Plaignant
M. Jean-Paul Marchand
Mis en cause
M. Éric Cliche, directeur de l’information et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Jean-Paul Marchand, candidat à la mairie de Québec, porte plainte contre le quotidien Le Journal de Québec pour avoir, lors de la campagne électorale de 2009, publié des articles sur des sujets d’information qui auraient favorisé la reconduction du maire Labeaume à la mairie de Québec. De plus, le plaignant dénonce la collusion qui aurait existé entre la direction du Journal de Québec et le maire Labeaume, afin de favoriser la reconduction de ce dernier à la mairie.
Griefs du plaignant
M. Marchand, candidat à la mairie de Québec, soumet au Conseil une plainte dans laquelle il dénonce la collusion qui aurait été à l’Œuvre entre M. Péladeau, propriétaire de Quebecor et M. Labeaume, lors de la dernière campagne à la mairie de Québec. à son avis, la propagande orchestrée par Le Journal de Québec pour donner à M. Labeaume carte blanche a été flagrante.
Il explique qu’au lendemain du retour de vacances de M. Labeaume, en août 2009, ce dernier a confié aux médias avoir eu plusieurs conversations chaleureuses avec M. Péladeau concernant la construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec, bien qu’il ait précisé à cette époque qu’il ne s’agissait pas d’un enjeu de campagne. La tenue d’une conférence de presse du maire Labeaume au Colisée, condamnée par le directeur général des élections, a toutefois démontré que cette annonce est devenue un enjeu de campagne.
De l’avis de M. Marchand, il y aurait également eu publication, dans Le Journal de Québec, d’informations visant à promouvoir le projet de TGV du maire Labeaume. Des pages entières auraient été consacrées à ce projet, sans en présenter les coûts, à l’exception d’un bas de page dans l’édition du 13 octobre 2009, du même journal.
Le plaignant souligne le fait que les opposants au maire Labeaume n’ont pas reçu le minimum d’analyse honnête et impartiale auquel on pourrait s’attendre de la part des médias. à titre d’exemple, M. Marchand cite le refus du Journal de Québec de couvrir le lancement de sa campagne. Le quotidien aurait également refusé de commenter le débat ayant eu lieu entre les trois candidats à la mairie. M. Marchand ajoute que Le Journal de Québec a refusé toutes les autres propositions de s’entretenir avec lui durant la campagne électorale municipale.
Pour le plaignant, ces évidences ne font pas de doute sur la collusion qui existe entre le journal et le maire Labeaume. Il ne se dit, par conséquent, pas étonné que le quotidien n’ait pas rapporté que l’équipe du maire avait reçu 15 000 $, en contribution de Dessau et BPR en 2008, ainsi que d’autres sommes en 2009 et ce, alors que ces mêmes firmes étaient impliquées dans la collusion à Montréal et ailleurs au Québec.
Pour M. Marchand, un vrai débat démocratique durant la campagne aurait permis à la population d’être mieux informée. à l’appui de sa plainte, M. Marchand fournit au Conseil copie des articles qui viennent, à son avis, à la défense des manquements qu’il vient d’invoquer.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques :
Le représentant des mis-en-cause affirme que les allégations de collusion entre le président de Quebecor et le maire Labeaume ainsi que les abus de pouvoir, dont serait coupable Le Journal de Québec, sont infondées et diffamatoires. Il rappelle que le Conseil de presse n’est pas un forum approprié pour débattre des accusations diffamatoires.
Le représentant des mis-en-cause explique que le Journal de Québec a posé des choix rédactionnels dans le traitement des informations pertinentes lors de la course à la mairie de la Ville de Québec et atteste que ces informations étaient d’intérêt public et ont été traitées de façon professionnelle, sans autre considération que l’information du public.
Commentaires de M. Éric Cliche, directeur de l’information :
Le mis-en-cause explique que Le Journal de Québec a simplement couvert, comme tous les médias de Québec l’auraient fait, la conférence de presse donnée par le maire Régis Labeaume sur le projet de nouvel amphithéâtre à Québec. Il ajoute qu’il est de notoriété publique que le président de Quebecor a un intérêt pour la propriété d’une franchise de la Ligue nationale de Hockey. à son avis, ces réalités ne permettaient toutefois nullement au plaignant de conclure à une collusion entre M. Péladeau, la direction du Journal de Québec et M. Labeaume.
Concernant le projet de TGV Québec-Windsor, M. Cliche explique que les articles de Mme Gagnon ont été réalisés grâce à une bourse qu’elle a reçue du Journal de Québec. Il ajoute que son projet a notamment été choisi en raison de sa pertinence par rapport à l’actualité. Il n’y avait toutefois aucun lien entre celui-ci et la campagne électorale et il est, à son avis, farfelu d’affirmer que la publication de ces articles avait pour objectif de favoriser la candidature du maire Labeaume.
M. Cliche estime que Le Journal de Québec a accordé au plaignant la couverture qu’il méritait, au vu des résultats qu’il a obtenus aux élections, c’est-à-dire 1,7 % des votes exprimés. Il rappelle que les médias ne sont pas tenus d’accorder le même traitement à tous les candidats, mais bien de refléter la réalité de l’actualité politique.
Pour conclure, le mis-en-cause invite le Conseil à rejeter la plainte de M. Marchand.
Réplique du plaignant
Selon M. Marchand, il est clair qu’il y a eu collusion ou, à tout le moins, une forte apparence de collusion entre Le Journal de Québec et son propriétaire M. Péladeau, afin que soit mise en avant la candidature du maire Labeaume et son projet de nouveau Colisée à Québec et ce, en raison du fait que M. Péladeau aurait des intérêts d’affaires relativement à ce projet.
