Plaignant
Mme Dominique Rousseau
Mis en cause
M. Ghyslain Plourde, journaliste; M. Jean-François Cadieux, directeur principal au développement des contenus et l’hebdomadaire Le Réveil
Résumé de la plainte
Mme Dominique Rousseau porte plainte contre l’hebdomadaire Le Réveil et son journaliste M. Ghyslain Plourde, pour avoir publié, le 29 novembre 2009, un article qui s’intitulait « La H1N1 attaque le maire ». Cet article serait basé sur une information inexacte voulant que le maire de Saguenay ait contracté la grippe H1N1.
Griefs du plaignant
Selon Mme Rousseau, l’article de M. Plourde contiendrait des informations inexactes issues d’une entrevue qu’il a eue avec le maire de Saguenay, M. Jean Tremblay. Le mis-en-cause aurait également omis de mentionner dans son article que le maire était vacciné contre la grippe H1N1. De l’avis de la plaignante, le titre ainsi que le corps de l’article déformeraient donc la réalité. Elle ajoute que le maire aurait démenti, le 1er décembre 2009, dans le journal Le Quotidien, avoir mentionné au journaliste du Réveil qu’il souffrait de la grippe H1N1.
Pour la plaignante, l’information selon laquelle le maire de Saguenay était vacciné n’était pas anodine. à son avis, cette omission pouvait induire le lecteur en erreur.
Mme Rousseau rapporte qu’elle a contacté l’hebdomadaire pour lui faire part de cette impression. Elle ajoute qu’il lui a été confirmé que le mis-en-cause, M. Plourde, avait commis une erreur en taisant le fait que le maire était vacciné et ce, puisque cette information modifiait de beaucoup la perception des lecteurs face à un article qui, selon elle, incitait la population à se faire vacciner.
La plaignante mentionne qu’elle a fait parvenir au Réveil une demande afin que soit précisée cette information dans l’édition de la semaine suivante. Elle constate que l’hebdomadaire a manqué à ses obligations puisque cette précision n’a pas été faite. à son avis, cela constituait une faute d’autant plus grave que le maire, lui-même, avait démenti cette information. Mme Rousseau se demande si cette façon de faire n’avait pas tout simplement, pour but, d’éviter de nuire à une campagne de vaccination. Elle souligne que, sur la même page, on pouvait lire, en gras, le titre d’un autre article : « Tout le monde au vaccin dès demain! ».
La plaignante déplore enfin qu’aucun geste concret n’ait été posé par le journal pour rétablir ce qu’elle considère comme une faute professionnelle et ce, malgré la promesse qu’on lui avait faite.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Jean-François Cadieux, directeur principal au développement des contenus :
Le mis-en-cause reconnaît que le journaliste, M. Plourde, a omis de mentionner dans son article l’information pertinente selon laquelle le maire de Saguenay était vacciné contre la grippe H1N1. M. Cadieux ajoute que, malgré de fortes apparences de symptômes liés à la grippe H1N1, le journaliste n’était pas habilité à poser un tel diagnostic. Il aurait été nécessaire d’attendre qu’une telle information soit confirmée par le principal intéressé ou une autorité médicale compétente.
En dépit de l’impression de la plaignante, M. Cadieux précise que le journaliste n’a absolument pas traité la nouvelle de la maladie de M. Tremblay en ayant délibérément recours au sensationnalisme. Il ajoute que l’objectif premier de M. Plourde était d’informer le public. Il conteste également la prétention de Mme Rousseau selon laquelle le journal souhaitait influencer l’opinion du public en faveur de la vaccination.
Le mis-en-cause termine en expliquant que sera publié, dans l’édition du 14 février 2010 du Réveil, un encadré reconnaissant que l’article n’aurait pas dû conclure que le maire Tremblay était atteint de la grippe H1N1, alors que cette information n’avait jamais été confirmée.
Réplique du plaignant
Mme Rousseau explique qu’elle n’est pas convaincue que le journaliste n’ait pas délibérément maquillé l’information. à son avis, le maire lui-même lui aurait mentionné au journaliste qu’il souffrait d’une pneumonie et non de la grippe H1N1.
La plaignante est d’avis que le comportement du journaliste a eu pour effet de créer un article alarmiste et sensationnaliste et ce, d’autant plus que l’article en question faisait également la manchette en une de l’hebdomadaire et qu’il était, en page 3, associé à un autre article sensationnaliste dont le titre était « Tout le monde au vaccin dès demain! ». Pour Mme Rousseau, il ne s’agit pas d’une coïncidence si ces deux articles se retrouvent sur la même page, mais bien d’une tentative de manipulation de la population en faveur de la vaccination.
