Plaignant
M. Stéphane Marleau
Mis en cause
Mme Emy-Jane Déry, journaliste; Mme Fany Lévesque, directrice de l’information et l’hebdomadaire Le Nord-Côtier
Résumé de la plainte
M. Stéphane Marleau porte plainte contre la journaliste Emy-Jane Déry et le journal Le Nord-Côtier, relativement à un article publié le 29 septembre 2010, intitulé « Les agents correctionnels fédéraux dénoncent l’attitude d’Ottawa ». Le plaignant estime que l’article contient des informations inexactes, des omissions et souhaite que des rectifications soient apportées.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et omission
M. Stéphane Marleau, lui-même détenu au pénitencier de Port-Cartier, est en désaccord avec la journaliste, Mme Déry, quand cette dernière écrit que les populations carcérales augmentent au Canada, ce qui a pour conséquence de faire hausser les doubles occupations des cellules et, de plus, serait la cause de l’augmentation de la violence en établissement. Le plaignant soutient qu’à Port-Cartier, la population carcérale est en baisse et qu’il n’y a aucune cellule double. Dans son commentaire, la journaliste fait référence au Rapport de l’enquêteur correctionnel du Canada 2009-2010 pour appuyer son article. Or, dit M. Marleau, le rapport n’a été publié que le 5 novembre et donc la journaliste, dont l’article est daté du 29 septembre, ne pouvait s’y référer. Il dénonce enfin le fait que rien dans l’article ne traite des véritables causes de la violence qui sévit à Port-Cartier et qui serait provoquée par les agents correctionnels.
De son côté, la journaliste explique que son article portait sur une entrevue avec le président national du syndicat des agents correctionnels fédéraux, M. Pierre Mallette. Ce dernier fait état de la situation générale de l’ensemble des pénitenciers fédéraux canadiens où la population ne cesse d’augmenter et où les occupations doubles des cellules sont à la hausse, phénomène qui peut provoquer des incidents violents. Le seul moment où le président du syndicat aborde le sujet du pénitencier de Port-Cartier, c’est pour mentionner le nombre d’agents correctionnels membres du syndicat national, soit 240. Mme Déry ajoute que le dernier rapport de l’enquêteur correctionnel du Canada, M. Howard Sapers (2009-2010), qui a fait l’objet de couverture médiatique avant sa publication officielle (Eg. Cyberpresse, 8 septembre 2010 et donc avant la publication de l’article contesté), vient confirmer les dires du président du syndicat M. Mallette.
La directrice de l’information du journal Le Nord-Côtier, Mme Fanny Lévesque, quant à elle, avoue comprendre que M. Marleau et « ses confrères puissent être en désaccord avec (les propos) de l’enquêteur fédéral […], mais la raison n’est pas suffisante pour discréditer le travail de Mme Déry qui n’a pas à remettre en question les résultats d’un rapport crédible, réalisé par le gouvernement fédéral. Mme Déry respecte le code de déontologie du journalisme; elle rapporte des faits émanant de sources fiables et officielles ».
Le Conseil constate effectivement, que l’article de la journaliste Mme Déry porte sur l’état des négociations entre le gouvernement et le syndicat des agents correctionnels fédéraux. Le président national, M. Pierre Mallette y exprime ses craintes : « […] la situation est d’autant plus pressante en raison des populations carcérales qui ne cessent d’augmenter. Le phénomène fait hausser les doubles occupations de cellules qui seraient souvent la cause de violence en établissement ». Sauf la mention, à la toute fin de l’article, du nombre d’agents correctionnels représentés par le syndicat à Port-Cartier, nulle part ailleurs n’est-il fait mention de la situation qui prévaut à Port-Cartier et là n’était pas l’intention de l’article. Il est donc normal que l’article ne fasse pas état des causes de la violence qui sévit à Port-Cartier tout particulièrement.
De plus, le Conseil a consulté le rapport de l’enquêteur correctionnel du Canada pour 2009-2010 dans lequel M. Howard Spares conclut que : « Le nombre croissant de délinquants dans les pénitenciers dépasse rapidement leur capacité. Au cours des cinq dernières années, les pressions de la surpopulation ont entraîné une augmentation de 50 % en ce qui concerne la double occupation […]. Cette pratique rend les détenus et le personnel plus vulnérables. »
Ainsi, le Conseil considère que Mme Emy-Jane Déry a effectué son travail dans le respect des règles journalistiques et que la journaliste et le journal Le Nord-Côtier n’ont pas publié d’information inexacte, étant donné que le plaignant et la journaliste ne font pas référence à la même réalité. Le grief pour information inexacte et omission est rejeté.
Grief 2 : refus de rétractation
Le plaignant, M. Stéphane Marleau, demande qu’une rectification soit apportée et que « la journaliste me permette de pouvoir donner mes commentaires comme M. Pierre Mallette a pu le faire afin de corriger les erreurs écrites dans l’article ».
Dans son commentaire, la directrice de l’information du journal Le Nord-Côtier suggère plutôt au plaignant de rédiger une lettre ouverte dans laquelle il mettrait en évidence certains faits qui pourraient être vérifiés par la journaliste.
Le Conseil, lui, estime que le journal Le Nord-Côtier n’a aucune obligation à interviewer le plaignant, M. Marleau, et comme il n’y a pas eu d’erreur ou d’information inexacte, il n’y a pas lieu de demander au journal et à la journaliste Mme Déry de se rétracter. Le grief pour demande de rétractation est donc rejeté.
Grief 3 : conflit d’intérêts
Dans sa réplique aux commentaires de la journaliste, le plaignant ajoute un nouvel élément à sa plainte. Il dénonce le fait que la directrice de l’information du journal Le Nord-Côtier, Mme Fanny Lévesque, ait un lien de parenté avec une employée du pénitencier de Port-Cartier, Mme Chantal Lévesque, ce qui, selon lui, constitue un conflit d’intérêts.
La directrice de l’information du journal Le Nord-Côtier, Mme Fanny Lévesque, nie catégoriquement avoir un lien de parenté avec Mme Chantal Lévesque.
Le Conseil estime que le plaignant n’a pas fait la preuve d’un conflit d’intérêts ni d’un lien de parenté entre la direction du journal Le Nord-Côtier et l’employée du pénitencier. De plus, la notion de conflit d’intérêts, dans le cas qui nous intéresse, ne s’applique pas puisque l’article en cause ne traite pas de la situation au pénitencier de Port-Cartier. Le grief pour conflit d’intérêts est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Stéphane Marleau contre la journaliste Mme Emy-Jane Déry et l’hebdomadaire Le Nord-Côtier.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C19A Absence/refus de rectification