Le plaignant rappelle que Le Journal de Québec n’a couvert aucun aspect de sa campagne électorale, mais que Le Soleil, Le Devoir, Radio-Canada ainsi que d’autres radios de Québec ont estimé que celle-ci méritait une couverture. Il se demande pourquoi, malgré les trois invitations qu’il a formulées à l’endroit des médias, Le Journal de Québec n’a pas couvert sa campagne.
Concernant le projet de TGV, M. Marchand s’étonne que les articles, dont Mme Gagnon est l’auteure, n’aient apporté aucun fait nouveau, notamment sur les coûts du TGV, ou même fait référence à une quelconque étude relative à ce projet.
Analyse
M. Jean-Paul Marchand, candidat à la mairie de Québec, porte plainte contre Le Journal de Québec pour avoir, lors de la campagne électorale de 2009, publié des articles favorisant la reconduction du maire Labeaume à la mairie de Québec. Le plaignant dénonce également la collusion qui existerait entre la direction du Journal de Québec et le maire Labeaume afin de favoriser la réélection de ce dernier à la mairie.
Grief 1 : collusion
Il est un principe que rappelle le guide Droits et responsabilités de la presse (DERP), dans son introduction, en regard des médias : « Les choix rédactionnels […] relèvent de leur jugement et doivent être faits en toute indépendance et demeurer libres de toutes contraintes autres que celles qui découlent de l’exercice de leur fonction et des législations en vigueur. » DERP, p. 7
Le Conseil, qui définit la collusion comme une entente secrète entre deux ou plusieurs personnes et visant à nuire à un tiers, remarque que le plaignant n’a soumis en preuve aucun élément qui permettait de conclure que l’indépendance des journalistes, dans le choix des sujets traités, a été menacée et donc qu’il y a pu avoir apparence de collusion. Par conséquent, le Conseil rejette le grief.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant déplore, dans un premier temps, que la construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec, enjeu de campagne pour M. Labeaume, ait été mise en avant par Le Journal de Québec durant la campagne électorale municipale.
Le Conseil remarque que la couverture accordée à cette annonce reflétait l’engouement des citoyens de Québec et conclut, par conséquent, que Le Journal de Québec avait le droit de rapporter cette information d’intérêt public. Le grief est rejeté sur cet aspect.
Le plaignant souligne, dans un second temps, que durant la campagne, Le Journal de Québec a accordé une couverture importante au projet de liaison TGV entre Québec et Windsor, qui aurait également été un enjeu de campagne du maire Labeaume. M. Marchand ajoute qu’aucun élément nouveau et d’intérêt public ne venait pourtant justifier cette couverture. Le mis-en-cause rétorque que les articles relatifs à la liaison TGV Québec-Windsor, publiés dans le quotidien, ont été choisis en raison de leur pertinence par rapport à l’actualité ainsi que pour leur qualité.
En accord avec le mis-en-cause, le Conseil est d’avis que Le Journal de Québec pouvait librement choisir de publier des articles relatifs à la liaison Québec-Windsor et considère donc que les articles signées par Mme Gagnon étaient d’intérêt public, en plus d’apporter aux lecteurs de l’information nouvelle. Le Conseil remarque que, bien que le maire Labeaume ait approuvé le projet de cette liaison ferroviaire, ce dernier n’en a pas fait un enjeu de campagne. Par conséquent, rien ne justifiait une prudence particulière de la part du Journal de Québec sur ce sujet. Le grief est rejeté sur cet aspect.
Enfin, le plaignant note que Le Journal de Québec n’a accordé aucune couverture à sa campagne et à son programme électoral, bien que ce ne soit pas le cas des quotidiens Le Soleil et Le Devoir ainsi que de Radio-Canada. Le mis-en-cause estime, quant à lui, que Le Journal de Québec a accordé au plaignant une couverture représentative des résultats qu’il a obtenus aux élections, soit 1,7 % des votes exprimés.
Le Conseil rappelle que si « L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix », ceux-ci « doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice [et] doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public. » (DERP, p. 22) Il ajoute, conformément à sa jurisprudence, que si les médias ne sont pas dans l’obligation de donner un traitement égal à tous les acteurs politiques, ils doivent cependant accorder aux différents candidats un traitement équitable, c’est-à-dire un traitement qui reflète l’importance relative des forces en présence.
Le Conseil s’est adressé au Journal de Québec pour qu’il lui fournisse les articles qui ont fait référence, durant la campagne municipale, à la candidature du plaignant à la mairie de Québec. Le Conseil regrette cependant que la direction du quotidien n’ait finalement pas collaboré à cette recherche. En effectuant ses propres recherches, le Conseil a pris connaissance d’un article, publié le 1er octobre 2009, qui mentionnait la mise en candidature de M. Marchand en tant que 5ème candidat confirmé à la mairie de Québec. Considérant que les médias sont en droit de ne pas placer tous les candidats sur un pied d’égalité, bien qu’ils aient l’obligation de leur offrir une couverture équitable, c’est-à-dire qui tient compte du poids relatif des différentes opinions et de leur importance réelle, le Conseil conclut que Le Journal de Québec s’est incombé de ses obligations déontologiques et rejette le grief sur cet aspect.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Jean-Paul Marchand à l’encontre du quotidien Le Journal de Québec.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
- C21A Publicité déguisée en information
Date de l’appel
21 October 2010
Appelant
M. Jean-Paul Marchand
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.