Plaignant
M. David Gagnon
Mis en cause
M. Richard Latendresse, journaliste; M. Martin Cloutier, directeur de l’information etle Groupe TVA-LCN inc.
Résumé de la plainte
M. David Gagnon porte plainte contre le journaliste Richard Latendresse et le Groupe TVA inc. concernant un reportage, diffusé le 16 janvier 2010, portant sur le tremblement de terre à Haïti. Les motifs de plainte invoqués sont le sensationnalisme et le manque de mise en contexte du reportage ainsi que d’avoir porté des jugements de valeur sur les événements se déroulant en Haïti.
Griefs du plaignant
M. David Gagnon reproche au journaliste Richard Latendresse de n’avoir fait aucune mise en contexte et d’avoir usé de sensationnalisme, dans un reportage effectué lors du tremblement de terre en Haïti, diffusé le 16 janvier 2010.
Le plaignant reproche au journaliste d’avoir usé de sensationnalisme, lors de la poursuite d’un camion transportant des cadavres. Les images diffusées présentaient alors les décombres et les corps. Il accuse le journaliste d’avoir manqué de pudeur dans la présentation de ces images et dénonce le côté sensationnaliste et voyeuriste du reportage.
Finalement, selon le plaignant, par trois fois, le journaliste aurait porté un jugement. Premièrement, au tout début du topo, lorsqu’il affirme « qu’il fallait faire en sorte d’enlever les morts pour éviter les épidémies ». Deuxièmement, lorsqu’il souligne « qu’il n’y a aucune volonté d’identifier les cadavres déversés » et, finalement, lorsqu’il affirme « […] des camions chargés de décombres, chargés de cadavres, on en croise encore et encore. Sans contrôle, sans surveillance. C’est n’importe quoi ». Il s’agit, selon M. Gagnon, de jugements graves et M. Latendresse n’aurait pas fait de mise en contexte de ses images et de ses propos.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Véronique Dubois, conseillère juridique principale :
Me Véronique Dubois souligne que le Groupe TVA n’étant plus membre du Conseil de presse du Québec depuis décembre 2008, aucun commentaire ne sera fourni.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
M. David Gagnon porte plainte contre le journaliste Richard Latendresse et le Groupe TVA inc. concernant un reportage, diffusé le 16 janvier 2010, sur le tremblement de terre à Haïti. Les motifs de plainte invoqués sont le sensationnalisme et le manque de mise en contexte du reportage ainsi que d’avoir porté des jugements de valeur sur les événements se déroulant en Haïti.
Grief 1 : manque de mise en contexte et sensationnalisme
Le plaignant reproche au journaliste d’avoir usé de sensationnalisme, lors de la poursuite d’un camion transportant des cadavres. Les images diffusées présentaient alors des décombres et des corps. Tout en dénonçant le côté sensationnaliste et voyeuriste du reportage, il accuse le journaliste de ne pas avoir fait de mise en contexte et d’avoir manqué de pudeur dans la présentation des images.
Le Conseil rappelle que, tout en restant fidèle à leur éthique professionnelle, les journalistes ont le droit et même le devoir d’aborder tous les sujets, même les plus délicats.
Cependant, le Conseil rappelle que les médias doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas illustrer des événements qui risqueraient de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. Or, dans ce cas, il est apparu au Conseil que ces exigences de rigueur et de fidélité ont été respectées. Le caractère d’intérêt public du reportage était justifié par le fait qu’il illustrait un problème sur la réalité de l’évacuation des morts, à la suite du tremblement de terre en Haïti.
Le Conseil peut comprendre que les images diffusées aient pu heurter la sensibilité du plaignant, en raison de leur aspect saisissant. Cependant, le journaliste pouvait librement, en vertu de sa liberté rédactionnelle, illustrer son reportage de cette façon. Aussi saisissant soit-il, le reportage dénoncé n’en témoigne pas moins d’une réalité qui était vécue en Haïti.
Toutefois, le Conseil de presse tient à souligner que les responsables de l’émission auraient dû présenter une mise en garde aux téléspectateurs et les prévenir du caractère cru des images diffusées dans le reportage.