La plaignante ajoute que le fait d’avoir fait paraître une précision noyée en page 18 de l’édition du 14 février 2010, soit onze semaines après la parution de l’article, ne démontrerait pas, selon elle, que le journal a agi avec diligence et professionnalisme. Elle rappelle que le journaliste ainsi que le reste du personnel du Réveil devaient être parfaitement au fait que le maire avait démenti la nouvelle dans le journal Le Quotidien, le 1er décembre 2009. L’hebdomadaire aurait, de ce fait, pu publier un correctif bien avant le 14 février 2010, alors que la pandémie était encore d’actualité et ce, en page 3 du journal, soit la page la plus importante.
Analyse
Mme Dominique Rousseau porte plainte contre l’hebdomadaire Le Réveil et son journaliste M. Ghyslain Plourde, sur la base d’un article publié le 29 novembre 2009, et qui s’intitulait « La H1N1 attaque le maire ». Cet article serait basé sur une information inexacte à l’effet que le maire de Saguenay était atteint de la grippe H1N1. Le journaliste aurait, par ailleurs, omis de rappeler aux lecteurs l’information selon laquelle le maire Tremblay était vacciné contre cette maladie.
Grief 1 : information incomplète et inexacte
La plaignante déplore, dans un premier temps, que le journaliste n’ait pas mentionné dans son article que le maire Tremblay était vacciné contre la grippe H1N1. Pour elle, M. Plourde a sciemment fait cette omission. Mme Rousseau soutient que le maire de Saguenay a mentionné, dans le cadre d’une entrevue avec le mis-en-cause, qu’il était vacciné contre la grippe H1N1 et qu’il souffrait en réalité d’une pneumonie.
Le mis-en-cause reconnaît que l’information selon laquelle le maire Tremblay était vacciné contre la grippe H1N1 aurait dû être rappelée aux lecteurs. Il reconnaît également que le journaliste n’était pas habilité à poser un diagnostic médical et qu’il aurait dû attendre que l’information lui soit confirmée, par une autorité compétente avant de la publier.
Bien que le mis-en-cause ait reconnu ses erreurs, le Conseil n’a d’autres choix que de retenir le grief en raison des fautes commises par celui-ci. En effet, le fait d’avoir affirmé que le maire souffrait de la grippe H1N1, inexactitude se retrouvant notamment dans le titre, constituait une faute déontologique majeure. De plus, dans ce contexte, l’information selon laquelle M. Tremblay était vacciné contre cette grippe, aurait gagné à être rappelée aux lecteurs. Concernant l’intentionnalité des fautes reprochées aux mis-en-cause, le Conseil conclut que la plaignante n’a pas prouvé de manière prépondérante ce qu’elle avançait.
Grief 2 : rectificatif insatisfaisant
Afin de rétablir l’information, le mis-en-cause a informé le Conseil qu’il a publié un rectificatif, dans l’édition du 14 février 2010 et ce, après que la plaignante ait déposé sa plainte au Conseil de presse. La plaignante est toutefois demeurée insatisfaite puisque la publication du rectificatif intervenait trop tardivement, soit onze semaines après la publication initiale de l’article. Elle ajoute déplorer que ce rectificatif se soit situé en page 18 du journal, alors que l’article initial avait été publié en page 3 et annoncé en une.
Concernant l’exigence qui incombe aux entreprises de presse de remédier par la publication d’un correctif aux fautes qu’ils commettent, le guide des Droits et responsabilités de la presse précise que : « les rétractations et les rectifications devraient être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses ». DERP, p. 46
Considérant l’obligation de diligence dont doivent faire preuve les médias dans la publication des rectificatifs – c’est-à-dire le « soin attentif, rapide et sans délai, qu’une personne doit apporter dans l’accomplissement de ses obligations » – le Conseil est d’avis que Le Réveil ne s’est pas acquitté de ses responsabilités, en publiant un correctif onze semaines après la parution de l’article en cause et recommande qu’une période de temps, la plus courte possible, sépare la publication d’un produit journalistique comportant une faute professionnelle et son rectificatif.
Le Conseil considère également que le média en cause ne s’est pas acquitté de ses obligations de rétablir la vérité sur une information erronée et incomplète en publiant un rectificatif en page 18, de l’hebdomadaire, alors que l’erreur s’est produite à la une et à la page 3 du même hebdomadaire. Le grief est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse blâme le journaliste M. Ghyslain Plourde ainsi que l’hebdomadaire Le Réveil pour publication d’information inexacte et incomplète. Le Conseil blâme également le média pour publication d’un correctif insatisfaisant.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C19B Rectification insatisfaisante