Plaignant
M. Sébastien Goulet
Mis en cause
Mme Lysiane Gagnon, journaliste et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Sébastien Goulet dépose une plainte contre la journaliste Mme Lysiane Gagnon du quotidien La Presse relativement à un article paru le 21 décembre 2010, intitulé : « Khadir le fanatique ». Le plaignant déplore que l’on ait déformé les propos du député de Mercier, Amir Khadir, propos rapportés par la journaliste de La Presse, Mme Katia Gagnon, le 7 juin 2006 dans un article intitulé : « Amir Khadir n’écarte pas la théorie du complot ». De plus, M. Goulet dénonce le ton partial visant à discréditer M. Khadir.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Dans sa plainte, M. Sébastien Goulet dénonce l’article de Lysiane Gagnon de La Presse qui qualifie le député de Mercier de « radical fanatique qui voyait un complot américain dans les attentats du 11 septembre ».
Or, en se référant à l’article de Mme Katia Gagnon où les propos de M. Khadir sont rapportés, le plaignant indique que ce que M. Khadir a dit est plutôt : « […] la version officielle quant aux attentats du 11 septembre (acte terroriste d’Oussama ben Laden) tient la route, mais que vu les antécédents du gouvernement américain en matière de manipulation, le doute s’impose et une enquête indépendante est nécessaire. » M. Goulet conclut que l’on a déformé de façon grossière les propos du chef de Québec Solidaire.
De son côté, Mme Lysiane Gagnon de La Presse se défend d’avoir déformé les propos de M. Khadir. Elle est appuyée en ce sens par Me Patrick Bourbeau du bureau des affaires juridiques de La Presse. La journaliste souligne que, par ses paroles, M. Khadir n’est pas loin de croire à une conspiration et demande une enquête sérieuse et indépendante. Or Mme Gagnon affirme que seuls les partisans de la conspiration demandent une enquête. Ainsi, M. Khadir, qui souhaite une enquête internationale, croit en la conspiration, et ce, même s’il « n’exprime pas une certitude absolue ». Mme Gagnon ajoute que dans une réplique de M. Khadir à son article, ce dernier ne lui reproche pas d’avoir déformé sa position sur le 11 septembre. Il n’y fait même pas allusion. Me Bourbeau, de son côté, appuie la défense de la journaliste. Il écrit : « […] l’affirmation de Mme Gagnon selon laquelle M. Khadir voyait un complot américain dans les attentats du 11 septembre 2001 est étayée par les faits […]. »
À la lecture de l’article de Mme Katia Gagnon de La Presse, qui rapporte les propos de M. Amir Khadir, le Conseil constate que jamais on n’y affirme de façon catégorique que M. Khadir est d’accord avec la théorie du complot. Au contraire, l’auteur y apporte beaucoup de nuances, par exemple :
— « Moi je pense qu’il faut être extrêmement prudent (sur l’idée que les Américains pourraient être impliqués dans les attentats). Et je pense que la prudence primordiale c’est de ne pas rejeter du revers de la main ces théories-là, de demander une enquête sérieuse […]. »
— « Amir Khadir, lui, n’accorde pas nécessairement foi à ces théories du complot. D’ailleurs, si une grande enquête internationale était instituée, elle conclurait probablement que le 11 septembre est bel et bien un acte de terrorisme organisé par Oussama ben Laden croit-il. »
— « Il est à tout le moins raisonnable de penser qu’il peut y avoir eu conspiration […] Sachant ce qui s’est produit dans le passé, on a le devoir d’aller fouiller, dit le Dr Khadir. »
On est donc loin d’une affirmation catégorique voulant que les attentats du 11 septembre soient une conspiration américaine. Mme Lysiane Gagnon n’a pas fait la preuve de cette affirmation comme le laisse entendre Me Bourbeau. L’essentiel de sa chronique porte sur l’appui de M. Khadir au boycottage de produits israéliens.
Dans l’article de Lysiane Gagnon, le Conseil considère qu’on a dénaturé les paroles de M. Khadir. Mme Lysiane Gagnon reconnaît même, dans ses commentaires, que M. Khadir : « n’exprime pas une certitude absolue ». Elle l’affirme pourtant comme une certitude dans son article.
Le Conseil s’est aussi entretenu avec le député de Mercier qui confirme qu’il n’a jamais affirmé qu’il croyait à la théorie du complot. Il ajoute que pour lui il est « excessivement improbable qu’un pays s’inflige une telle punition ». Mais, se basant sur les demandes légitimes des familles des victimes des attentats de faire la lumière sur les événements, M. Khadir se dit d’accord avec une telle démarche. Il ajoute qu’il n’a jamais réagi aux propos de Mme Gagnon, car il avait d’autres dossiers plus urgents qui le retenaient. Ainsi, le grief pour information inexacte est retenu.
Le Conseil estime que la journaliste a manqué de rigueur en déformant le contenu de l’article de Mme Katia Gagnon et en faisant dire à M. Khadir qu’il croit au complot américain. Cette inexactitude porte une atteinte sérieuse au droit du public à l’information en introduisant cette erreur dans la sphère médiatique, considérant de plus, que cette erreur a été reproduite et multipliée. Ainsi, le grief pour information inexacte est retenu.
Grief 2 : partialité
M. Sébastien Goulet déplore le fait que la journaliste décrive M. Amir Khadir comme un fanatique. Dans l’article de Mme Lysiane Gagnon, le plaignant dénonce le fait que la journaliste parle de M. Khadir comme d’un fanatique. Le plaignant juge que le ton de la journaliste est partial.
De son côté Lysiane Gagnon, chroniqueuse à La Presse dit qu’à ce titre, elle a le droit de qualifier, M. Khadir, de radical et de fanatique. « Radical », car M. Khadir est radical par rapport à l’ensemble de la classe politique. « Fanatique », car si on se réfère à différents dictionnaires ce mot signifie « zèle aveugle », « excessif » ou « passionné ». « Le fait que M. Khadir défend avec zèle et passion les causes auxquelles il croit ne peut être mis en doute. Qu’il le fasse à l’occasion d’une manière excessive, ou avec un zèle aveugle est tout aussi évident pour qui a suivi sa carrière. »
Le Conseil est d’avis que Mme Lysiane Gagnon à titre de chroniqueuse fait du journalisme d’opinion. Ainsi, il est normal que son texte ou ses propos soient teintés de ses opinions qu’elle peut exprimer avec une grande liberté. Le guide de déontologie du Conseil de presse précise que : « Le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire. » (DERP, p. 17) Ainsi, le grief pour partialité est rejeté.
Décision
Après analyse de la plainte de M. Sébastien Goulet, le Conseil de presse blâme Mme Lysiane Gagnon et le quotidien La Presse, pour inexactitude. Cependant, il rejette le grief pour partialité.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
Date de l’appel
19 October 2011
Appelant
Mme Lysiane Gagnon et le quotidien La Presse
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent et conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier est fermé.