En regard du manque de mise en contexte, le Conseil note que, dans son deuxième reportage, M. Latendresse illustre la réalité qu’il observe dans les rues de Port-au-Prince, où des camions recueillent les dépouilles des victimes du tremblement de terre, les transportant en dehors de la ville pour les déposer, sans aucune procédure d’identification, dans un lieu qui présente toutes les apparences d’un vaste dépotoir. Le Conseil considère que le journaliste a respecté les normes déontologiques de sa profession en réalisant son reportage, qu’il n’a aucunement déformé les faits qu’il a voulu décrire et qu’il n’a pas manifesté de sensationnalisme. Le grief est, par conséquent, rejeté.
Grief 2 : porter des jugements de valeur
Finalement, selon le plaignant, par trois fois, le journaliste aurait porté un jugement de valeur. Premièrement, au tout début du topo, lorsqu’il affirme « qu’il fallait faire en sorte d’enlever les morts pour éviter les épidémies ». Deuxièmement, lorsqu’il souligne « qu’il n’y a aucune volonté d’identifier les cadavres déversés » et, finalement, lorsqu’il affirme « […] des camions chargés de décombres, chargés de cadavres, on en croise encore et encore. Sans contrôle, sans surveillance. C’est n’importe quoi ». Il s’agit, selon M. Gagnon, de jugements graves.
Selon le guide des Droits et responsabilités de la presse, le reportage est définit comme suit : « En ce qui a trait à la nouvelle et au reportage, les médias et les professionnels de l’information doivent s’en tenir à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte sans les commenter. Quelque soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » DERP, p. 26
Afin de bien cerner ce grief, le Conseil distingue deux types de jugements : le jugement de faits et le jugement de valeur. Le jugement de faits implique ou vise une observation neutre et objective, alors que le jugement de valeur implique une évaluation et une appréciation subjective. Le journalisme d’information (contrairement au journalisme d’opinion) rapporte les faits sans porter de jugement de valeur, sans qualifier, par exemple, une situation de « bonne » ou de « mauvaise ».
Contrairement au plaignant, le Conseil n’a pas vu de jugements de valeur portés par le journaliste dans son reportage. Pour reprendre les trois citations du plaignant, le Conseil constate que, premièrement, le fait que « les morts pouvaient causer des épidémies » avait été rapporté par différents intervenants de la santé.
Deuxièmement, que « les corps n’étaient pas identifiés » et, finalement, « qu’ils étaient déversés sans contrôle et sans surveillance » s’avérait aussi être la réalité. L’utilisation de l’expression « c’est n’importe quoi » peut porter à confusion. Le Conseil comprend que le journaliste l’utilisait pour décrire ce qu’il voyait : une situation où il n’y avait plus de règles et qui semblait plutôt anarchique. De plus, le Conseil note que dans sa fonction d’observateur, un journaliste sur le terrain peut exprimer une impression ou un sentiment qu’il ressent lorsqu’il est exposé à une situation donnée. Dans de tels cas, bien qu’il n’en franchisse pas la frontière, le journaliste d’information se rapproche du journaliste d’opinion. Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.
Refus de collaboration
Le Groupe TVA n’a pas souhaité fournir de commentaires à la plainte de M. David Gagnon, en raison de son retrait du Conseil de presse depuis décembre 2008.
Le Conseil de presse tient à insister sur l’importance, pour tous les médias, de participer aux mécanismes d’autorégulation qui contribuent à la qualité de l’information et à la protection de la liberté de la presse. Par leur refus de répondre à la présente plainte, les mis-en-cause privent le plaignant de son droit de choisir l’organisme auquel il désire s’adresser. Cette collaboration constitue un moyen privilégié de répondre publiquement de leur responsabilité d’informer adéquatement les citoyens.
Le Conseil reproche au Groupe TVA son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Considérant les éléments énoncés ci-haut, le Conseil de presse rejette la plainte de M. David Gagnon à l’encontre du journaliste Richard Latendresse et du Groupe TVA inc.
Enfin, pour son manque de collaboration en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA inc.
Analyse de la décision
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C20A Identification/confusion des genres
- C24A Manque de collaboration