Plaignant
Plaignant anonyme (dûment identifié au Conseil de presse)
Mis en cause
Mme Esther Normand, journaliste; M. André De Sève, rédacteur en chef et l’émission « La facture » et la Société Radio-Canada (SRC)
Résumé de la plainte
Le reportage de « La facture », mis en cause par le plaignant, a été diffusé sur les ondes de Radio-Canada le 16 mars 2010 et relate les péripéties de contribuables du Nouveau-Brunswick avec l’Agence du revenu du Canada. Alors qu’ils ont été les victimes du fraudeur Daniel Paradis, anciennement propriétaire d’une franchise de H1/4R Block, l’Agence du revenu du Canada exige qu’ils remboursent des sommes qu’ils n’ont, en réalité, jamais perçues.
Analyse
Grief 1 : abus de confiance, atteinte à la vie privée
Le plaignant, ancien agent des services aux contribuables de l’Agence du revenu du Canada, déplore, dans un premier temps, que la Société Radio-Canada ait diffusé un extrait de sa voix, enregistrée à son insu, dans le cadre de sa conversation avec une des victimes de Daniel Paradis, et ce, sans avoir au préalable obtenu son autorisation ou avoir, a posteriori, pris soin de maquiller sa voix. Il affirme que cet enregistrement constituait une violation de sa vie privée et que sa diffusion a entraîné son congédiement.
Après avoir stipulé que cette mise à pied ne relève pas de leur responsabilité, M. de Sève et Mme Normand expliquent que la conversation a été diffusée en raison de son intérêt public et qu’ils n’ont pas masqué la voix du plaignant parce que l’échange diffusé s’inscrivait dans l’exercice d’un service professionnel public.
Le Conseil constate, dans un premier temps, que l’enregistrement de la conversation par une équipe de journalistes s’est fait sans que le plaignant en soit informé. Il rappelle que : « Les journalistes doivent […] s’interdire de recourir aux techniques qui relèvent de l’abus de confiance (par exemple enregistrer une conversation à l’insu d’une personne ou ne pas informer un interlocuteur que ses propos sont diffusés en ondes) ou qui s’apparentent à la violation ou à l’invasion de la propriété et de la vie privée » (Droits et responsabilités de la presse, p. 35) Le Conseil ajoute que des exceptions à ce principe peuvent exister, mais reposent alors sur le fait que l’information recherchée ne peut être obtenue autrement, en plus d’avoir un caractère éminemment public.
Dans un tel contexte et puisque l’objet du reportage portait sur les relations entre les agents du service de l’Agence du revenu du Canada et les contribuables, le Conseil estime que l’information était à la fois d’intérêt public et aurait été dénaturée si le plaignant avait été prévenu que des journalistes enregistraient la conversation. Par ailleurs, les mis-en-causes n’avaient pas l’obligation de maquiller la voix du plaignant puisque la conversation enregistrée et diffusée s’inscrivait dans le contexte d’une prestation officielle d’un agent d’un service public ayant un devoir d’imputabilité. Le grief est donc rejeté.
Grief 2 : sélection partiale des propos rapportés
Le plaignant regrette en second lieu que la Société Radio-Canada ait choisi de diffuser un extrait de la conversation qui, à son avis, défigurait ses propos. Les mis-en-cause plaident, quant à eux, le contraire en expliquant qu’ils ont cherché à démontrer, par la diffusion de cet extrait, la prétention des victimes selon laquelle il était difficile de se faire entendre et comprendre des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada.
Le Conseil a été en mesure de prendre connaissance de l’intégralité de l’échange qui s’est déroulé entre le plaignant et la victime de fraude puisque celui-ci a été enregistré dans son intégralité. Il constate que les extraits de quelques secondes qui ont été utilisés pour monter le reportage sont une sélection visant à illustrer la prétention des victimes selon laquelle il était difficile de se faire entendre et comprendre des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada. Le Conseil conclut que les mis-en-cause n’ont pas déformé les propos du plaignant par le choix des extraits qu’ils ont diffusés. Par conséquent, le grief est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte du plaignant formulée contre Mme Esther Normand, journaliste et M. André de Sève, rédacteur en chef, pour l’émission « La facture » diffusée sur les ondes de Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C23E Enregistrement clandestin
- C23I Violation de la propriété privée
Date de l’appel
8 February 2011
Appelant
Plaignant anonyme
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier fermé.