Plaignant
Syndicat des communications du Progrès du Saguenay
Mis en cause
Mme Véronique Dubé, journaliste; l’émission « Le Téléjournal/Saguenay » et la Société Radio-Canada – Saguenay-Lac-Saint-Jean
Résumé de la plainte
Le Syndicat des communications du Progès du Saguenay, par l’entremise de son avocat, Me Richard Bergeron, dépose une plainte contre Mme Véronique Dubé, journaliste à la Société Radio-Canada – Saguenay-Lac-Saint-Jean, relativement à un reportage diffusé le 30 mars 2010, dans l’émission « Le Téléjournal/Saguenay ». Le syndicat reproche à la journaliste de s’être approprié un document portant sur le renouvellement de la convention collective, sans autorisation et d’en avoir diffusé des extraits que l’on dit inexacts. Le plaignant exige des excuses de la part de Radio-Canada et demande qu’on lui retourne le document en question.
Analyse
Grief 1 : accéder à un document sans autorisation
Le plaignant accuse la journaliste de s’être approprié un document sans autorisation, lors d’une réunion privée des journalistes du Syndicat des communications du Progrès du Saguenay. Le plaignant dit avoir loué le deuxième étage d’un hôtel pour discuter en privé les dernières offres patronales du Groupe Gesca. Le document intitulé, « Document comparatif de la proposition globale et finale », datant du 25 mars, constitue, aux yeux du syndicat, un dossier privé, interne contenant des informations confidentielles. Le plaignant considère que la mise en cause aurait dû s’adresser au représentant du syndicat pour s’assurer qu’elle pouvait divulguer le contenu du dit document.
Mme Martine Lanctôt, directrice aux traitements des plaintes et affaires générales de Radio-Canada, endosse la version de la journaliste qui dit avoir trouvé le document par terre, dans un espace public, c’est-à-dire l’espace extérieur à la salle de réunion auquel avaient accès journalistes et caméramans. Elle n’a pas fait de démarche particulière pour obtenir le document illégalement. Mme Lanctôt estime que le sujet des relations de travail entre les employés du journal Le Quotidien et du Progrès-dimanche et le Groupe Gesca constitue pour les téléspectateurs de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean un dossier d’intérêt public et il était du devoir de Radio-Canada d’en faire état.
Quant à Me Guylaine Bachand, conseillère juridique à Radio-Canada, le document, selon elle, n’a pas été dérobé puisqu’il se trouvait dans une aire publique et de ce fait, il perdait son caractère confidentiel. Elle ajoute que, en droit des médias et dans le cadre de droit du public à l’information, lorsque des informations sont d’intérêt public, il arrive que des documents soient diffusés sans l’approbation des personnes de qui elles émanent.
Pour compléter, Me Geneviève McSween, aussi conseillère juridique à Radio-Canada, précise que la journaliste et le caméraman ont été invités à monter à l’étage où se tenait la réunion syndicale pour pouvoir tourner des images et réaliser des entrevues. Il y avait, d’ailleurs, d’autres membres des médias présents sur les lieux. Or, c’est dans cet espace, considéré par Me McSween comme public, que la mise en cause a trouvé le document et non dans la salle privée. On ne peut donc pas parler de présence clandestine.
Après discussion avec les deux parties, le Conseil conclut que l’endroit où la journaliste a trouvé le document en question était un lieu accessible à tout le monde, c’est-à-dire les caméramans et les journalistes de différents médias et aussi des clients du restaurant de l’établissement, puisque les toilettes se trouvaient à l’étage. De plus, Mme Dubé nous a confirmé que le dossier intitulé « Document comparatif de la proposition globale et finale » est demeuré plus de 30 minutes par terre sans que personne n’y prête attention.
Le Conseil considère que la mise en cause a fait correctement son travail de journaliste en s’appropriant ce document puisqu’il contenait des informations pertinentes et d’intérêt public pour étoffer son reportage. Elle ne s’est pas introduite dans un lieu privé pour dérober illégalement quoi que ce soit, le grief pour cueillette de l’information est donc rejeté.
Grief 2 : information inexacte
Le plaignant accuse la journaliste d’avoir dévoilé intégralement, aux téléspectateurs, la table des salaires apparaissant dans le document que la journaliste avait trouvé. Il affirme que ces chiffres ne correspondent pas à la réalité puisqu’il s’agissait d’un document de travail antérieur sur lequel la partie syndicale et la partie patronale ont continué de travailler.
La journaliste, de son côté, nous a affirmé s’être fait confirmer les chiffres par trois membres du syndicat : deux journalistes et un photographe, pour s’assurer de la véracité de ces données avant d’aller en ondes. Ces trois personnes ont cependant demandé à garder l’anonymat. Elle a aussi tenté de se faire confirmer les chiffres, en entrevue, avec le représentant syndical qui a préféré ne pas commenter. Mais jamais il n’a dit que les chiffres étaient erronés. Mme Dubé et Radio-Canada ont jugé que l’information était exacte et d’intérêt public et l’ont donc diffusée.
Le Conseil a obtenu copie de la convention collective votée à la majorité par les membres du Syndicat des communications du Progrès du Saguenay. En comparant les échelles salariales provenant de la copie de travail citée dans le reportage de Mme Dubé et celles de la version finale de la convention collective, le Conseil constate qu’il n’y a aucune différence, contrairement à ce que prétend le plaignant.
Par ailleurs, la copie de travail présentée à l’écran est datée du 25 mars, soit 5 jours avant l’adoption par les membres du syndicat de la version finale de la convention. Il aurait été préférable de mentionner que le document présenté, à l’antenne, était en fait la copie de travail et non pas la convention collective nouvellement votée, afin d’éliminer toute confusion. Cela dit, le Conseil considère que comme les données sur les échelles salariales étaient les mêmes dans les deux versions, le grief pour information inexacte est rejeté.
Grief 3 : refus de présenter des excuses et de restituer de document
Le plaignant, le Syndicat des communications du Progrès du Saguenay, se trouvant lésé par le reportage de la journaliste demande des excuses de la part de Radio-Canada et exige que le document que la mise en cause se serait « approprié sans autorisation et sans droit » lui soit retourné.
La Société Radio-Canada répond que, quant à elle, la journaliste a agi de façon responsable tant dans sa cueillette de l’information que dans la divulgation du document en question, dans le cadre de la préparation et de la diffusion du reportage. Pour toutes ces raisons, Radio-Canada ne peut donner suite à la demande du plaignant.
Pour le Conseil, étant donné que la journaliste a agi en respect des normes journalistiques et du guide de déontologie, il n’est pas pertinent d’exiger des excuses de la part du diffuseur. De plus, le document trouvé par la journaliste constitue en fait du matériel journalistique et n’a pas à être rendu. Le grief pour demande d’excuses et restitution du document est rejeté.
DÉCISION
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte du Syndicat des communications du Progrès du Saguenay contre la journaliste, Mme Véronique Dubé, et la Société Radio-Canada – Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C23K Exclusivité/primeur