faisait référence à une demande de réplique, le Conseil est d’avis que la partie mise en cause n’a pas pu commettre un manquement à ses obligations. Le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Victor Lévy-Beaulieu à l’encontre du journaliste Marc Cassivi et du quotidien La Presse.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C17A Diffamation
- C18D Discrimination