Plaignant
Mme Vivian Sallai
Mis en cause
M. Pierre Albert Sévigny, journaliste; M. Beryl Wajsman, rédacteur en chef et l’hebdomadaire The Suburban
Résumé de la plainte
Mme Vivian Sallai porte plainte contre le journaliste, M. P. A. Sévigny, pour avoir publié son nom et le nom de la compagnie où elle travaille sans son consentement, dans un article intitulé, « Police consider CDN Forest Hill death… suspicious », publié dans l’hebdomadaire The Suburban, le 16 décembre 2009. De plus, Mme Sallai soutient que l’article est truffé d’erreurs factuelles et de fausses citations.
Analyse
Grief 1 : non-respect de la vie privée
Mme Sallai a accepté de témoigner à titre de voisine de la victime, dont il est question dans l’article, à la condition que M. Sévigny ne publie pas son nom. Elle lui a même rappelé sa demande lorsque le journaliste l’a avisée de la publication de l’article. M. Sévigny a quand même publié le prénom de la plaignante, situé où se trouvait son appartement par rapport à celui de la victime et mentionné aussi le fait que Mme Sallai travaillait pour Air Canada. La plaignante craint que s’il s’agit d’un meurtre plutôt que d’un suicide, sa sécurité puisse être menacée, car le présumé coupable qui habite dans son immeuble connaît maintenant son nom et son lieu de travail.
Tout en s’excusant auprès de Mme Salai, le journaliste M. Sévigny confirme avoir avisé cette dernière qu’il allait la citer dans son article. Il écrit au Conseil qu’il n’a mentionné que son prénom. Il ajoute que son récit correspond à ceux de plusieurs de ses voisins.
Le Conseil observe que même si le mis-en-cause ne publie pas le nom de famille de la plaignante, dans son article, il cite son prénom et fournit des précisions sur la localisation de son appartement ainsi que le nom de la compagnie pour laquelle elle travaille. Il y a là assez de détails pour identifier la plaignante. Le Conseil rappelle que Mme Sallai a insisté, à deux reprises, pour que son nom ne soit pas publié, ce qui signifiait, pour elle, le nom et le prénom. Le Conseil remarque aussi que, dans son article, M. Sévigny cite les paroles du concierge dont il ne veut pas dévoiler l’identité par crainte que ce dernier perde son emploi. Pour ce qui est des autres voisins dont il fait mention, il ne les cite jamais.
Sur cette question du respect à la vie privée le Conseil rappelle que : « La question de l’identification des personnes mises en cause, ou de leurs proches (victimes d’agression, accident ou de suicide) est particulièrement délicate, voire épineuse pour les professionnels de l’information. Doit-on nommer ou ne pas nommer? La règle qui s’impose, eu égard à cette question, est identique à celle déjà énoncée pour le traitement de ces affaires : ne révéler l’identité des personnes que lorsque cette identification est d’un intérêt public certain, voire incontournable. » (DERP, p. 43)
Dans le cas présent, rien n’indique que l’intérêt du public était mieux servi en identifiant le témoin. De plus, le Conseil estime que dans de telles circonstances, où la source d’information pouvait sentir sa sécurité menacée, le journaliste avait le devoir de protéger sa source. En publiant son prénom et plusieurs détails sur sa vie, M. Sévigny a commis une faute déontologique. Le grief pour non-respect à la vie privée est donc retenu.
Grief 2 : informations inexactes
La plaignante déplore que l’article de M. Sévigny contienne plusieurs erreurs de fait et qu’il cite des paroles qu’elle n’a jamais dites. Elle ajoute que le journaliste n’a pris aucune note durant l’entrevue.
En ce qui concerne les erreurs de fait, Mme Sallai, dans sa plainte, précise d’abord celle reliée à l’heure à laquelle le corps de la victime a été emporté qui serait beaucoup plus tardive que celle mentionnée dans le journal.
De plus, contrairement à ce qui a été rapporté dans le Suburban, Mme Sallai affirme n’avoir jamais dit qu’elle « avait entendu du brouhaha ou des portes claquer dans l’appartement voisin, comme si on voulait quitter rapidement » ou encore qu’elle avait entendu un homme s’exclamer comme s’il assistait à un match sportif (cette dernière phrase n’est pas mise entre guillemets dans l’article).
Le journaliste, dans ses commentaires, écrit à deux reprises que les faits relatés dans son article demeurent les mêmes et qu’il n’a rien à se reprocher.
Que ce soit dans des cas de faits divers ou dans d’autres cas, le Conseil estime que la rigueur doit toujours être de mise. Dans son code de déontologie, le Conseil insiste : « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes représente la garantie d’une information de qualité. […] Elle est plutôt synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements. Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. » (DERP, pp. 21-22)
Le Conseil constate que le mis-en-cause demeure vague dans ses commentaires et ne répond pas directement aux reproches de la plaignante en réaffirmant qu’elle a bel et bien tenu les propos qu’il lui prête dans son article. Le Conseil observe également que M. Sévigny a conduit l’entrevue sans jamais prendre de note ce qui ouvrait la porte à des erreurs de faits et de citations. Le grief pour informations inexactes est donc retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de Mme Vivian Sallai contre M. Pierre Albert Sévigny journaliste et l’hebdomadaire The Suburban, pour non-respect à la vie privée et informations inexactes.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C16B Divulgation de l’identité/photo