Plaignant
Mme Geneviève Morand
Mis en cause
M. Andrew McIntosh, journaliste; Mme Kina Adamczyk, journaliste; M. Pierre Tremblay, rédacteur en chef et l’Agence QMI; M. Patrick White, rédacteur en chef et le portail Internet Canöe; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le Journal de Montréal etM. Éric Cliche, directeur de l’information et le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Mme Geneviève Morand porte plainte contre M. Andrew McIntosh et Mme Kina Adamczyk, tous deux journalistes à l’Agence QMI, relativement à un article paru dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec, le 7 septembre 2010 et sur le site Canöe. Mme Morand soutient que des informations personnelles et privées, voire sensationnalistes, ont été publiées sans son consentement. Ces informations n’étaient pas d’intérêt public et ne visaient qu’à étaler, au grand public, sa détresse profonde alors qu’elle combattait la mort.
Commentaires du mis en cause
L’Agence QMI, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et Canoë n’ont pas souhaité répondre à la plainte de Mme Morand en raison de leur retrait du Conseil de presse depuis juin 2010.
Analyse
Grief 1 : atteinte à la vie privée
Mme Geneviève Morand, ayant été victime d’un grave accident d’alpinisme au Mont Rainier dans l’état de Washington, s’offusque de ce que les mis en cause aient publié dans Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et diffusé sur le site Canöe des extraits des moments les plus critiques de sa conversation avec le 911 de l’état amÉricain, dans l’attente de secours pour lui sauver la vie, elle et son conjoint. Les articles relatent les « pires moments passés au téléphone, avec des transcriptions textuelles » des échanges avec le 911.
La plaignante explique qu’un journaliste l’a contactée pour solliciter une entrevue, mais étant donné les délais trop courts qu’on leur offrait, elle et son conjoint n’ont pu accéder à la demande. Les extraits ont donc été publiés sans son consentement et ont par la suite été repris par plusieurs journaux canadiens et amÉricains. Mme Morand écrit que « c’est notre détresse profonde vécue alors que nous combattions la mort qui est étalée au grand public ».
L’article du 7 septembre 2010 a été publié cinq mois après l’accident, survenu le 27 avril dernier. Déjà, l’Agence QMI avait publié sur Canöe un article, le jour même de l’accident, relatant les faits entourant l’événement. L’article du 7 septembre (qui fait l’objet de la plainte) ne fait que remettre la conversation en contexte et publie la transcription textuelle des extraits de la conversation de Mme Morand avec le 911, sans n’y ajouter rien de plus. On insiste plutôt sur l’état dans lequel se trouvait la plaignante : « Le ton de Mme Morand devient de plus en plus frénétique […] on entend Mme Morand en détresse, respirant fort […] ». etc. De plus, le site Canoë donne directement accès aux extraits à partir de la bande sonore originale de la conversation, extraits qui sont toujours disponibles sur le site.
Le Conseil considère qu’il n’y avait pas d’intérêt public à publier ni à diffuser, sans consentement, ces extraits de conversation puisqu’il n’y avait pas lieu de démontrer de faute ni de la part du personnel du 911 ni de la part des Rangers venus porter secours à Mme Morand. Il n’y a eu aucun détail sur l’accident lui-même, les circonstances, les erreurs commises, ce qui aurait pu informer les adeptes de ce sport. Le seul intérêt de cet article était d’exposer la détresse de la plaignante, ce qui constitue une intrusion dans sa vie privée. Or, le code de déontologie du Conseil est précis : « […] les médias et les journalistes doivent faire preuve de prudence, de discernement et de circonspection. Ils doivent se soucier d1/4lsquo;informer réellement le public et doivent faire les distinctions qui s’imposent entre ce qui est d’intérêt public et ce qui relève de la curiosité publique. Ils doivent éviter tout sensationnalisme dans le traitement de ces événements et prendre garde de leur accorder un caractère démesuré, sinon amplifié, par rapport à leur degré d’intérêt public. Ils doivent éviter de mettre l’accent sur les aspects morbides, spectaculaires ou sensationnels de ces événements. Les journalistes doivent manifester à l’endroit des victimes et de leurs proches tout le respect et la compassion qui leur sont dus en écartant les détails qui ne sont pas d’intérêt public et qui, souvent, n’ont rien à voir avec l’incident rapporté. Ces détails, davantage destinés à piquer la curiosité et qui tiennent plutôt de la surenchère, peuvent être préjudiciables à la victime ou à ses proches en les exposant à des tracas ou à des peines inutiles. Les médias et les journalistes doivent donc prendre les plus grandes précautions pour ne pas exploiter le malheur d’autrui. » (DERP, p. 42)
Le Conseil retient donc le grief pour atteinte à la vie privée.
Refus de collaborer
L’Agence QMI, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et Canoë n’ont pas souhaité répondre à la plainte de Mme Morand en raison de leur retrait du Conseil de presse depuis juin 2010.
Le Conseil reproche à ces médias leur manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de Mme Geneviève Morand et blâme les journalistes M. Andrew McIntosh, Mme Kina Adamczyk ainsi que l’Agence QMI, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et le site Internet Canöe pour atteinte à la vie privée et estime que les mis en cause se doivent de retirer l’article et les enregistrements audio qui font l’objet de la plainte.
Par ailleurs, pour leur manque de collaboration, le Conseil de presse blâme l’Agence QMI, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et le site Internet Canoë.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées
- C24A Manque de collaboration