Plaignant
L’Ordre des denturologistes du Québec
Représentant du plaignant
Me Jean-Claude Dubé
Mis en cause
M. David Clerk, directeur général et les Éditions Protégez-vous
Résumé de la plainte
L’Ordre des denturologistes du Québec, par le biais de son avocat, Me Jean-Claude Dubé, porte plainte contre les Éditions Protégez-Vous, relativement à un numéro spécial (hors série) produit par l’éditeur et réalisé en partenariat avec l’Ordre des dentistes du Québec, intitulé Guide pratique des soins dentaires. Le plaignant reproche au mis en cause (1) d’avoir publié des informations inexactes (2) des propos méprisants, ainsi que (3) d’avoir servi les intérêts financiers de l’Ordre des dentistes du Québec en publiant ce numéro.
Analyse
Grief 1 : mélange de genres
Dans un premier temps, le plaignant reproche au mis en cause d’avoir « laissé à la seule responsabilité de l’Ordre des dentistes du Québec la rédaction de textes sans autre forme de vérification », ce qu’il considère être une « déresponsabilisation inacceptable du magazine ». Il souligne en outre que l’Ordre des dentistes du Québec a « des intérêts financiers pour la publication d’un tel guide ».
Le Conseil, pour sa part, estime que le grief tel que décrit par le plaignant correspond à un mélange de genre, puisque le plaignant prétend que la publication doit être vue comme un outil promotionnel « qui sert les intérêts corporatifs d’un ordre » professionnel, et non l’intérêt public.
Le mis en cause rejette quant à lui ces accusations, en invoquant successivement trois arguments. En premier lieu, dans une correspondance adressée au Conseil de presse, le directeur général des Éditions Protégez-Vous remet en question la recevabilité même de la plainte, arguant que les « Guides pratiques » des Éditions Protégez-Vous ne doivent pas être vus comme des produits journalistiques, puisqu’il n’y aurait « aucune prétention journalistique formelle ». Il serait donc illégitime de lui reprocher de s’être départi de ses responsabilités quant au contenu pour un produit qui ne cadre pas, selon lui, avec la définition de ce que constitue un produit journalistique. Dans un deuxième temps, cette fois-ci dans le commentaire formel en réponse à la plainte, il souligne que la mission sociale de l’Ordre des dentistes du Québec est, comme c’est le cas pour tous les ordres professionnels, de protéger le public, et donc qu’il ne saurait y avoir incompatibilité avec la mission sociale de l’éditeur. Finalement, il avance également que l’Ordre des dentistes du Québec est la seule autorité en mesure de juger de la véracité du contenu et de la rigueur des textes publiés.
On doit d’abord constater que le mis en cause ne reprend nulle part, dans sa correspondance officielle avec le Conseil, l’argument évoqué dans la réponse qu’il a fait parvenir au président de l’Ordre des denturologistes du Québec, après que celui-ci lui ait signifié son profond désaccord avec certains passages du numéro en question. Dans cette lettre, M. Clerk affirmait que « Les Éditions Protégez-Vous, à titre d’éditeur, s’assurent de la rigueur et de la véracité des faits contenus dans ces guides. » Bien au contraire, lors d’un entretien téléphonique, le directeur général des Éditions Protégez-Vous a confirmé, comme c’est d’ailleurs inscrit dans la cartouche du Guide des soins dentaires, que les textes publiés étaient l’œuvre de professionnels de l’Ordre des dentistes du Québec, et que l’apport de l’éditeur s’était limité à la mise en page et à la correction du français. En conséquence, on peut donc affirmer que la publication en question n’est pas un produit journalistique, malgré qu’elle en ait toutes les apparences, mais un produit promotionnel conçu par un ordre professionnel.
Précisons ici que pour le Conseil, il importe peu de déterminer si l’information véhiculée visait à promouvoir l’intérêt du public ou à promouvoir les intérêts particuliers de l’Ordre des dentistes. En effet, un produit promotionnel n’acquiert pas un caractère journalistique du simple fait de viser l’intérêt public. Par exemple, les publicités gouvernementales visent très souvent l’intérêt public, sans être pour autant des produits journalistiques.
Pour le Conseil de presse, il est problématique qu’un éditeur se départisse ainsi, en bloc, de ses responsabilités éditoriales relatives au contenu, tout en coiffant la publication de son logo et de son identité visuelle, devenus avec le temps des gages de qualité et de sens critique, et octroyant ainsi à la publication l’apparence d’un produit journalistique. Le public, en droit de s’attendre à une impartialité et une indépendance complète de la part de l’éditeur, se trouve dès lors dupé, du fait que le magazine a usé de la notoriété de sa marque de commerce pour le compte d’un tiers, en l’occurrence l’Ordre des dentistes du Québec.
Or le Conseil estime qu’une entreprise de presse, dont la fonction première est de produire du contenu journalistique de qualité, ne devrait jamais céder de la sorte son indépendance rédactionnelle, en abdiquant ses responsabilités relatives au contenu et en la laissant à l’entière discrétion d’un partenaire. Un tel comportement est de nature à miner la confiance que le public entretient à l’égard des Éditions Protégez-Vous.
Par ailleurs, le Conseil reconnaît aux entreprises de presse le droit de publier autre chose que du contenu purement journalistique, mais il importe alors de prendre toutes les précautions nécessaires pour éliminer toute possibilité de confusion entre ces différents genres de productions.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse, à cet égard, est très clair : « Les médias doivent établir une distinction nette entre l’information et la publicité sur tous les plans : contenu, présentation, illustration. Tout manquement à cet égard est porteur de confusion auprès du public quant à la nature de l’information qu’il croit recevoir. » (DERP, p. 31)
Conséquemment, le Conseil retient donc la plainte pour mélange de genres.
Griefs 2 et 3 : informations inexactes et propos méprisants
Le plaignant soutient également que le texte qui présente le travail des denturologistes, dans le Guide, est « méprisant, condescendant et […] prétentieux », et qu’il comporte en outre des inexactitudes.
Or, étant donné que le Conseil a jugé que le produit en question n’était pas de nature journalistique, mais bien promotionnelle, malgré qu’il en ait toutes les apparences, le Conseil ne peut se pencher sur ces griefs, puisque la publicité et les outils promotionnels ne sont pas de sa juridiction.
En conséquence, les griefs pour informations inexactes et propos méprisants n’ont pas été étudiés.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de l’Ordre des denturologistes et blâme les Éditions Protégez-Vous pour mélange de genres. Quant aux griefs pour inexactitudes et propos méprisants, ils n’ont pas été étudiés, puisque le Conseil a jugé que le produit en question n’était pas de nature journalistique.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C20A Identification/confusion des genres