Plaignant
M. Richard Miron, conseiller en droit et L’En-Droit de Laval
Mis en cause
M. Marc Pigeon, journaliste, M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien LeJournal de Montréal et l’agence QMI et M. Patrik White, chef des nouvelles
Résumé de la plainte
M. Richard Miron porte plainte contre le Journal de Montréal et son journaliste M. Marc Pigeon pour avoir publié, le 19 janvier 2010, un article dont le titre, « La police abat un fou furieux », véhiculait des préjugés sur les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Griefs du plaignant
Selon M. Miron, le titre de l’article en cause était sensationnaliste et tendancieux puisqu’il référait à une image péjorative des personnes ayant des problèmes de santé mentale. De plus, le titre préjugeait que l’individu, sujet de l’article, était agressant et dangereux pour les policiers.
Le plaignant ajoute que le titre comportait des préjugés et des faussetés sur les personnes ayant des problèmes de santé mentale en utilisant la locution de « fou furieux ».
En dernier lieu, M. Miron déplore que le nom de la victime ait été révélé dans l’article et que ce dernier ait, de facto, été associé à un criminel.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, affaires juridiques :
Le représentant des mis-en-causes explique que, selon l’article, lorsque les policiers sont arrivés sur les lieux, un homme est sorti de la maison et a foncé sur eux, couteau à la main. Les agents auraient ordonné à l’homme de s’arrêter, ce qu’il n’a pas fait. Les policiers ont alors ouvert le feu et l’ont atteint mortellement. Me Pageau en conclut que le titre de l’article, « La police abat un fou furieux » dépeint bien les faits décrits dans l’article.
Après avoir rappelé la définition des termes « fou » et « furieux », le représentant des mis-en-cause conclut que l’homme abattu avait un comportement que l’on pouvait qualifier sans sensationnalisme de « fou furieux ».
Relativement aux préjugés et aux faussetés qui auraient été véhiculés concernant l’individu impliqué dans les événements, Me Pageau explique que l’article n’accordait pas à cet homme un traitement différent de celui qu’aurait obtenu une autre personne dans une situation semblable. Le texte, en rapportant que l’individu en question avait un comportement incertain, qu’il semblait aux prises avec certains troubles psychologiques et que les voisins avaient, dans le passé, été témoins d’interventions policières, référait à des faits. Aucun préjugé n’était entretenu à l’égard des personnes atteintes de maladies mentales.
Pour finir, Me Pageau soutient qu’il était d’intérêt public d’identifier l’individu ayant fait l’objet de l’article puisque l’ensemble des événements ont conduit à la mort d’un homme ainsi qu’à l’intervention des forces publiques et des ambulanciers. Puisque l’individu est décédé, il était à son avis important de rappeler les circonstances du décès incluant son identité.
Réplique du plaignant
En désaccord avec le représentant des mis-en-cause, le plaignant plaide que c’est la charge symbolique négative de l’expression « fou furieux » qui induisait le sensationnalisme dont faisait preuve le titre de l’article.
Il soutient que le titre de l’article véhiculait une association péjorative entre santé mentale et dangerosité, lien qui n’existe pas, et qui a eu pour conséquence de stigmatiser les personnes ayant des problèmes de santé mentale. M. Miron complète sa réponse en citant la position de l’Association canadienne pour la santé mentale qui vient soutenir son point de vue. Le plaignant en conclut que les propos du Journal de Montréal colportaient une manière de voir qui n’est pas scientifiquement fondée et qui est en opposition avec les faits.
Concernant l’identité de la victime qui a été révélée dans l’article, le plaignant soutient que la vie privée d’une personne qui n’a jamais fait l’objet d’accusation et qui a été abattue se doit d’être protégée. Il ajoute que l’article n’était à son avis pas équilibré puisqu’il ne comportait que le point de vue du policier.
Analyse
M. Richard Miron porte plainte contre Le Journal de Montréal et son journaliste M. Marc Pigeon pour avoir publié le 19 janvier 2010, un article dont le titre, « La police abat un fou furieux », véhiculait des préjugés sur les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Grief 1 : sensationnalisme du titre
Selon M. Miron, le titre de l’article est sensationnaliste et tendancieux puisqu’il véhiculait une image péjorative des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Le représentant des mis-en-causes, Me Pageau, rétorque que le titre de l’article, « La police abat un fou furieux », résumait avec justesse les faits décrits dans l’article. Il ajoute que, d’après la définition des termes « fou » et « furieux », l’homme abattu avait un comportement que l’on pouvait qualifier, sans sensationnalisme, de « fou furieux ».
Le guide des Droits et responsabilités de la presse du Conseil de presse précise aux professionnels des médias que : « Les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. » DERP, p. 30
En ce qui a trait à l’emploi de « fou furieux », le Conseil remarque que, d’après le Multidictionnaire, « cette expression n’est plus utilisée en psychiatrie; dans la langue courante, elle a perdu son sens médical et s’emploie comme un superlatif [de l’adjectif furieux], de façon figurée ». Considérant cette définition, le Conseil conclut que Le Journal de Montréal pouvait utiliser cette expression sans trahir le contenu de l’article et sans faire montre de sensationnalisme. Le grief est rejeté.
Grief 2 : préjugés
M. Miron déplore également que le titre de l’article ait véhiculé des préjugés à l’égard des individus atteints de folie en suggérant un lien entre personnes atteintes de troubles mentaux et comportements violents.
Me Pageau réplique, quant à lui, qu’il n’était pas accordé à l’individu, sujet de l’article, un traitement différent de celui qu’aurait obtenu une autre personne dans une situation semblable.
Le guide de déontologie du Conseil précise, sur cet aspect, que : « Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris. » DERP, p. 30
Le Conseil considère que puisque l’expression « fou furieux » ne sous-entendait pas de lien entre maladie mentale et manifestations de violence, le titre était exempt de préjugés à l’endroit des personnes atteintes de troubles mentaux. Par conséquent, le grief est rejeté.
Grief 3 : mention de l’identité
M. Miron déplore, par ailleurs, que le nom de la victime ait été révélé dans l’article.
Me Pageau argue, quant à lui, qu’il était d’intérêt public de rappeler les circonstances du décès de l’individu ayant fait l’objet de l’article incluant son identité.
Le Conseil par son guide des Droits et responsabilités de la presse dans sa section « Vie privée et drames humains » s’est interrogé sur le principe qui permet aux professionnels des médias de révéler l’identité d’un individu dans un tel contexte. Il conclut que, « La règle qui s’impose, eu égard à cette question, est identique à celle déjà énoncée pour le traitement de ces affaires : ne révéler l’identité des personnes que lorsque cette identification est d’un intérêt public certain, voire incontournable. » DERP, p. 43
Le Conseil conclut que c’est principalement parce que l’incident, dans lequel était impliqué un agent de police, a fait l’objet d’une enquête policière que l’identité de la victime pouvait être révélée aux lecteurs. Il n’y avait donc pas faute sur cet aspect, le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette à la majorité la plainte de M. Richard Miron contre le Journal de Montréal, l’agence QMI et le journaliste, M. Marc Pigeon.
Un membre du comité exprime sa dissidence et considère que, pour éviter tout risque d’association systématique entre la maladie mentale et des manifestations de violence qui pourraient en résulter, le journal aurait dû éviter l’utilisation du mot « fou » dans le titre de l’article.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C18C Préjugés/stéréotypes
Date de l’appel
21 October 2010
Appelant
L’En-Droit de Laval
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.